Pour une laïcité ouverte… à notre identité !

Une tribune de Charles Beigbeder sur www.causeur.fr/

Les apôtres du laïcisme détestent que l’on affuble la laïcité d’un qualificatif : ils ont en horreur que l’on parle de laïcité ouverte, apaisée, constructive ou positive. Cela sous-entend qu’il pourrait exister une autre laïcité qui serait sectaire, intolérante, fermée et négative, ce qu’ils refusent de considérer car pour eux, la laïcité est un dogme fondamental quasi-religieux et non une pratique politique qui régit le fonctionnement des pouvoirs publics. Elle est une idéologie qui doit être inculquée à toute la société, notamment grâce à l’école, et non un ensemble de règles se limitant à l’État. Pour eux, la religion doit être cantonnée à la sphère de la vie privée ; toute dimension publique du fait religieux est suspecte d’être anti-laïque. Ainsi étaient Chirac, Hollande, Royal, Peillon et toute une partie de la classe politique, majoritairement à gauche mais pas uniquement.

Le précédent du Latran

On se rappelle que Nicolas Sarkozy avait rompu ce tabou en décembre 2007 dans un discours prononcé au Latran à l’occasion de la réception de son titre de chanoine d’honneur.

Il y avait célébré les racines chrétiennes de la France là où quelques années plus tôt, Chirac avait refusé leur inscription dans le projet de constitution européenne, finalement rejeté par le peuple français. Il avait reconnu que la mise en œuvre de la loi de 1905 n’avait pas toujours été faite dans un esprit de concorde et d’apaisement et qu’elle avait causé de grandes « souffrances » aux catholiques. Sarkozy avait re-légitimé les religions dans leur contribution au bien commun de la société et enfin, il avait eu cette phrase qui avait failli faire s’étrangler Jean-Luc Mélenchon : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

La laïcité positive, c’est reparti ?

En adressant ses vœux aux représentants des communautés religieuses, le 4 janvier dernier, Emmanuel Macron n’est certes pas allé aussi loin que Nicolas Sarkozy mais il s’inscrit beaucoup plus dans la laïcité positive de l’ancien président que dans celle de son prédécesseur direct. Déjà, au mois de décembre dernier, il avait dénoncé une « radicalisation de la laïcité » sans préciser le fond de sa pensée à ce sujet. Ses vœux laissent encore subsister des zones d’ombre mais on y découvre petit à petit la vision du président qui s’oppose fondamentalement à toute laïcité de combat. « Je ne souhaite pas qu’une religion d’État soit substituée de cette manière aux religions », affirme-t-il, évoquant une laïcité intransigeante qui voudrait cantonner le fait religieux dans l’espace privé. On lit entre les lignes une mise en cause de Vincent Peillon qui évoquait sa « foi républicaine » et voulait l’inscrire au frontispice de notre Constitution, telle une religion d’Etat : « La laïcité organiserait ainsi une sorte de vide métaphysique » poursuit le président, elle « se ferait alors forte de venir elle-même peupler cette zone neutre et d’incarner une sorte de foi républicaine forgée par des valeurs, des traditions érigées à leur tour en croyance universelle sur le modèle lointain du culte de l’Être suprême des Jacobins. D’aucuns y rêvent encore mais ce culte-là a fait long feu ». Ainsi, « la République ne demande à personne d’oublier sa foi » y compris dans l’espace public, pourvu de ne pas se soustraire aux lois de la République.

« L’État est laïque, la société ne l’est pas »

Je ne peux que saluer ce retour en force d’une laïcité apaisée, définie comme la neutralité des pouvoirs publics et non celle de l’espace public, contrairement à ce qu’a affirmé Manuel Valls hier matin sur Europe 1.

« L’État est laïque, la société ne l’est pas » poursuit Emmanuel Macron, dans une formule qui rappelle celle naguère lancée par le général de Gaulle : « Si l’Etat est laïque, la France est chrétienne ». Oui, il est utopique et contraire à la dimension religieuse de l’homme de vouloir restreindre l’expression du fait religieux à l’espace privé et de vouloir laïciser totalement l’espace public, en y ôtant tout signe religieux, que ce soient des crèches de Noël ou des statues de saints. Non, la religion n’est pas qu’une simple opinion comme l’affirmait la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ; elle est aussi un fait social qui doit pouvoir s’exprimer publiquement dans le respect du bien commun, comme le souligne l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948.

