Ils ont censuré la Ve République.

Charles de Gaulle et G. Pompidou

Après l’attentat du Petit-Clamart le 22 août 1962 auquel le Général et Madame de Gaulle ont échappé de justesse, le général de Gaulle, considérant que sa disparition aurait pu avoir des conséquences politiques graves pour la nation, révèle son intention de modifier rapidement la constitution « en vue d’assurer la continuité de l’État » et d’asseoir la légitimité de ses successeurs. En choisissant la voie du référendum pour instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel, il engage un conflit avec le Parlement.

Le débat du 5 octobre à l’Assemblée nationale met fin à cette très longue relation qui liait le Général à Paul Reynaud depuis les années 1930. Reynaud a toujours soutenu le militaire de Gaulle, ses idées et ses projets. Mais il s’agit maintenant de juger de la constitutionnalité de la procédure engagée pour réformer le mode de l’élection du président de la République. Reynaud qui présidait le comité constitutionnel de 1958 va même jusqu’à évoquer un « viol de la constitution » et déclare que pour les républicains, la « France est ici et non ailleurs ». Une motion de censure est déposée et aboutit à la mise en minorité du gouvernement Pompidou par 280 voix contre 200.

Le 6 octobre, suite au vote de cette première motion de censure de la VRépublique, Georges Pompidou présente, la logique institutionnelle imposant une telle décision, la démission de son gouvernement. Le Général en prend acte et l’accepte. Le Premier ministre reste néanmoins en place jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale que vient de dissoudre (le 10 octobre) le président de la République, la politique gouvernementale étant moins contestée que le projet de réforme constitutionnelle.

De Gaulle face aux partis politiques

Dès l’annonce de la dissolution, les leaders des partis d’opposition (Centre national des Indépendants et Paysans, MRP., Parti radical, Parti socialiste SFIO) ont constitué ensemble le Cartel des Non, manifestant ainsi leur intention de rester solidaires, après le référendum, au moment des élections législatives.

Les 18 et 26 octobre, le général de Gaulle s’adressait aux électeurs. Il en profite pour brocarder une nouvelle fois « les partis de jadis », le camp de la « subversion » et les « factieux, tous partisans du non ». Il lance alors un appel aux Français pour qu’ils lui accordent leur confiance et votent massivement pour le oui et contre la « confusion ». Si la réponse est non, ou si la victoire du oui est « faible, aléatoire, médiocre », il en tirera les conclusions qui s’imposent et partira : « Ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour. »

28 octobre – C’est une nette victoire sur les conservatismes hérités de la IVrépublique. Le référendum portant sur l’élection du président de la République au suffrage universel rassemble une large majorité de oui, avec 62,25 % des suffrages exprimés[1]. Le taux d’abstention est de 23,03 %.

La petite phrase du Général : « Les soi-disant chefs des soi-disant partis auraient préféré continuer à jouer à la belote. Mais moi, je les ai obligés à jouer au poker. Et là, je suis le plus fort… Les nostalgiques de la IVe république n’admettent pas leur défaite. »

6 novembre – Par 6 voix contre 4, les sages du Conseil Constitutionnel se déclarent incompétents face au recours de Gaston Monnerville[2]. Le président du Sénat a réclamé l’annulation du référendum, arguant de l’inconstitutionnalité de la loi du 28 octobre sur l’élection au suffrage universel du président de la République. Au congrès du Parti radical, il avait qualifié ce scrutin de « forfaiture, de violation délibérée, réfléchie et outrageante de la constitution. »

25 novembre – Les élections législatives découlant de la motion de censure votée le 5 octobre précédent voient le succès des gaullistes crédités de 32 % des voix au premier tour. L’UNR-UDT obtient 229 sièges (42 % au deuxième tour), un score sans égal pour aucun parti depuis la Libération. C’est une double victoire pour le général de Gaulle.

Dans cette opération, il balaie les partis et élimine des adversaires emblématiques tels Paul Reynaud et Pierre Mendès France. Avec l’appui des 35 élus indépendants de Valéry Giscard d’Estaing, il dispose de la majorité absolue à l’Assemblée.

