La France et la guerre en Ukraine : « Que le poids de l’évidence et de la raison » s’impose enfin, avant qu’il ne soit trop tard.

Photomontage Le Dialogue, photo : Laurent Blevennec / Présidence de la République

Tribune

Julien Aubert

Il faut dire que l’Élysée avait convié une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement européens et une demi-douzaine de représentants ministres, dont un sous-secrétaire d’État américain, pour réaffirmer la solidité du soutien (militaire et financier) à l’Ukraine, et que la conférence de presse visait à montrer à Poutine la résolution des occidentaux. 

Néanmoins, en adoptant une position aussi avancée, qu’il a qualifiée « d’ambiguïté stratégique », Emmanuel Macron a mis le doigt de pied dans un redoutable piège politico-juridique. 

Au plan légal, les pays occidentaux n’ont pas le droit de faire la guerre comme ils l’entendent. Quand bien même l’invasion de l’Ukraine est une violation patente de la Charte des Nations Unies, la France ne peut pas invoquer la légitime défense pour entrer sur le sol ukrainien au sens de l’article 51 de la Charte. Aucun traité d’alliance ne nous lie à ce pays, ce qui exclut une conception extensive de cette faculté (légitime défense collective). 

Par conséquent, quand bien même un « consensus » aurait émergé lundi 26 février à Paris sur le fait d’envoyer des troupes au sol, la seule manière de respecter la légalité serait de faire avaliser par le Conseil de sécurité des Nations-Unies une telle intervention au nom de la sécurité collective (chapitre VII). 

Or, nul n’imagine la Russie ne pas mettre un véto à cette option. 

Lorsqu’Emmanuel Macron n’exclut pas la possibilité d’envoyer des troupes au sol, il enterre donc consciemment ou inconsciemment l’ONU, en affirmant que plusieurs pays membres permanents du Conseil de Sécurité pourraient partir en guerre contre un autre membre permanent. 

Comment ne pas voir la terrible ironie de la chose ? Le matin même du jour où Emmanuel Macron s’aventurait en terrain glissant, Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-Unies déclarait, en ouverture de la 55e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « que le Conseil de sécurité était trop souvent paralysé et incapable d’agir sur les questions de paix et de sécurité les plus importantes de notre époque ». Il a expliqué que l’inaction du Conseil sur l’Ukraine et Gaza avait peut-être mortellement sapé son autorité et que le Conseil avait besoin d’une réforme en profondeur de sa composition et de ses méthodes de travail. 

La sortie d’Emmanuel Macron, si elle était sans doute empreinte de lucidité au plan juridique, est une grave erreur géopolitique : la France tient justement un rôle majeur dans le système international du fait de son siège permanent. Miner un peu plus le Conseil de sécurité, c’est donc scier la branche diplomatique sur laquelle nous sommes assis. 

Cette erreur se double surtout d’une faute militaire. Le droit international a ses limites, mais le droit de veto est en réalité un fusible qui permet d’éviter l’escalade entre grandes puissances. Serions-nous vraiment plus sécurisés si demain, en passant par pertes et profits le droit, la France, puissance nucléaire, rentrait au contact de la Russie, autre puissance nucléaire ? 

Les ambiguïtés stratégiques (sur l’envoi de troupes au sol) d’Emmanuel Macron n’auront aucun effet dissuasif, car seule l’arme nucléaire en a un. A condition de ne pas se retrouver face au dilemme de son utilisation !


Les signataires de la tribune :