Oui à l’islam comme religion, pas comme civilisation

Une question demeure cependant et là réside la limite du discours du président Macron. Aujourd’hui, il y a une seule religion en France dont certains fidèles, heureusement minoritaires, restent étrangers à notre laïcité qu’ils considèrent comme une apostasie. Il y a une religion où la frontière entre le temporel et le spirituel n’existe pas clairement, où la notion de soumission remplace celle d’adhésion libre de l’intelligence et de la volonté, et où la violence peut devenir un moyen de conquête et de prosélytisme. Certes, Emmanuel Macron a raison de ne pas amalgamer tous les musulmans dans les errements de quelques-uns d’entre eux ; cependant, il est à regretter que le discours du président ne précise pas que si l’islam comme religion doit bénéficier de la liberté religieuse dans le respect du bien commun, l’islam comme civilisation ne pourra jamais régir notre société par l’imposition d’une charia que nous combattons vivement. Ne pas voir cette dimension profondément civilisationnelle de l’islam et les menaces que certains de ses adeptes font peser sur notre identité témoigne d’un certain aveuglement et sur ce point, on ne peut que donner raison à Manuel Valls.

Oui à une laïcité ouverte… mais pas dans le sens d’une ouverture à tous les vents ; on irait droit vers un abandon de notre culture et de notre art de vivre. Oui à une laïcité ouverte au fait religieux dans le respect du bien commun ! Oui à une laïcité ouverte avant tout à notre identité que nous devons chérir et aimer charnellement !

 

7 commentaires sur Pour une laïcité ouverte… à notre identité !

  1. Tout ça va mal finir

    On assiste dans notre pays au jeu permanent du tir à la corde. Deux camps antagonistes, grosso modo, se font face-à-face à chaque extrémité dont le rapport de force peut changer de mains rapidement et faire basculer notre société dans l’enfer, si ce n’est lentement mais en tout cas sûrement.

    La notion de bien commun reste le cadet de leurs soucis. C’est l’objectif du tout ou rien sans le moindre accommodement raisonnable. Pourtant, comme deux aimants ils pourraient se rejoindre comme deux amants. Mais la répulsion réciproque est aujourd’hui plus forte que l’attraction dans une France qui devient de plus en plus irréconciliable.

    De plus, la surenchère, encouragée par un applaudimètre et des discours angéliques et alambiqués prononcés par les plus hauts dignitaires de notre pays, qui déroutent plus qu’ils n’apaisent, élargit le fossé qui se creuse toujours un peu plus entre des forces opposées qui revendiquent chacune une légitimité toujours supérieure à toute autre.

    Les pouvoirs publics sont dépassés. Même s’ils font mine de contrôler les situations, ils participent au grand délabrement. A vouloir contenter tantôt l’un tantôt l’autre par quelques saupoudrages ou des formules de circonstance, ils ne font qu’augmenter les déséquilibres et les mécontentements. De la neutralité qu’ils doivent incarner, ils franchissent sans garde-fous la frontière marécageuse du parti pris.

    Les discours seraient de nature pourtant à satisfaire une large opinion si elle y consentait dans un esprit de partage, de tolérance et de respect réciproque en bonne intelligence. Force est de constater qu’ils renforcent au contraire la panoplie des utopies qu’ils recèlent,balayées par les réalités du terrain d’où dominent la cruauté et l’intolérance. Des ambrions de « républiques » avec leurs propres règles s’y installent envers et contre tous et qui défient les pouvoirs publics sans pouvoirs réels et qui passent essentiellement leur temps à ergoter plutôt qu’à agir. Une défiance généralisée s’installe par contagion. Les problèmes se développent et s’installent Ad vitam aeternam.

    Les débats sémantiques et les rhétoriques les plus habiles ne touchent déjà plus une partie de l’opinion qui les piétine, comme elle piétine nos lois, notre identité, notre civilisation, car le rêve qu’elle caresse est celui du règne et de la domination pour imposer ensuite de gré ou de force un modèle de société ; sans nécessairement utiliser la ruse du cheval de Troie pour pénétrer dans l’enceinte d’une ville fortifiée.

    La loi de 1905 d’il y a plus d’un siècle n’est plus de nature à apaiser les esprits et à exempter notre pays des violences à connotation religieuse. La guerre de religion est omniprésente sur une terre de tradition chrétienne, généreuse mais ô combien devenue vulnérable est de plus en plus impuissante à défendre sa place.

    Les stigmates des violences récentes habitent encore nos esprits. Les notions de laïcité, de neutralité, d’espace privé, d’espace public, de curé, de pasteur, d’apôtre, de crèches, de saints, de valeurs, de traditions, de droits de l’homme même s’ils figurent encore dans nos manuels disparaîtront peu à peu de notre patrimoine linguistique. Le temps viendra où il sera même interdit de prononcer des mots considérés comme blasphématoires. Le déni des réalités est déjà à l’oeuvre sur les bancs de nos écoles. La laïcité est condamnée à mourir et les chrétiens doivent désormais songer sérieusement à raser les murs.