L’élection présidentielle au suffrage universel est validée par le peuple. Elle se déroulera en 1965, à la fin du premier septennat de la VRépublique. Cette élection présidentielle sera, avant toute autre considération, la rencontre d’une conscience et d’une confiance : une conscience politique affirmée et exprimée autour d’un projet global d’avenir, et une confiance en celui qui l’exprime et sera capable d’en assurer la mise en œuvre


[1] Oui : 13 150 516, Non : 7 974 538
[2] Gaston Monnerville (1897-1991), homme politique français originaire de Guyane, membre du Parti radical (puis Gauche démocratique) et résistant. Ministre avant-guerre. Président du Sénat pendant 21 ans jusqu’en 1968.

7 commentaires sur Ils ont censuré la Ve République.

  1. Hervé Hanot // 6 décembre 2024 à 14 h 59 min //

    L’origine d’une crise de Régime.
    Dans l’esprit de la Constitution de 1958, l’élection présidentielle est considérée comme la rencontre d’un homme (ou d’une femme) avec son Peuple.
    C’est à ce dernier de décider qui sera son chef et dans le prolongement de son élection, de lui donner la capacité de gouverner en le faisant bénéficier d’une majorité à l’Assemblée Nationale par l’intermédiaire des élections législatives.

    Le problème qui se pose actuellement, et ce de façon aigue, repose sur un malentendu. A savoir que M. Macron n’a pas été élu par le peuple mais a pu rester à l’Elysée uniquement grâce ou à cause du rejet, à tort ou à raison, de son adversaire.
    Logiquement, et par voie de conséquence, les Français ne lui ont pas permis dès lors de disposer d’une majorité, lors des Législatives qui ont suivi mais plus encore ont voulu contredire ce résultat obtenu en amont.
    La légitimité du Président actuel ne saurait donc être remise en cause sur le plan strictement institutionnel car il a été élu démocratiquement pour 5 ans. Toutefois cette dernière reste entachée par ce qu’il faut bien appeler un quiproquo électoral.
    Il s’agit tout bonnement de la différence qui existe entre l’Esprit et la Lettre. Macron semble plus attaché à la seconde plutôt qu’au premier et c’est l’origine du marasme politique dans lequel depuis 2022, il a plongé, et plonge aujourd’hui plus encore notre pays.

  2. Qui donc oserait comparer les décisions clairvoyantes du Gl
    de Gaulle placé face à la censure du Gouvernement Pompidou, à la médiocrité comportementale d’un p’it chef venu de nul part avec pour seule ambition de se jouer de la France et des Français comme un gamin dans une cour d’école ?
    Nous osons espérer qu’une majorité de nos compatriotes ne feront pas la comparaison !!!!!

  3. Super article, très informatif ! Je ne savais pas que l’attentat du Petit-Clamart avait mené à une réforme constitutionnelle aussi importante. Pensez-vous que des changements similaires dans notre constitution seraient possibles dans le climat politique actuel ? Certaines sources en ligne, comme le site world-prices.com, abordent les questions de coûts et de politique, mais il est difficile de savoir si leurs données sont précises.

  4. Latini Jacques // 5 décembre 2024 à 20 h 19 min //

    Le général était loin de s’imaginer qu’un jour un psychopathe viendrait à tout détruire

  5. Fossoyeur de la République dans tous les compartiments de l’action Publique, le Chérubin du Palais va encore profiter de son statut acquit à bon compte pour achever la destruction de la Vème République. L’Hitoire retiendra peut-être que les citoyens de ce début de troisième millénaire ont dans une large majorité fermer les yeux sur un désastre de gouvernance de la France annoncé depuis 2017 et même avant !!!!!!

  6. Lecourvoisier // 5 décembre 2024 à 17 h 36 min //

    Ils n’ont pas censuré la Vème république juste Barnier

  7. Très bien ! Utile rappel ! Cela n’a rien à voir avec la piteuse situation actuelle de déficit irrémédiable des finances publiques et de perte de confiance généralisée. – J.

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