«Une partie de notre électorat se sent trahie par Sarkozy»

 

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Par Marine Turchi

 

«Je vois très mal Woerth continuer. Il est affaibli. Il y a une fracture (dans la majorité), plusieurs députés profitent de cet argument pour demander la remise à plat de la réforme des retraites. Entre villepinistes, anciens chiraquiens, fillonistes, copéistes et proches de Bertrand, ça devient compliqué. Le groupe pourrait exploser, il faut faire attention.» Voilà ce que confie à Mediapart ce député, suppléant d’un ministre en exercice. Affaire Woerth-Bettencourt, déceptions par rapport aux réformes, offensive sécuritaire du gouvernement, guerre des clans dans la majorité: à l’instar de nombreux élus UMP, il évoque «un malaise» à droite. Mediapart a plongé le nez dans plusieurs départements.

Ils répètent qu’ils ont hâte de parler «des vrais problèmes». Mais les députés UMP comptent beaucoup sur la réunion avec le chef de l’Etat – qui les reçoit mercredi à l’Elysée –, pour remettre de l’ordre. L’élu cité plus haut décrit un «flou complet» régnant dans les rangs de la majorité: «En juin je répétais que Woerth devait rester, mais les affaires s’amplifiant, je pense qu’il doit partir. Sauf que sa sortie est compliquée. Quant à Fillon, on ne sait toujours pas s’il restera. Il vaudrait mieux pour le gouvernement qu’il reste, mais politiquement c’est difficile, d’autant que les Parisiens répètent: “Il faut nous le garder pour Paris en 2014 (pour les municipales)”.»

Au-delà des interrogations sur le remaniement de l’automne, c’est du décrochage d’une partie de l’électorat de droite dont s’inquiètent certains élus. Un autre député et conseiller général, également suppléant d’un membre du gouvernement (qui, après un coup de fil de son ministre, a renoncé à nous parler en on – lire la boîte noire), raconte à Mediapart «l’ambiance difficile» de la rentrée dans sa circonscription, historiquement à droite. «Rurale», elle se partage entre un héritage centriste très marqué et un vote frontiste élevé («autour de 20%»). «Aujourd’hui, l’électorat FN est satisfait, mais pour la frange centriste ça ne va pas du tout», résume-t-il.
Il poursuit: «Ceux qui ont voté pour Nicolas Sarkozy ressentent une frustration, voire une trahison et le vivent douloureusement. Ils sont déçus de la façon dont se développent les réformes plus que par le fond même. Ils trouvent qu’il y a beaucoup de gesticulation et de communication mais pas assez de concret. Ils se rendent compte qu’on leur a beaucoup promis mais que leurs valeurs (travail, sécurité, famille) ont été peu ou mal traitées.»
«Ça ne se dit pas trop mais en tant qu’élu je le remarque quotidiennement», confie-t-il. Des discussions sur les marchés. Des mails reçus. Des tribunes assassines du poids lourd local – un ancien ministre démocrate-chrétien – dans la presse régionale. Le clergé local qui tape du poing sur la table. «Je ne vois pas comment ça pourrait se retourner. Je crains que le FN ne prenne de l’importance et que les centristes ne revotent pas Sarkozy et s’abstiennent, comme aux régionales.» En Auvergne, où le poids de l’église est important, ils sont également plusieurs élus à dire “stop, on va beaucoup trop loin sur la sécurité!”.
Car l’offensive sécuritaire du gouvernement, qui a déchiré la majorité cet été (lire nos articles des 24 août et 1er septembre), a enfoncé le clou de la désolidarisation de la frange centriste et gaulliste. «Une partie des militants considère que la stratégie sécuritaire va dans le bon sens. Une autre qu’on y va trop fort», analyse Bertrand Pancher, député et secrétaire départemental de la Meuse, à la tête d’une circonscription «plutôt urbaine, avec un vote FN élevé».
«Je vois très mal Woerth continuer. Il est affaibli. Il y a une fracture (dans la majorité), plusieurs députés profitent de cet argument pour demander la remise à plat de la réforme des retraites. Entre villepinistes, anciens chiraquiens, fillonistes, copéistes et proches de Bertrand, ça devient compliqué. Le groupe pourrait exploser, il faut faire attention.» Voilà ce que confie à Mediapart ce député, suppléant d’un ministre en exercice. Affaire Woerth-Bettencourt, déceptions par rapport aux réformes, offensive sécuritaire du gouvernement, guerre des clans dans la majorité: à l’instar de nombreux élus UMP, il évoque «un malaise» à droite. Mediapart a plongé le nez dans plusieurs départements.
Ils répètent qu’ils ont hâte de parler «des vrais problèmes». Mais les députés UMP comptent beaucoup sur la réunion avec le chef de l’Etat – qui les reçoit mercredi à l’Elysée –, pour remettre de l’ordre. L’élu cité plus haut décrit un «flou complet» régnant dans les rangs de la majorité: «En juin je répétais que Woerth devait rester, mais les affaires s’amplifiant, je pense qu’il doit partir. Sauf que sa sortie est compliquée. Quant à Fillon, on ne sait toujours pas s’il restera. Il vaudrait mieux pour le gouvernement qu’il reste, mais politiquement c’est difficile, d’autant que les Parisiens répètent: “Il faut nous le garder pour Paris en 2014 (pour les municipales)”.»

