Algérie : «On ne perd pas le moral, ce n’est qu’un début !»

 

Après la tentative de manifestation du 12 février réprimée par les autorités, les coordinations se réunissent  en Algérie. Pour décider des modalités d’une poursuite de l’action contre le régime.

 

Mehnimalik (Wikipedia - cc)

«  Il n’y aura pas de marche » avait décidé le pouvoir  algérien malgré les appels aux manifestations lancés dans tout le pays depuis deux semaines pour ce samedi 12 février. La stratégie policière a donc consisté à bloquer les manifestants sur la place du 1er mai dans la capitale et place du 1er novembre à Oran. La hantise du régime : que les Algériens occupent la rue comme l’ont fait les Tunisiens et les Egyptiens. Tout l’appareil sécuritaire se préparait donc depuis des semaines. Dès que les premiers cortèges sont apparus en criant «  Marre de ce pouvoir ! », des plus jeunes dont c’était la première mobilisation à Me Ali Yahia Abdennour, 90 ans, figure de la Ligue algérienne des droits de l’homme depuis des décennies, ils se sont retrouvés encerclés. Dans toutes les grandes villes, ce fut le même signal : briser toute tentative de marche.

« Nous avons été dispersés violemment, ils nous ont frappé et bloqué entre des cordons de dix à vingt policiers. Le dispositif de flics en civil était impressionnant, ils insultaient et malmenaient les manifestants
» raconte Kamel Daoud, de la coordination oranaise. Comme à Alger, une petite contre-manifestation a eu lieu avec une vingtaine de jeunes brandissant des portraits de Bouteflika.
A Alger, Ali Belhadj, l’ex-numéro 2 du Front islamique du Salut, a surgi avec son groupe en criant «  Etat terroriste ! » mais les islamistes se sont fait huer.  La guerre civile et le souvenir de la barbarie sont dans toutes les mémoires. La mobilisation algérienne, même embryonnaire, veut passer à une autre étape de l’histoire du pays.
Vers 14 heures, le  rez de chaussée de la mairie d’Oran était transformé en centre provisoire de détention, les prisonniers étaient ensuite emmenés en camion vers les commissariats.  
Dans la capitale, les leaders , arrêtés vers 12 heures, ont été relâchés après 19 heures. Le blogueur Amine Menadi dont nous signalions ce matin l’arrestation, avait été conduit au grand commissariat d’Alger-centre. «  On était parqués mais on avait pu conserver nos portables, on a même manifesté à l’intérieur » nous dit-il.  Libéré dans la soirée, le jeune homme affirme que « la peur a changé de camp ». Pourtant, il est clair que cette première manifestation n’a pas mobilisé comme l’avaient espéré les organisateurs.« Nous n’avons pas réussi à faire la jonction avec les mouvements sociaux, sinon nous aurions été au moins dix mille à Alger » commente un témoin avec amertume, «  nous avons un problème d’organisation car dans l’état d’explosion et de colère du pays, le chiffre de 2000 manifestants dans la capitale est tout à fait insuffisant… » .  Un autre affirme : « On n’aurait pas dû quitter la place, il fallait faire comme les Egyptiens. Tenir. Seulement, quel prix sommes-nous prêts à payer, nous les Algériens ? Les gens en ont tant vu ! »
Mais le déploiement policier décourageait la plupart des hypothèses.  A Alger comme à Oran, les coordinations se réunissent ce dimanche pour envisager les futures actions et tirer la leçon de cette première journée de révolte. On sait déjà que dans la capitale, le Rassemblement pour la culture et la démocratie appelle à revenir samedi prochain.  Les jeunes affirment de leur côté : «  On ne perd pas le moral, ce n’est qu’un début ! »
Bref, le chemin de la révolution sera, chacun le pressent ce soir, très très long en Algérie…

 

Martine Gozlan – Marianne

2 commentaires sur Algérie : «On ne perd pas le moral, ce n’est qu’un début !»

  1. Si le peuple algérien avait combattu le F.L.N .L’Algérie n’aurait jamais connu la dictature militaire pro-soviétique ?.Si ,elle était restée dans la sphère de la France .Notre pays l’aurait aidée dans tous les moyens du besoin de bord .Ce pays n’aurait pas eu de guerre civile a faire .Elle serrait sortiée de la pauvreté .Ca aurait été un pays prospère ,avec les richesses naturelles ,comme le pétrole ,et le gaz naturel . Aujourd’hui ,c’est un pays pauvre ,avec une jeunesse frivole et capriceuse ,mais aussi éxigeante ,qui demande l’impossible ;Bien sûr les autorités sont devenuées riches ,au dépend de la socièté .C’est une honte de voir ça !

  2. Je suis étonné par les commentaires assez affligeants sur ces révolutions du monde arabe. Trois points très particuliers qui n’ont, semble-t-il, fait l’objet d’aucun commentaire, me semblent pourtant valoir la peine.
    1- Ben Ali est parti bien rapidement après des événements certes sérieux, mais pas si dangereux que cela pour lui qui tenait l’appareil d’Etat. Pourquoi donc est-il parti si vite? Quelle information avait-il que nous n’avons toujours pas et qui l’a décidé à partir?
    2- Moubarak, lui, a tenté de rester. On peut raisonnablement penser que s’il est parti, c’est qu’il a été lâché par l’Occident, Washington en particulier. En ayant soutenu les dictateurs pendant 30 ans, voire plus et en les lâchant maintenant, quelle crédibilité vont avoir les gouvernements occidentaux dans le monde vis-à-vis des autres régimes autoritaires qui restent bien entendu majoritaires sur la planète? Quelles conséquences économiques cela aura-t-il. La question fondamentale qui se pose à nous est celle du piège que nous nous sommes tendus nous-mêmes: un discours de droit de l’homme avec une application à géométrie variable et une ingérence dans les affaires de ces pays. La Chine, a posteriori, semble politiquement bien mieux placée que l’Occident maintenant, surtout qu’elle devient riche…
    3- Personne ne fait le commentaire que la chute des régimes du monde arabe, alliés des USA depuis 1945, signifie les prémices de la chute de l’empire américain. A défaut de répondre par oui ou non à cette question, on pourrait au moins la mettre sur la table, non?

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