La France est veuve

10 novembre 1970. Ma carrière à la RATP amorce un cap. Je suis en apprentissage pour devenir conducteur de bus. Sur la ligne 54 (Porte d’Aubervilliers – Asnières/Gennevilliers), je roule « en double ». Mon « maitre-machiniste »* Raoul est au volant. Arrêt Gare du Nord.

Le vendeur de « France-Soir » est présent en heure et place, comme toujours. Il est 11h. La Une est visible de loin : « De Gaulle est mort ». Un an et demi après son retrait de la vie politique. La France est en deuil.

Il y a 43 ans Charles de Gaulle nous quittait…
La France est en deuil

(extrait de mon livre : “De Gaulle, ma boussole, Quimperlé, ma passion”)

clip_image002

10 novembre 1970. Ma carrière à la RATP amorce un cap. Je suis en apprentissage pour devenir conducteur de bus. Sur la ligne 54 (Porte d’Aubervilliers – Asnières/Gennevilliers), je roule « en double ». Mon « maitre-machiniste »* Raoul est au volant. Arrêt Gare du Nord.

Le vendeur de « France-Soir » est présent en heure et place, comme toujours. Il est 11h. La Une est visible de loin : « De Gaulle est mort ». Un an et demi après son retrait de la vie politique. La France est en deuil.

Je quitte le bus, je rentre chez moi à Champigny sur Marne. Raoul ne dira rien. Je ne suis pas sanctionné pour « abandon de poste ». Aujourd’hui il y a prescription.

A 13 heures, au journal télévisé, le Président Pompidou rend un premier hommage : « Françaises, Français, le général de GAULLE est mort, la France est veuve. En 1940, de GAULLE a sauvé l’honneur, en 1944, il nous a conduits à la Libération et à la victoire, en 1958, il nous a épargnés la guerre civile, il a donné à la France actuelle ses institutions, son indépendance, sa place dans le monde. En cette heure de deuil pour la Patrie, inclinons-nous devant la douleur de Mme de GAULLE, de ses enfants, de ses petits-enfants. Mesurons les devoirs que nous impose la reconnaissance. Promettons à la France de n’être pas indigne des leçons qui nous ont été dispensées et que, dans l’âme nationale, de GAULLE vive éternellement ».

A Colombey et dans toute la France, un hommage au « plus illustre des Français ».

Le 12 novembre, à Colombey-les-Deux-Eglises, comme l’avait souhaité le général de Gaulle, « des hommes et des femmes de France et d’autres pays du monde » se sont amassés dans les ruelles de ce village de 400 âmes pour rendre « au plus illustre des Français » un dernier hommage.

Emotions, sanglots, silence respectueux. La France est veuve.

Le half-track sur lequel le cercueil drapé du drapeau tricolore a été hissé sort de la Boisserie en direction de l’église et du cimetière qui l’entoure.

Dans les voitures qui suivent le cortège, ont pris place Mme de Gaulle, ses enfants et petits enfants, ses collaborateurs et amis intimes.

Un détachement de chacune des trois armes qui composent nos forces militaires, ainsi qu’un bataillon de la Gendarmerie lui font une haie d’honneur.

Au terme de cet impressionnant cheminement vers sa dernière demeure, le cercueil est porté par douze jeunes Colombéens   jusqu’au bas de l’autel de l’église bien trop petite pour accueillir la foule immense de près de 100.000 personnes. Il est 15 heures. Dans toute la France, le glas sonne au même moment.

clip_image004

L’église et le cimetière de Colombey. (Photo Alain Kerhervé)

***Grace aux haut-parleurs installés la veille dans le centre du village, tous pourront suivre le déroulement de l’office célébré conjointement par l’Evêque de Langres Mgr Atton, le curé de la paroisse et un des neveux du Général.

Puis le cercueil est déposé dans le caveau familial où repose depuis 1948 Anne la fille du Général et de Mme de Gaulle.

Comme il l’avait intimé dans son testament, l’inscription sur la tombe est simple : Charles de Gaulle 1890-1970.

Je veux que mes obsèques aient lieu à Colombey les Deux Eglises.
Si je meurs ailleurs il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique.

Ma tombe sera celle où repose déjà ma fille Anne et où reposera ma femme. Inscription : Charles de Gaulle (1890-….).Rien d’autre.

La Cérémonie sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle fille, aidés par mon cabinet, de telle sorte qu’elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas d’obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d’assemblées, ni corps constitués.

Seules les armées Françaises pourront participer officiellement, en tant que telles ; mais leur participation devra être de dimensions très modestes, sans musique, ni fanfare, ni sonneries. Aucun discours ne devra être prononcé, ni à l’église, ni ailleurs. Pas d’oraison funèbre au Parlement.

Aucun emplacement réservé pendant la cérémonie, sinon à ma famille, à mes compagnons membres de l’ordre de la Libération, au Conseil Municipal de Colombey.

Les Hommes et les Femmes de France et d’autres Pays du Monde pourront, s’ils le désirent, faire à ma mémoire l’honneur d’accompagner mon corps jusqu’à sa dernière demeure. Mais c’est dans le silence que je souhaite qu’il y soit conduit.

Je déclare refuser d’avance toute distinction, promotion, dignité, citation, déclaration, qu’elle soit Française ou Etrangère.