  • Julien Aubert, ancien député, président d’Oser la France
  • Roland Lombardi, historien, géopolitologue, rédacteur en chef du Dialogue
  • Georges Kuzmanovic, président de République souveraine
  • Valérie Boyer, sénatrice des Bouches-du-Rhône
  • Éric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)
  • Yves Bonnet, ancien directeur de la DST et ancien préfet
  • Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE
  • Laurent Henninger, historien
  • Régis Le Sommier, grand reporter, ancien directeur adjoint de Paris Match, directeur de la rédaction d’Omerta
  • David Saforcada, président de l’Appel au Peuple
  • Ana Pouvreau, géopolitologue et écrivaine, docteure en Études slaves
  • Caroline Galactéros, Docteure en Sciences politiques, géopolitologue, présidente de GeoPragma
  • Olivier d’Auzon, consultant juriste auprès des Nations unies, de l’Union européenne et de la Banque mondiale
  • Alexandre Del Valle, géopolitologue
  • Jean-Paul Louis Ney, grand reporter, spécialiste des questions de défense
  • Alexis Troude, géopolitologue, universitaire et président du Collectif France-Serbie
  • Annick Asso, agrégée, docteure ès Lettres, universitaire
  • Sylvain Ferreira, historien et journaliste
  • Philippe de Veulle, avocat international
  • Jean Michel Nogueroles, avocat international et économiste, président du think tank Nova Roma
  • Jacques Hogard, colonel (er), géopolitologue
  • David Nataf, juriste spécialisé en cybersécurité
  • Youssef Chiheb, universitaire, spécialiste de la géopolitique du monde arabe et de l’islamisme radical 
  • François Martin, consultant international sur les pays émergents et spécialiste des questions stratégiques
  • Hervé Carresse, expert en communication de crise, breveté de l’École de Guerre et ancien colonel de l’armée française
  • Jean-François Geneste, ancien directeur scientifique d’Airbus Group et PDG de WARPA
  • Hélène Richard-Favre, écrivain
  • Nikola Mirkovic, président de l’association Ouest-Est, analyste politique

11 commentaires sur La France et la guerre en Ukraine : « Que le poids de l’évidence et de la raison » s’impose enfin, avant qu’il ne soit trop tard.

  1. Mon cher Gilbert, ce site n’est pas fait pour traiter de la politicaillerie comme qualifiait le Général la vie des partis politiques. Il porte uniquement et fortement sur la France et sur le gaullisme. Le reste se traite ailleurs.

  2. Qu’est ce que cela vient faire sur ce site que je croyais pur gaulliste !
    Encore des Munichois !

    CHIRAC condamné ! SARKOZY Condamné ! Fillon Condamné ! la honte. Ces hommes malhonnêtes n’étaient pas gaullistes comme ils le prétendaient.
    J’aimerai que gaullisme.fr consacre un article sur ces renégats.

  3. Gilles Le Dorner // 21 avril 2024 à 11 h 46 min //

    Le non-sens d’ empires s’ aggrave en escalade dans l’ esprit d’ empire ou l’ hégémonie revendiquée en idéologie de suprématie

  4. A Max Régnier…votre propos est certes un constat d’incompétence du « Chérubin du Palais et de ses sbires » mais confine à la douce utopie. Non jamais, jamais Jupiter ne changera quoi que ce soit à ses manières de gouverner comme un enfant dans une cours d’école !!!!!!! Reste au Peuple de France de changer la donne et pourvoir au remplacement de cette équipe malfaisante pour toutes et tous.

  5. La France du président Macron, avec ses 3000 milliards de dette et sa sécurité intérieure menacée, n’ a plus ni les finances ni le temps de participer à un conflit qui n’ est pas le sien. La réelle volonté de l’ Union Européenne de mettre fin à la guerre d’ Ukraine passe inévitablement par l’ arrêt de son financement. L’ UE a le devoir d’ abandonner tout projet d’ annexer l’ Ukraine qui a pour vocation de demeurer indépendante. La sagesse de l’ expérience exigeait de ne jamais toucher aux pays des Balkans alors que nous insistons avec le projet d’ annexion de la Bosnie-Herzégovine. La France et la majorité des Français de tous bords appellent au retour de la souveraineté nationale. Nous rappelons au président que les Français sont en droit d’ exiger de lui qu’ après sept années d’ inertie, il s’ attelle à l’ action positive dans les affaires de l’ Etat français.

    Max Régnier. Aniche
    Max Régnier. Perpignan

  6. Gilles Le Dorner // 12 mars 2024 à 15 h 51 min //

    Est ce une façon de faire , de signer d’ abord et daigner faire débattre après ?

