« La motion de censure, un outil qui pourrait redonner la parole aux Français sur leur destin »

Éric Ciotti et Olivier Marleix à l'Assemblée nationale, le 12 mars 2024. Photo THOMAS SAMSON / AFP

Qu’est-ce qu’une motion de censure ? On en a perdu le souvenir précis car ce mécanisme d’engagement de la responsabilité du gouvernement n’a été conduit à son terme qu’en 1962, c’est-à-dire une seule fois sous la Ve République, lorsque le gouvernement Pompidou soutenait la réforme qui a conduit à élire le président de la République au suffrage universel direct. [Voir sur Gaullisme.fr ]

Rappelons-en les éléments, inscrits à l’article 49, alinéa 2 de la Constitution : « L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l’alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire ».

Ce texte clair indique que seule l’Assemblée nationale peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement, ce qui lui donne un avantage certain sur le Sénat. La chambre issue du suffrage universel direct peut s’opposer au Gouvernement avec un effet constitutionnel puissant : faire tomber ce Gouvernement, selon un mécanisme classique du régime parlementaire.

Il s’agit alors de rédiger une « motion de censure », un texte signé par un dixième au moins des députés (58) condamnant la politique de l’exécutif et demandant à l’Assemblée nationale d’apporter son soutien à cette motion. Le procédé est simple et n’exige pas de qualité politique ou rédactionnelle dépassant celle d’un député de base… Le vote intervient après un délai de quarante-huit heures, afin de faire réfléchir les auteurs de la motion et les éventuels votants. Ce délai est mis à profit par les députés pour compter leurs voix, comme pour le gouvernement pour compter les siennes. C’est un moment d’intenses tractations politiques puisque, une fois ce délai écoulé, le vote de la motion doit rassembler la majorité des membres composant l’Assemblée (289) pour faire « tomber » le gouvernement, c’est-à-dire pour constater qu’il n’a plus la confiance de l’Assemblée.

Les conditions politiques d’une motion de censure doivent réunir plusieurs éléments : un rejet général de la politique suivie, dans l’opinion et dans les partis d’opposition : nous y sommes. Guillaume Drago

Pourquoi une seule motion de censure seulement a-t-elle été votée sous la Ve République ? C’est que, généralement, l’exécutif – président de la République et Gouvernement – dispose d’une majorité stable et forte de soutien à leur politique. Ce fameux « fait majoritaire » est l’une des constantes de la Ve République donnant de la stabilité aux gouvernements et permettant de conduire une politique sur le long terme.

Mais, justement, en présence d’une majorité relative depuis les élections législatives de 2022, le gouvernement peine régulièrement à faire voter ses textes de lois. Les oppositions, car elles sont plurielles, cherchent à mettre en difficulté le pouvoir mais n’arrivent pas à se liguer pour rassembler un front majoritaire susceptible de voter une motion de censure. L’épisode de 2022 contre le gouvernement Borne a bien failli réussir, à 9 voix de la majorité requise.

Les conditions politiques d’une motion de censure doivent réunir plusieurs éléments : un rejet général de la politique suivie, dans l’opinion et dans les partis d’opposition : nous y sommes. Un « facteur déclenchant » majeur : ce pourrait être le niveau du déficit public ou une notation abaissée de la France par des agences de notation : on y vient. Un texte clivant, fortement politique ou sociétal : on y est puisque le projet de loi sur « l’aide active à mourir » devrait être discuté dans les semaines qui viennent. À la vérité, il ne manque qu’une volonté politique d’une opposition rassemblée.

Le résultat du vote d’une motion de censure est l’obligation pour le gouvernement de présenter sa démission au président de la République, remise par le Premier ministre, selon l’article 50 de la Constitution : « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du gouvernement ».

La motion de censure s’inscrit dans la logique des démocraties parlementaires et souligne combien le peuple doit être l’arbitre des conflits entre l’exécutif et le législatif. Guillaume Drago

Mais ce processus conduit à son achèvement n’est que le premier pas de la reconstruction d’une opposition digne de ce nom. Car le président de la République doit alors nommer un nouveau premier ministre et un nouveau gouvernement. C’est là que le caractère de la classe politique va se révéler… ou pas. Car la logique veut alors que les oppositions rassemblées n’acceptent un premier ministre et un gouvernement que venant de leur rang. Tout autre choix par le président doit donner lieu à un refus de l’Assemblée nationale, par le vote d’une nouvelle motion de censure ou un refus d’approuver une déclaration de politique générale ou la présentation d’un programme sur lesquels le premier ministre engagerait sa responsabilité, comme le permet l’article 49, alinéa 1er de la Constitution : «Le premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale».