Si l’une quelconque m’était décernée, ce serait en violation de mes dernières volontés.

Charles de Gaulle
16 janvier 1952

Un moment historique

Ce même jour, le Paris officiel et une immense foule se massent à Notre-Dame de Paris. Chefs d’Etats, Monarques et Princes adressent un solennel adieu à Charles de Gaulle.

La messe célébrée par Mgr Marty en présence du Président Pompidou, de son Gouvernement et de 80 chefs d’Etat étrangers : Nixon, Gandhi, Ben Gourion, Macmillan, etc. respecte également le souhait du Général : sobriété et dignité. Minute de silence émouvante.

Plus de 100.00 personnes se tassent sur le parvis. Hommes de toutes races, de tout âge, jeunes et même très jeunes sont présents car ils savent qu’une page d’Histoire se ferme ce jour.

J’y étais

Dans la soirée, sur les Champs-Elysées, plusieurs centaines de milliers de personnes défilent sous une pluie glaciale. J’y suis, perdu dans cette foule immense. J’ai froid, mais je ne suis pas seul. Les larmes des plus sensibles se mêlent aux miennes.

L'engin blindé de reconnaissance de la Gendarmerie, sur lequel est placée la dépouille mortelle du général Charles de Gaulle, recouverte du drapeau tricolore, franchit les grilles de la Boisserie, propriété de la famille de Gaulle, pour rejoindre le parvis de l'église de Colombey-les-deux-Eglises.


* Après avoir obtenu le permis D (Transport en commun), le jeune « machiniste-receveur » – dénomination Ratpiste du conducteur de bus, doit rouler en « double » pendant un mois avec un machiste chargé de la mise en pratique réelle des cours dispensés au centre de formation intégré de la RATP.

8 commentaires sur La France est veuve

  1. Citation :
    « Il y a 43 ans Charles de Gaulle nous quittait »
    Nous sommes en 2022, c’était il y a 42 ans.

    Citation :
    « De Gaulle est mort »
    Et la France avec lui.

  2. Elle n’est pas veuve , elle choisit , comme de vivre ou de vouloir , c’est la vie c’ est ainsi , comme de choisir . La liberté , chère liberté , et liberté à deux mains , de nos petits pas aussi , qu’avons-nous fait , que ferons-nous à deux mains ?

  3. Gilles Le Dorner // 15 décembre 2013 à 0 h 25 min //

    Rétablissement du Service Militaire ? A l’ordre du jour , seulement , surtout , rétablissement du sens . La Défense porte son nom . La diplomatie porte le sien , des Affaires Etrangères . Quant aux Armées , dont les deuils sont les nôtres , elles ne sont pas dissociables de la Nation ni les instruments spécialisés d’ un monde à part , pas plus que la chefferie des Armées ne peut verser de déclenchement d’ intervention en décision souveraine d’ intervention dans une sorte de domaine réservé , en référence au domaine traditionnellement réservé de la Politique Etrangère . Ou alors ce serait passer en usage de l’ article 35 , révisé, dans sa dangereuse absurdité , à quelque déviation de l’ article 16 dans la tentation du fait du prince et des méfaits de l’empire . L’ Armée émane de la Nation tout entière dont les citoyens , de leurs votes , de leur Constitution , de leurs représentants , ont droit et de voir de regard et de Cité . Depuis la Constitution de la France , Librement acceptée par un autre referendum , indépendance et souveraineté dans le texte , en toute légitimité . A Bourges , respectueusement

  4. Gilles Le Dorner // 20 novembre 2013 à 7 h 58 min //

    Qui a dit dissolution ? Et pour revenir à la dissolution bien mal inspirée de 1997 , dans un pays qui certes paraît aussi souvent ingouvernable que mal gouverné dans la seule fuite et dans le seul refuge de terrains de football tenant lieu de patriotisme ou de liens communs , ce fut une fois encore la porte ouverte à la cohabitation qui perdure dans l’apparence des alternances et la confusion du traité de Lisbonne , bien loin du dit appel de Cochin , quand il aurait fallu démissionner pour revenir d’aplomb et à nouveau dissoudre .

  5. Tous les hommes sont mortels, et même les Grands n’échappent pas à cette dure loi!
    Comme De Gaulle l’a dit : tout sera un jour à refaire puisque même ses épigones, présumés héritiers ont contribué à détruire son oeuvre comme l’agité qui nous a gouverné 5 ans et qui osait se prétendre son héritier en faisant le pèlerinage. En conséquence la présence d’Anne Hidalgo et de Florian Philippot n’a plus rien de choquant. Qui a dit que tout le monde est, a été ou sera un moment gaulliste. Cependant être gaullien n’est pas à la portée de tout le monde.

  6. Anne Hidalgo et Philippot à Colombey!!!
    L’histoire ne dit pas s’ils ont apporté leur contribution pour l’entretien de la Croix de Lorraine…

  7. Tout le monde se rappelle où il était et ce qu’il faisait quand il a appris la mort du Général
    Moi j’étais en 5ème au collège du Verger à Auray, et les externes, en ce mardi 10 Novembre, sont revenus
    après le déjeuner, porteurs de la nouvelle…
    Mais pour nous autres gaullistes, l’hiver est court: il commence le 9 Novembre et s’achève le 22!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*