Jacques Myard : le rapporteur, Eric Raoult …
… s’est assis sur les travaux de la mission parlementaire
- lundi 1er février 2010, par Pierre Cassen
Riposte Laïque : Monsieur le député, vous avez longtemps été seul à réclamer des dispositions juridiques contre le voile intégral. Nous sortons de 6 mois d’audition de pans entiers de la société française, dans une mission parlementaire présidée par André Gérin. Quel bilan tirez-vous de cette période ?
Jacques Myard : Le travail de la mission a permis une large prise de conscience sur la réalité d’un phénomène inquiétant qui se juge non seulement parce qu’il y a de plus en plus de femmes portant le voile intégral mais aussi parce qu’il traduit la volonté de certains intégristes musulmans d’imposer à la société civile française des choix archaïques qui placent la femme en position d’infériorité et la coupent du monde.
Il y a donc eu une véritable prise de conscience pour que la pratique du voile intégral soit combattue et cesse sur tout le territoire national.
Riposte Laïque : André Gerin, à Villeurbanne, disait que la majorité des parlementaires avait découvert une réalité dont ils ignoraient la gravité. Est-ce ce que vous avez ressenti vous-même ?
Jacques Myard : J’ai été personnellement conscient – puisque j’ai été le premier à rédiger dès mai 2006 une proposition de loi pour bannir la burqa ou le niqab du territoire national – du caractère inadmissible de cette pratique.
En revanche, j’ai véritablement pris la mesure de la montée du communautarisme islamique dans certaines parties de notre territoire, notamment dans certains quartiers de banlieue, où l’on assiste à la création de ghettos communautaristes en marge de l’unité nationale.
Riposte Laïque : Quelles sont les auditions qui vous ont le plus marqué ?
Jacques Myard : L’entretien que nous avons eu au sein de la mission d’information avec Madame Badinter qui condamne sans appel la pratique du voile intégral au motif que n’existe pas, selon sa très belle expression, « d’habits du visage » dans les sociétés occidentales, respire le bon sens même et illustre le combat qu’elle a toujours mené pour l’égalité des sexes dans une République laïque.
En revanche, je ne dirai pas de même pour quelques juristes en mal d’existence qui s’évertuaient à souligner les obstacles, largement surestimés, pour écarter une solution et ne rien faire.
J’ajouterai que l’exemple de femmes courageuses comme la présidente de « Ni putes ni Soumises », Sihem Habchi, nous donne un surcoît de courage pour combattre ce phénomène.
J’ai été également, pour finir, touché par le témoignage de Pascal Hilout, dont j’avais sollicité l’audition, et par son appel à la République et à la laïcité, face à la montée du communautarisme religieux.
Riposte Laïque : Vous avez réagi fortement, à la veille de la remise du rapport, en publiant un communiqué montrant vos désaccords avec certaines conclusions rendues publiques. On a l’impression que cette mission, où longtemps toutes les familles politiques semblaient travailler ensemble, finit en eau de boudin. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce qui s’est passé, lors des dernières semaines ?
Jacques Myard : Je regrette que le rapporteur de la mission, pris d’une peur panique, se soit assis littéralement sur l’avis de la très grande majorité des membres de la mission pour refuser d’inscrire comme possibilité, parmi les préconisations, le vote d’une loi d’interdiction générale.
C’est la raison pour laquelle j’ai réagi vivement. Je souligne que je n’avais jamais vu une telle tentative de manipulation de la part d’un rapporteur d’une mission !
Riposte Laïque : Comment voyez-vous la suite, au niveau parlementaire, et dans quels délais ?
Jacques Myard : En tout état de cause, cela ne change rien car nous allons reprendre le sujet après les élections régionales, en examinant une proposition de loi cosignée par plus de 200 députés pour interdire cette pratique sur tout le territoire national. Cette proposition de loi sera vraisemblablement accompagnée d’une résolution explicative.
Riposte Laïque : Le républicain que vous êtes n’est-il pas inquiet que l’ensemble des familles politiques semble abandonner le combat républicain, y compris votre parti, qui semble de plus en plus sensible aux thèses communautaristes ?
Jacques Myard : Nous avons effectivement un combat quotidien à mener pour lutter contre les dérives du communautarisme et réaffirmer, bien sûr, la laïcité de la République. Il nous faut voter une loi mettant un terme à la pratique de la burqa et du voile intégral ; nous nous devons, aussi, de multiplier les moments de pédagogie dans les écoles, les conférences, pour bien faire comprendre ce que sont les tenants et aboutissants de la laïcité, qui ne se décline pas contre les religions mais affirme clairement que dans la sphère publique, ce sont les lois civiles de la société qui doivent régir les relations entre les individus.
Riposte Laïque : Quelles initiatives souhaiteriez-vous que les laïques prennent, lors des prochaines semaines ?
Jacques Myard : Il nous faut agir de manière transcourant. Personnellement, ayant déjà organisé un colloque à l’Assemblée Nationale sur la laïcité, je suis prêt à poursuivre le combat et à m’élever contre toutes les atteintes possibles de la loi de 1905, socle de cette laïcité.
A ce titre, je suis fermement opposé au financement des lieux de culte par de l’argent public. La question du financement est d’ailleurs d’un faux problème car il n’est pas besoin de moyens financiers importants pour permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’obtenir un lieu de culte décent. C’est là un piège dans lequel nous ne devons pas tomber.
A l’évidence aujourd’hui, certains groupes religieux extrémistes testent la République pour voir jusqu’où ils peuvent aller. Une seule réponse : la fermeté dans le respect de nos principes républicains et laïques.
Propos recueillis par Pierre Cassen
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