    René Floureux 13.01.2018

  2. Les socialistes ,depuis surtout l’infâme Mitterrand, ont tout pourri en France …!! Va falloir du temps pour ….!

  3. HENRI Paskal // 10 janvier 2018 à 19 h 00 min //

    BRAVO ! tous ceux qui me connaissent savent que je suis plus que sympathisant de la France Insoumise, C’est souvent que dans mes commentaires je fais ce même reproche à la laïcité tout en en vantant les mérites, base du bien vivre ensemble. Hors nous assistons à une laïcité à géométrie variable visant particulièrement la Chrétienté, des ministres en Kippa qui viennent prendre leurs ordres au CRIF, une partie de l’islam qui veut s’imposer en mode de vie dépassant le cadre de la république … et une laïcité extrêmement dangereuse, voulant au nom de cette laïcité imposer une nouvelle religion athée un peu comme il est dit dans l’article un retour à la déesse Raison . Leur attitude est en fait totalement contre-productive à la laïcité et nous devons le faire savoir. Dans la F.I. on trouve de tout, c’est un mouvement ouvert et beaucoup d’autres comme moi pensent la même chose. Militons tous pour une laïcité réelle et ouverte.

  4. Edmond Romano // 10 janvier 2018 à 16 h 16 min //

    La laïcité est-elle ouverte ? est-elle fermée ? pour moi elle découle de la loi de 1905 par laquelle l’État ne reconnaît aucune religion mais garantit à chaque citoyen de pouvoir exercer librement la sienne s’il en a une. Remettre ce principe en discussion, plus encore aujourd’hui, nous conduirait sur des chemins dangereux. Quant aux « racines chrétiennes de la France », bien que catholique pratiquant, je trouve ce concept absurde. La France a été bâtie par des catholiques, des protestants mais aussi par des juifs, des athées. Par l’influence de la civilisation grecque et romaine. Quant à l’instituteur qui ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, c’est une erreur fondamentale de Sarkozy (parmi d’autres) car la morale laïque vaut bien quand elle est enseignée (ce qui n’est plus le cas) le catéchisme. J’ai eu la chance et le bonheur d’être instruit par l’école publique et de suivre le catéchisme et entre ce que m’enseignait mes instituteurs et le curé il n’y avait que des différences de mots

  5. Jean-Dominique Gladieu // 10 janvier 2018 à 15 h 17 min //

    M. Beigbeder enfonce une porte ouverte.
    Bien sûr que la France a des racines chrétiennes. Et alors ? Est-ce que, parce que notre histoire a été marquée par le christianisme, la religion doit investir l’espace public ? Si la réponse est oui, au nom de quoi empêcherions-nous les musulmans, les juifs, les boudhistes ou autres de faire de même ?
    Bien sûr que la pratique ou non d’une religion (quelle qu’elle soit) est du domaine du privé et doit y rester. Les pouvoirs publics, eux, n’ont pas à s’en mêler sauf à garantir la liberté pour chacun de croire ou ne pas croire.
    Maintenant,sans compter le Concordat en Alsace et en Moselle, l’histoire de France est ainsi faite que sur les 11 jours fériés de notre calendrier (lui-même grégorien!), 6 sont religieuses. On ne va quand même pas s’en priver sous prétexte de laïcité !
    Mais qu’est-ce cela change fondamentalement ? Pendant la Révolution Française, les cultes révolutionnaires ne rendaient-ils pas hommage au « Sans Culotte Jésus  » ? Lequel n’a-t-il pas rendu un fieffé service à l’humanité en changeant l’eau en vin ?
    C’est une chose de fêter des saints ou un prophète qui font partie du patrimoine national (donc de la chose publique … c’est à dire de la République !), c’en est une autre que de d’aligner la vie des gens sur un dogme religieux.
    Dans sa chanson « Don Juan », Brassens rend « Gloire à qui n’ayant pas d’idéal sacro-saint/Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins). Rien à redire en ce qui me concerne.
    On a bien le droit de faire ce qu’on veut de sa vie : se gaver d’hosties, se mettre à quatre pattes en direction de La Mecque plusieurs fois par jour, se prosterner devant des vaches censées réincarner des défunts ou chanter « à bas la calotte » à s’en éclater la glotte. …
    « Mais de grâce morbleu, laissez vivre les autres,
    La vie est à peu-près leur seul luxe ici-bas. » (encore Brassens : « Mourir pour des idées »).

  6. Les coupeurs de cheveux en quatre peuvent s’en donner à cœur joie….pour faire oublier les différences entre des hommes et des femmes en quête d’autres idées que celles dictées par les politiciens. Laïcité = Libre accès intellectuel contre intelligence totalement encadrée.

  7. La laïcité, la vraie, celle entendue dans la loi de 1905 est celle qui sépare les Eglises de l’Etat avec la neutralité de ce dernier qui organise dans le cadre de la loi la coexistence des religions et pour ceux qui n’en ont pas. L’Etat est laïc mais le titulaire de la magistrature peut avoir une religion mais ne pas en faire état dans la sphère publique, dans l’exercice de sa charge, de ne pas s’en prévaloir d’une façon ou d’une autre. Comme de Gaulle, catholique convaincu , a su la faire.

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