18 octobre : Allocution télévisée du général de Gaulle
Le 28 octobre, ce que vous allez répondre à ce que je vous demande engagera le destin de la France. J’ai le devoir de vous dire pourquoi.
Tout le monde sait qu’en adoptant, sur ma proposition, la Constitution de 1958, notre peuple a condamné, à une immense majorité, le régime désastreux qui livrait la République à la discrétion des partis et, une fois de plus, avait failli jeter la France au gouffre. Tout le monde sait que, par le même vote, notre peuple a institué un Président, chef de l’État, guide de la France, clef de voûte des institutions, et a consacré le référendum qui permet au Président de soumettre directement au pays ce qui peut être essentiel. Tout le monde sait, qu’en même temps, notre peuple m’a fait confiance pour régler, avec mon gouvernement, les lourds problèmes devant lesquels venait de s’effondrer le système de la décadence : menace immédiate de faillite, absurde conflit algérien, danger grave d’opposition entre la nation et son armée, abaissement de la France au milieu d’un monde qui lui était, alors, malveillant ou méprisant.
Cette mission, si j’ai pu, jusqu’à présent, la remplir, c’est tout d’abord parce que j’étais sûr que vous m’en approuviez. Mais c’est aussi parce que nos institutions nouvelles me donnaient les moyens de faire ce qu’il fallait. Ainsi ai-je pu, pendant quatre années, sans altérer les droits des citoyens ni les libertés publiques, assurer la conduite du pays vers le progrès, la prospérité, la grandeur, étouffer à mesure les menaces criminelles qui se dressaient contre l’État et empêcher le retour aux vices du régime condamné.
Comme la preuve est ainsi faite de la valeur d’une Constitution qui veut que l’État ait une tête et comme, depuis que je joue ce rôle, personne n’a jamais pensé que le président de la République était là pour autre chose, je crois, en toute conscience, que le peuple français doit marquer maintenant par un vote solennel qu’il veut qu’il en soit ainsi, aujourd’hui, demain et plus tard. Je crois que c’est, pour lui, le moment d’en décider, car, autrement, les attentats qui ont été perpétrés et ceux qui sont préparés font voir que ma disparition risquerait de replonger la France dans la confusion de naguère et, bientôt, dans la catastrophe. Bref, je crois que, quoi qu’il arrive, la nation doit avoir, désormais, le moyen de choisir elle-même son Président à qui cette investiture directe pourra donner la force et l’obligation d’être le guide de la France et le garant de l’État.
C’est pourquoi, Françaises, Français, m’appuyant sur notre Constitution, usant du droit qu’elle me donne formellement de proposer au peuple souverain, par voie de référendum, tout projet de loi qui porte sur l’organisation des pouvoirs publics, mesurant, mieux que jamais, la responsabilité historique qui m’incombe à l’égard de la patrie, je vous demande, tout simplement, de décider que dorénavant vous élirez votre Président au suffrage universel.
Si votre réponse est : « Non » ! comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir leur régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, ou même si la majorité des « Oui » ! est faible, médiocre, aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. Car, que pourrais-je faire, ensuite, sans la confiance chaleureuse de la Nation ?
Mais si, comme je l’espère, comme je le crois, comme j’en suis sûr, vous me répondez « Oui » ! une fois de plus et en masse, alors me voilà confirmé par vous toutes et par vous tous dans la charge que je porte ! Voilà le pays fixé, la République assurée et l’horizon dégagé ! Voilà le monde décidément certain du grand avenir de la France !
Vive la République ! Vive la France !
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