Au-delà des interrogations sur le remaniement de l’automne, c’est du décrochage d’une partie de l’électorat de droite dont s’inquiètent certains élus. Un autre député et conseiller général, également suppléant d’un membre du gouvernement (qui, après un coup de fil de son ministre, a renoncé à nous parler en on – lire la boîte noire), raconte à Mediapart «l’ambiance difficile» de la rentrée dans sa circonscription, historiquement à droite. «Rurale», elle se partage entre un héritage centriste très marqué et un vote frontiste élevé («autour de 20%»). «Aujourd’hui, l’électorat FN est satisfait, mais pour la frange centriste ça ne va pas du tout», résume-t-il.
Il poursuit: «Ceux qui ont voté pour Nicolas Sarkozy ressentent une frustration, voire une trahison et le vivent douloureusement. Ils sont déçus de la façon dont se développent les réformes plus que par le fond même. Ils trouvent qu’il y a beaucoup de gesticulation et de communication mais pas assez de concret. Ils se rendent compte qu’on leur a beaucoup promis mais que leurs valeurs (travail, sécurité, famille) ont été peu ou mal traitées.»
«Ça ne se dit pas trop mais en tant qu’élu je le remarque quotidiennement», confie-t-il. Des discussions sur les marchés. Des mails reçus. Des tribunes assassines du poids lourd local – un ancien ministre démocrate-chrétien – dans la presse régionale. Le clergé local qui tape du poing sur la table. «Je ne vois pas comment ça pourrait se retourner. Je crains que le FN ne prenne de l’importance et que les centristes ne revotent pas Sarkozy et s’abstiennent, comme aux régionales.» En Auvergne, où le poids de l’église est important, ils sont également plusieurs élus à dire “stop, on va beaucoup trop loin sur la sécurité!”.
Car l’offensive sécuritaire du gouvernement, qui a déchiré la majorité cet été (lire nos articles des 24 août et 1er septembre), a enfoncé le clou de la désolidarisation de la frange centriste et gaulliste. «Une partie des militants considère que la stratégie sécuritaire va dans le bon sens. Une autre qu’on y va trop fort», analyse Bertrand Pancher, député et secrétaire départemental de la Meuse, à la tête d’une circonscription «plutôt urbaine, avec un vote FN élevé».
 

«L’UMP, c’est l’autocratie et la pensée unique»

Le député de la Meuse juge les mesures de déchéance de la nationalité «absurdes» et «choquantes». Il condamne la «surenchère» de «quelques collègues», des «parlementaires» mais surtout des «ministres qui souhaitent en rajouter pour rester au gouvernement». «Ça trouble une partie des élus et militants qui voudraient un discours plus humaniste, plus social, comme l’ont dit Fillon et Raffarin.» Il estime que les expulsions de Roms sont «un vrai problème depuis quinze ans mais qu’on aurait dû anticiper un traitement plus humain et différencier gens du voyage et Roms». «On a une culture des résultats en chiffres, ce serait bien qu’on l’ait aussi en traitement humain», ironise-t-il.

A Marseille, cette division à droite est même arrivée devant la justice. Adjoint (UMP) du 5e secteur de la ville, Maurad Goual a porté plainte pour incitation à la haine raciale contre son collègue Roland Chassain, maire des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône) et conseiller général, qui avait assimilé dans un communiqué musulmans, gitans et insécurité. Interrogé par Mediapart, l’élu marseillais explique que c’était «la déclaration de trop après deux ans de dérive à droite. C’est tombé sur Roland Chassain mais ça aurait pu être un autre». Il évoque «sa confrontation», en janvier dernier, avec Jean-Claude Gaudin, après le «dérapage» de celui-ci en plein débat sur l’identité nationale (commentant le match Algérie-Egypte de novembre 2009, le maire de Marseille, a parlé de «15.000 musulmans qui ont déferlé» dans le centre-ville).

«J’ai été écarté des listes pour les régionales, raconte Maurad Goual. Il y a six mois j’ai donné ma démission: refusée. On m’a dit que c’était excessif, que ça allait s’arranger. Mais en six mois, on a bouffé de la burqa, de la déchéance de la nationalité… Ce n’est pas avec ça qu’on va remonter la croissance à 5%. La France en ce moment, c’est les Etats-Unis de George Bush!» Il l’assure, «le discours sécuritaire n’est pas partagé par l’électorat de droite. J’ai reçu beaucoup de messages privés. Des adjoints UMP, des responsables hauts placés de fédération, qui me disent: “On est d’accord avec toi, mais on ne peut pas le dire”».

