Dominique de Villepin : « L’Europe s’efface des radars »

 

Le mouvement de Villepin pourrait s’appeler « Pour une république solidaire »

4dntvuhh2yeo4npyb3igdet73odaolf$5r348g80teko6wf1b59pf0y7h0woy6v Dominique de Villepin a confirmé ce matin sur France Inter qu’il lancera son « mouvement » le 19 juin. En ce qui concerne le nom de baptême, « Pour une république solidaire » semble tenir la corde, Dominique de Villepin n’ayant pas démenti ; « Ce n’est pas choisi », a-t-il simplement souligné.

L’organisation villepiniste ne « veut pas ressembler à un parti politique comme les autres », a assuré son leader. Dominique de Villepin se fixe deux objectifs qui n’en font qu’un : « rassembler » et « dépasser les divisions habituelles de la droite et la gauche. » « Il y a de bonnes idées à droite et il arrive aussi qu’il y ait de bonnes idées à gauche. On se prive, par idéologie, de la capacité d’avancer ensemble sur un certain nombre de sujet fondamentaux. » a-t-il souligné. La France n’échappera pas à une longue période de rigueur, a répété l’ancien premier ministre : les Français vont devoir se mobiliser « pendant plus de dix ans. Au moins trois présidences de la République, peut-être de droite ou de gauche ».

« Il faut bâtir un consensus », « un chemin de convergence », « un rassemblement » a encore souligné Dominique de Villepin, probablement inspiré par la déliquescence du MoDem lors des deux derniers rendez-vous électoraux.

 

Dominique de Villepin : « L’Europe s’efface des radars »

  • Interview de Dominique de Villepin pour le journal La Tribune du 20 mai 2010 dans le cadre d’une intervention au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). (Propos recueillis par Sophie Gherardi)

 

« Partagez-vous l’inquiétude très répandue en ce moment sur l’avenir de l’Europe ?

Elle ne me surprend pas. De par mon histoire et mes activités qui m’amènent à voyager beaucoup, je suis bien placé pour constater que l’Europe s’efface des radars. Elle est passée de 20 à 15 % du PIB mondial, de 28 à 22% des échanges commerciaux. Le basculement du monde que j’ai évoqué dans mon livre « la Cité des hommes » peut être touché du doigt. Nos positions sont concurrencées en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine. Il y a une évolution extrêmement rapide qui ne se fait pas à l’avantage de l’Europe. C’est vrai sur le plan économique, c’est vrai aussi sur le plan politique et diplomatique. Notre continent est moins une référence que par le passé, y compris dans des domaines qui me tiennent à cœur comme la culture.

D’où pourrait venir le sursaut ?

Deux clés ont été trop méconnues. D’abord l’impératif de l’indépendance. Tant que l’Europe ne s’émancipe pas, ne s’affirme pas en tant que telle sur le plan politique, économique, sur le plan de la sécurité, elle ne pourra défendre ses intérêts. Ensuite la nécessité de la convergence de nos économies pour réaliser les promesses de la monnaie unique. La crise de l’euro est un avertissement, le n-ième. Aujourd’hui, le vrai défi, c’est d’être capable d’avancer dans la voie d’une coordination budgétaire, fiscale, voire sociale. Une discipline renforcée suppose que l’on s’impose des règles volontaires pour un désendettement maîtrisé – en se donnant au minimum dix ans, car l’effort abrupt aujourd’hui exigé court le risque d’étouffer une croissance fragile-, crédible – comme l’ont fait les Allemands, par exemple en inscrivant l’équilibre budgétaire dans la constitution – et juste – c’est-à-dire réparti équitablement. Il y a d’autres idées, comme de prendre des mesures d’urgence au-delà d’un seuil d’endettement jugé dangereux. Je suis plus réticent sur l’idée de la Commission européenne d’un contrôle préalable des budgets nationaux je suis soucieux de la responsabilité des Etats-nations. La France ne doit pas lâcher la proie pour l’ombre.

La relation franco-allemande vous paraît-elle menacée ?

Ne nous leurrons pas : nos chemins se séparent de plus en plus, ce que ne sauraient cacher des tribunes communes. Faire le pari de l’Europe, pour nous, c’est d’abord retrouver l’équilibre franco-allemand. Actuellement, nous divergeons sur le fond et nos peuples se rendent compte que quelque chose ne va pas. Une Europe équilibrée et efficace doit s’appuyer sur la vitalité d’un moteur européen fidèle à l’intérêt général.

Selon vous, les Allemands ont l’impression qu’on les emmène loin de leurs intérêts ?

Oui, ils ont une réticence à garantir des pays qui n’ont pas accompli les mêmes efforts qu’eux. Je ne peux pas leur donner tort. L’Europe a perdu ses objectifs, ses horizons. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan devait avoir, selon le Président, pour contrepartie une relance de l’Europe de la Défense. Il n’en est rien. C’était prévisible et c’est pour cela que je m’y suis opposé. Nous ne sommes pas plus visibles. La France ne peut pas s’en remettre à une Europe qui ne s’assume pas, ni puissante, ni indépendante.

Croyez-vous au redémarrage possible de l’Europe ?

L’Europe reste un bel idéal et un formidable levier d’Archimède, comme disait le général de Gaulle, à condition de s’appuyer sur un pilier responsable qui est le franco-allemand. Il n’y a pas d’avenir pour une France faible en Europe. La France doit être forte pour travailler, avec l’Allemagne, dans le cadre d’une relation respectueuse. Je dis oui à une gouvernance économique fondée sur deux pieds, la coopération et la discipline. Mais je dis non à la fuite en avant. Les Allemands ont fait des efforts. Regardons les choses en face, nous en avons aussi à faire pour remettre de l’ordre dans notre maison.

Mais les générations passent, peut-être est-ce l’intérêt pour l’Europe qui faiblit ?

Répondons aux préoccupations et aux aspirations de nos peuples. Il faut savoir ce qu’on veut construire ensemble. Nous voulons compter. Cela suppose d’être crédible. La France doit l’être, l’Europe doit l’être. Si les garanties de 750 milliards d’euros que nous avons mises en jeu pour arrêter la spéculation contre l’euro devaient être activées, la France pourrait avoir à mobiliser plus de 100 milliards et l’Allemagne pour près de150 milliards. On joue gros ! L’engagement financier ne peut pas aller sans un engagement politique et collectif fort ».

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