Il s’agit alors, pour l’opposition parlementaire, de « tenir » face au président et de lui opposer un front uni pour changer de politique. On connaît alors la suite du processus. En l’absence de gouvernement acceptable par l’opposition, le président de la République ne peut plus que procéder à la dissolution de l’Assemblée nationale, selon l’article 12 de la Constitution, et renvoyer les députés devant les Français pour des élections législatives. Dans la logique du régime parlementaire, ce sont les électeurs qui devront arbitrer ce conflit entre l’Assemblée nationale et le président de la République. Soit conforter l’opposition parlementaire en faisant d’elle la nouvelle majorité et donc un nouveau gouvernement du même bord politique. C’est alors une nouvelle « cohabitation » dans laquelle l’essentiel du pouvoir revient au premier ministre. Soit soutenir le président de la République, désavouer les députés critiques et redonner une majorité forte à l’exécutif.

La motion de censure s’inscrit dans la logique des démocraties parlementaires et souligne combien le peuple doit être l’arbitre des conflits entre l’exécutif et le législatif. Cette respiration démocratique est saine et nécessaire lorsque le doute s’est installé sur la capacité de nos dirigeants à régler les problèmes du pays. Le temps est peut-être venu de redonner la parole aux Français sur leur destin.

3 commentaires sur « La motion de censure, un outil qui pourrait redonner la parole aux Français sur leur destin »

  1. Hervé Hanot // 4 décembre 2024 à 15 h 15 min //

    Nous voici donc revenus aux us et coutumes déplorables de la quatrième République; suite à sa dissolution dictée par une panique post-électorale irraisonnée, l’Assemblée Nationale est redevenue le théâtre des combines entre les partis, des compromissions à défaut de compromis, des luttes d’égos entre « godillots », des bassesses et des tartufferies en tout genre, rappelant ainsi un passé que l’on croyait résolu ..
    La Constitution de 1958 voulue par Charles de Gaulle y avait mis fin jusqu’à ce qu’un certain Jupiter prétende enfiler l’uniforme du général.
     Le costume est visiblement trop grand pour le locataire actuel de l’Elysée…. Le temps de réaliser quelques « rouler-bouler » sur ses pelouses, Carlito et Mc Fly avaient sans doute pensé être « sortis de sa cuisse ». Mais malheureusement pour eux, la mythologie grecque ne saurait faire bon ménage avec un trio de saltimbanques.
    Le désormais célèbre « en même temps » aboutit enfin à sa logique incontournable, à savoir que sous prétexte de ne jamais vouloir froisser personne, on finit par se fâcher avec tout le monde…
    La politique est un métier, il s’apprend ; il reste donc un peu plus de deux ans à Jupiter pour en maîtriser les rudiments, à moins que ce dernier ne décide de descendre de son piédestal ce qui serait sans doute ce qui peut arriver de mieux au pays, c’est à dire à cette France que nous aimons et que dans le « même temps, il méprise.

  2. Gilles Le Dorner // 1 décembre 2024 à 18 h 10 min //

    La censure par le RN serait une faute grave ébranlant , déjà chancelante , la souveraineté constitutionnelle comprise exprimée en mai 2005 , et exposant , en situation internationale de dangerosité ( où l’on peut ne pas être d’ accord avec la politique étrangère menée) , à un gouffre vers le chaos qui en haut-lieu pourrait étre effectivement tentation ou nécessité de l’ usage de l’ article 16 étouffant tout débat

  3. Gilles Le Dorner // 5 novembre 2024 à 13 h 46 min //

    Il est une autre censure plus grave quand la machine « bouffe » l’ être humain . Ce n’ est pas jouer de Charlot des « temps modernes » ni inciter à revenir au silex ou par normes à l’ araire , même sans déconsidérer loins de là les socs de charrues et de , parmi d’ autres , Isaïe . L’ Intelligence artificielle , ses méfaits insidieux sont déjà là en manipulations humaines des machines par des intelligences humaines perverses insidieuses et combien puissantes méritant un barrage par discernement , vigilance et courage . Ainsi dans tablettes ou smartphones , la mutilation des réalités dans les éditoriaux apparemment de service gratuit et de facilité d’ accompagnement apparemment bienveillant amputant les réalités d’ information parfois pourtant de conflits ou de mutilés ou disparus . Déjà l’ Enfance meurtrie par les quatre horizons meurtrissant ce monde (en variation d’ une chanson et poème la prière) ne peut vers les ou aux adultes , aux grands ou plus grands ou dits , grands s’ exprimer ; aux puissances ou puissants ou avides de pouvoir cela ne suffisait pas en corruption et bâillons . Amnésie ? parfois utilisation en reptations sciemment de l’ amnésie induite ou de l’ endormissement ou la perte de vigilance et pire que la censure , amnésie réelle ? ou feinte ou de carcan calculé , pire que censure en chambre politique , comptant sur l’ émoussement de la mémoire par et en réflexion de l’ histoire , des leçons de l’ histoire , comptant sur l’ émousssement du discernement par habitudes devenant jougs même en confors d’ autres machines ou addictions aux facilités , mémoire occultée aussi des paroles des consciences égrenant le temps comme aussi appels des Écritures . Il n’ y a pas qu’à Gaza , mais en Liberté et d’ Espérer et même d’ Espérer en Partage avec ceux qui nomment peut-être différemment « espérer » , quand , par des otages maintenus otages mettent en otages l’ Enfance aussi, ce n’ est qu’ un cri de cris muets « cessez le feu »

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