Secrétaire départementale d’Eure-et-Loir, Josette Philippe est moins catégorique. Si elle reconnaît que «sur la déchéance de la nationalité, c’était excessif», elle prône «le débat sur la question», condamne «l’angélisme en matière de sécurité» et dénonce «ceux qui parlent de nazisme ou de fascisme. C’est dangereux, faisons attention aux mots qu’on emploie!».

La politique de sécurité du gouvernement révèle en tout cas des failles importantes dans la majorité. «Ça ne me choque pas qu’il y ait des points de vue différents, mais qu’ils puissent se structurer et qu’on donne une image de droite plurielle!», réclame Bertrand Pancher, qui dénonce «une droite centralisatrice et sécuritaire. Le parti unique, c’est une erreur. Tôt ou tard, des formes d’expression politique vont s’organiser. L’aile gauche de l’UMP doit se fédérer. Il y a besoin d’un renouvellement des leaders».

Maurad Goual, lui, va plus loin. Il dénonce «l’omerta à l’UMP», la «pensée unique», «l’autocratie» et la confiscation du parti par «une bande de copains, Estrosi, Hortefeux, Bertrand, Lefebvre». «Le président décide et ils agissent. Personne n’ose rien dire. Il n’y a plus de débat d’idées, les décisions sont imposées d’en haut. Quand Copé essaye d’insuffler un débat, Bertrand le traite de sniper. On a deux porte-parole qui passent leurs journées à scruter le moindre communiqué pour répliquer, et demain Lefebvre nous annoncera que si on a encore perdu 40.000 adhérents, c’est parce qu’ils sont décédés…»

Le «parti unique» voulu par Nicolas Sarkozy se fissurerait-il? Après les affrontements par médias interposés de Xavier Bertrand, Jean-François Copé et François Fillon lors du Campus UMP, c’est l’ancien secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, qui a tiré dimanche sur son successeur, Xavier Bertrand, le qualifiant de «gentil organisateur du Club Med» dans Le Parisien. «Je n’ai pas le sentiment que ça aille très fort en ce moment. Mettre l’UMP à la remorque du gouvernement, c’est l’éteindre. L’UMP doit être devant, même si cela comporte des risques», a-t-il assené, suivi le lendemain par le député de la Mayenne (partisan de Copé), Yannick Favennec, sur France Bleu.

Samedi 4 septembre, ce sont les ministres François Baroin (budget) et Bruno Le Maire (agriculture), le patron des députés UMP Jean-François Copé et son bras droit Christian Jacob qui ont appelé, dans Le Figaro, à une UMP «redynamisée». L’UMP «n’a rien à craindre du débat public; c’est au contraire d’un manque d’audace que meurent souvent les majorités sortantes», ont-ils jugé.

Dans ce contexte, les aveux du ministre du travail (le 2 septembre, il a reconnu avoir demandé la Légion d’honneur pour le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt) ont ajouté des secousses à droite. Certes, Eric Woerth bénéficie encore d’un large soutien à droite, disent en chœur les élus de la majorité. Mais «le mensonge est pire…», lâche le suppléant d’un ministre. «Il y a trop de problèmes chez nous pour critiquer les socialistes. Le problème, c’est qu’Eric Woerth a menti. Il a perdu beaucoup de crédit. Dès lors, il doit en tirer les conséquences», estime le député du Nord Christian Vanneste, qui évoque la rentrée politique «la plus mauvaise qu’(il) ait jamais connue». «Ça pollue le débat», admet Arlette Grosskost (Haut-Rhin), dénonçant un climat «anxiogène».

«Dans notre électorat, les gens ne comprennent pas, raconte Bertrand Pancher. J’ai été interpellé à plusieurs reprises sur l’histoire de la Légion d’honneur, sur le conflit d’intérêts d’Eric Woerth. Ils sont troublés, il faut expliquer les choses.» Le député suppléant issu d’une terre centriste, lui, explique «qu’il n’y a pas de rejet d’Eric Woerth mais que les gens sont agacés (par les affaires) et plus intéressés par leurs retraites».

L’autre suppléant d’un ministre se désespère: «Il y a un malaise général généré par les réformes qui vont dans tous les sens et ne sont pas expliquées. Depuis 2007, on court, on court. On est dispersés, on lance une réforme sans finir l’autre. On ne sait pas où on va, comme avec Hadopi, beaucoup de tapage médiatique pour pas grand-chose à l’arrivée. Le président veut aller trop vite. Avec l’expulsion des Roms on est des nazis, dans les circonsciptions ça ne fonctionne pas, les gens veulent de moins en moins s’engager. Bientôt on devra baisser la tête parce qu’on est UMP…»

 

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