  7. « aucun effet dissuasif, car seule l’arme nucléaire en a un. A condition de ne pas se retrouver face au dilemme de son utilisation ! » Et bien NON, « le chérubin du Palais » a inventé son propre dilemme de responsable politique pas très sérieux en racontant n’importe quoi comme dans une cour d’école ou au bar d’en face !!!!! Cette manière désinvolte d’agir ne dissuadera personne sur la planète de se passer de la France pour régler les problèmes qui se posent..

  8. Gilles Le Dorner // 7 mars 2024 à 7 h 55 min //

    La trêve ? « c’ est pas moi qui ai commencé , M’sieur » quand ce n’ est pas « cour de récré ». Après l’ agression il est vrai aux multiples appétits ou calculs en esprits d’ empire il est vrai , au minimum la trêve . Après 2022 en Février de Carême , 2024 déjà et c’ est aussi et encore Carême en orthodoxie aussi , en conflit à l’ Est aussi . Et ce n’ est pas lâcheté / c’ est silence en dialogue repris nécessaire quand rien en blocs et raisons de stratèges ou de camps durcis se partageant le monde et surchauffes de bannières électorales ne paraît plus dialogue ni sagesse , et de « la paille et la poutre » c’ est réponse et appel à l’ Orient aussi . Mécréant ? On ne construit rien et on n’ honore rien sur des terrorismes , on ne construit rien et on n’ honore ni ne glorifie rien sur des cratères de missiles et regards de pleurs et peurs et famines . « Chemins » comme redresser les chemins , jeûnes mais en actes par Isaïe aussi , Ramadan aussi , jeûnes de trêves d’ Assise aussi . L’ Espérance en Partage est « une folie » hors-les-murs aussi . Les trêves

  9. Didier Bernadet // 4 mars 2024 à 12 h 09 min //

    Le plus gravement ennuyeux est cette absence de remise en cause sérieuse(par de grands noms de la Politique, de la Science et de l’Industrie, de la Culture), avec saisine solennelle, d’un jeune Président qui s’avère le parfait successeur de Jean Monnet(avec plus d’esprit et de roublardise) et ne respecte pas notre Constitution, avec des déclarations qui relèvent parfois d’un certain totalitarisme et qui, cerise sur le gâteau, rejette notre souveraineté. Comment pouvons- nous supporter (avec les graves conséquences sous-jacentes) les dérapages plus ou moins inconscients d’un jeune homme d’Etat de peu d’expérience mais à l’égo surdimensionné qui est, en fait, le fruit d’une géopolitique qui nous est imposée? L’Europe, pardon, l’UE, est le champ de bataille assez minable où s’affrontent les intérêts, souvent mal perçus, des trois grands que sont la France, l’Allemagne et la Grande Bretagne, avec les US qui soufflent sur le feu. L’OTAN est un patchwork militaire surévalué qui ne ferait pas long feu dans un conflit à la fois moderne et conventionnel. Au plan militaire la seule crédibilité reconnue (mais en situation dangereuse avec nos fous au volant) est notre force de dissuasion. Le Général savait ce qu’il faisait, mais pouvait-il imaginer que notre pays fut un jour dirigé par des paltoquets sans vergogne et irresponsables?

  10. Mr FLEURY Bernard // 3 mars 2024 à 14 h 07 min //

    Les Allemands ont déclaré la première guerre à toutes l’Europe avec des baïonnettes La deuxième guerre avec des chars et canons La troisièmes guerre est maintenant avec la monnaies depuis le jour que les Français ont voté pour le traité de Maastricht La guerre en Ukraine est une volonté cachée de l’Allemagne avec l’encouragement discrète des industrielles Allemand et Américain avec un appuis du gouvernements Allemand et Américain, donc la guerre en Ukraine n’est pas finie et un certain président pense copié ce que le président de a fait une guerre et repousser les élections pour 2027 pour garder la place de gouverneur de la France état rattaché à la banque européenne d’Allemagne depuis que la France a perdu sa souveraineté monétaire.

  11. toujours très agréable de lire vos articles , nos politiques devraient les lires

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