CPE : Il s’agit bien d’une crise politique

 

Le CPE est mort. Tout a été dit sur les conditions de sa conception, de sa naissance, de sa suspension, et enfin, de sa lapidaire agonie. Il n’est pas besoin d’y revenir.

Ces deux mois de crise nécessitent, par contre, une large réflexion sur les positions des uns et des autres, et surtout sur les pratiques du pouvoir.

Soulignons, quand même, l’attitude particulièrement visionnaire et courageuse du seul député UMP qui a eu l’audace de s’opposer, dès le début, à l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances au principe fondamental qu’un pays ne peut progresser en revenant sur des acquis sociaux de base : tout licenciement doit être motivé, tout licenciement peut être juridiquement contesté. Nous ne sommes plus contemporains d’Émile Zola !

Nicolas Dupont-Aigan considère, à juste titre, que le gaullisme dont il assume aujourd’hui, et avec d’autres, l’héritage et sa continuité contemporaine, ne peut se concevoir sans cette sensibilité sociale si chère au Général.

Il n’est pas dans la mission de Gaullisme.fr de s’amuser à être, même à l’occasion, un journal « people politique ». Laissons à d’autres cette détestable manie alimentaire. Ne tombons pas dans ce panier à crabes de la politicaillerie en portant la rumeur au niveau d’une institution. Les élites politiques passent, la France demeure !

Cette crise sociale, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy qui l’a niée sur les antennes d’Europe 1 ce 11 avril, est doublée d’une crise politique profonde. Ce qui est en cause, dans cette affaire, c’est la manière de gouverner :

 Il n’y a eu, sur ce dossier, aucune concertation préalable, ni avec les partenaires sociaux[1], ni avec le parlement[2]. Or, si la décision ultime appartient à celui qui a la charge suprême, la délibération qui la précède doit être multiple et profonde.

 Il n’est pas sain, comme le font certains, de contester systématiquement le bien fondé des manifestations. De tous temps, qu’elles soient organisées par la majorité ou par l’opposition, qu’elles soient de droite ou de gauche, elles ont toujours exprimé une réalité. Cette réalité, il faut en tenir compte et il est vain, comme nous venons de le vivre, de penser que le pourrissement pouvait en être l’épilogue.

 Le 31 mars, le Président de la République soutient son Premier ministre. Il promulgue la loi sur l’égalité des chances, demande que son article 8 ne soit pas appliqué. Une erreur politique incompréhensible juridiquement et dangereuse politiquement ; un délit constitutionnel, lui qui doit être garant du respect des institutions. En agissant ainsi, il a bien, une nouvelle fois, tendu la perche aux pourfendeurs de la Vème République.

 Dès lors, pour mettre un terme à la crise sociale, Jacques Chirac s’enfonce un peu plus dans la crise politique. Dominique de Villepin est dessaisi du CPE, le dossier est « offert » à l’UMP présidé par Nicolas Sarkozy également n° 2 (ou vice-Premier ministre) du gouvernement. La IVème République et « ses délices » sont de retour. « Nous sommes gaullistes, tonne Jean-Louis Debré, la Vème République, ce n’est pas le régime des partis. » De son côté, François Bayrou, Président de l’UDF, affirme que « c’est la fin de la Vème République que nous avons en direct sous nos yeux », mais sans préciser, toutefois, s’il s’en réjouit ou non. En tout état de cause, le problème des institutions est posé dans le mauvais sens. Ce n’est pas à la constitution à s’adapter aux dérives de nos élites politiques, mais c’est à elles à modifier leur comportement pour respecter la règle fondamentale. Nous n’allons pas changer de constitution à chaque alternance !

 La séparation des pouvoirs exécutif et législatif vole en éclats. Le mélange des genres pulvérise l’une des règles essentielles de notre constitution gaullienne. De cette crise institutionnelle, certains voudraient  profiter pour modifier substantiellement les textes fondamentaux en donnant aux formations politiques, plus de pouvoirs, voire tous les pouvoirs, au détriment de la démocratie directe. N’entendons-nous pas, ici ou là, à gauche comme à droite, s’exprimer la volonté d’en finir avec le référendum comme moyen d’expression démocratique, et par la même occasion de se libérer du NON au projet de traité constitutionnel européen du 29 mai dernier ?

 Certains, pour les plus atlantistes d’entre eux, n’en profitent-ils pas, cette crise leur en donnant l’occasion, pour tuer de Villepin ?

« Combien, d’ailleurs, à droite et dans la presse anglo-saxonne, se vengent, en vérité, du discours au Conseil de sécurité contre la guerre d’Irak qu’ils n’ont jamais digéré ; ou de la peur panique qu’ils ont ressentie quand ils ont cru que  le grand échalas allait renouer avec le gaullisme, au risque de défriser leur exaltation atlantisto-néolibérale ? » précise, avec bon sens, Jean-François Kahn directeur du journal « Marianne. »

Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy affirment la main sur le cœur (sans rire !) leur solidarité dans l’épreuve. Ils assument ainsi collectivement une responsabilité partagée. L’honnêteté politique devrait conduire également à une solidarité sans faille lors du bilan au moment des élections présidentielle et législative de 2007.

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[1] Certes, ils ne représentent que 8% des salariés. A défaut de modifier les règles de représentativité totalement iniques, il faut bien en passer par là.
[2] Le parlement est majoritairement UMP, et donc ouvert aux orientations de l’exécutif. L’utilisation de l’article 49.3 n’avait aucune justification.

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