Voile : la distinction avancée par le président de la République est extrêmement discutable

« Le respect de l’égalité et de la liberté des usagers du service public interdit à tout collaborateur de celui-ci, quel que soit son statut, d’exhiber et de manifester ses croyances durant le service », estime Anne-Marie Le Pourhiet.

Les parents qui apportent leur concours aux établissements publics d’enseignement pour assurer la surveillance et le bon ordre des sorties scolaires ne sont pas, dans le cadre précis de cette activité, des usagers du service public, mais des collaborateurs occasionnels et bénévoles de celui-ci. Ces parents sont sollicités pour aider les enseignants à encadrer toute une classe et pas seulement leur propre enfant. À ce titre, les accompagnatrices d’élèves arborant le voile islamique doivent donc respecter les principes qui s’imposent aux agents permanents, fonctionnaires ou contractuels, à commencer par celui de neutralité politique, philosophique et religieuse.

Le Conseil constitutionnel a jugé en 2004 que l’article 1er de la Constitution, aux termes duquel la France est une République laïque, « interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». Il a ajouté en 2013 que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et qu’« il en résulte la neutralité de l’État ». Ce principe est inscrit, pour les fonctionnaires, à l’article 25 du statut général, qui dispose que le fonctionnaire « s’abstient de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses ».

« Les obligations que la République impose à ses agents permanents vis-à-vis des citoyens s’étendent aussi à ses auxiliaires occasionnels » (Anne-Marie Le Pourhiet) 

Il est évident que les obligations que la République impose à ses agents permanents vis-à-vis des citoyens s’étendent aussi à ses auxiliaires occasionnels. Le respect de l’égalité et de la liberté des usagers du service public interdit à tout collaborateur de celui-ci, quel que soit son statut, d’exhiber et de manifester ses croyances durant le service. La laïcité et l’obligation de neutralité qui en découlent ne sont pas des agressions contre les agents mais des protections pour les usagers, particulièrement nécessaires à l’égard du public vulnérable et malléable que sont les écoliers. S’abstenir d’affichage politico-religieux en mission scolaire, que celle-ci s’accomplisse à l’intérieur des locaux ou dans l’espace public, n’est pas seulement « souhaitable », comme l’a indiqué Jean-Michel Blanquer, c’est une obligation.

Sollicité par le Défenseur des droits, préoccupé par l’application disparate et anarchique de la circulaire dite « Chatel » du 27 mars 2012, le Conseil d’État a rendu le 23 décembre 2013 l’un de ces avis alambiqués et incompréhensibles dont il a le secret chaque fois qu’il est confronté aux manifestations de communautarisme religieux. Sous l’influence des juges européens marqués par la tradition anglo-saxonne qui ignore les principes et la rigueur logique pour leur préférer la casuistique improvisée et les « accommodements raisonnables », le Conseil d’État manifeste en effet, depuis un certain nombre d’années, une fâcheuse tendance à s’asseoir sur les principes républicains, y compris ceux qu’il a lui-même autrefois contribué à forger.

En estimant, dans son avis de 2013 (non publié et dépourvu de toute valeur normative et interprétative), que les parents qui accompagnent les sorties scolaires sont des usagers et non des auxiliaires du service public, le Conseil d’État ignore délibérément la jurisprudence qu’il a lui-même inaugurée en 1946 sur les collaborateurs occasionnels du service public et qui veut notamment que l’État indemnise les dommages subis ou causés dans le cadre de leur activité par ces auxiliaires bénévoles (arrêt commune de Saint-Priest-la-Plaine, 1946). En ajoutant toutefois, dans son avis de 2013, que les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation « peuvent » cependant conduire l’autorité compétente à « recommander » aux parents accompagnateurs de « s’abstenir de manifester » leur appartenance ou leurs croyances religieuses, le Conseil d’État se contredit totalement et entretient volontairement l’ambiguïté et l’insécurité juridiques qui avaient conduit à sa saisine.

« Ce qui se passe dans l’espace public est évidemment de la compétence des pouvoirs publics » (Anne-Marie Le Pourhiet)

Devant ces dérobades et atermoiements du juge administratif et des ministres compétents, c’est à la loi qu’il revient désormais, comme elle l’a fait précédemment pour le port du voile par les élèves ou celui de la burqa dans l’espace public, d’exprimer clairement la volonté générale, tant d’ailleurs sur les accompagnements scolaires que sur le port public du burkini, au sujet duquel le juge administratif s’est aussi illustré par sa pusillanimité.

Contrairement à ce qu’a affirmé le président Macron à La Réunion, ce qui se passe dans l’espace public, y compris les plages et piscines, est évidemment de la compétence des pouvoirs publics dont la première fonction régalienne consiste justement à assurer le bon ordre dans les lieux publics en veillant notamment à ce que nul n’y porte atteinte à la décence et aux droits d’autrui par des comportements provocants.

 

14 commentaires sur Voile : la distinction avancée par le président de la République est extrêmement discutable

  1. tout a fait d’accord avec cette personne; aucun signes distinctifs dans les lieux publiques c’est ainsi et pas autrement chris

  2. Jean-Dominique Gladieu // 3 novembre 2019 à 19 h 04 min //

    Le Conseil Constitutionnel dit ci, le Conseil d’Etat dit ça, le législateur dit autre chose, et patati et patata !
    On pourrait tout simplement sortir du juridisme en proposant aux professeurs qui organisent ces sorties de s’adresser, pour encadrer les élèves, à des parents qui ne portent pas de signes religieux ostentatoires.

  3. La réponse du berger à la bergère

    M. Bruno Retailleau, Président du groupe « Les Républicains » au Sénat, a publié un communiqué le 31 octobre 2019 dont la teneur suit :

    Aujourd’hui le Ministère des affaires étrangères turc a cru bon de dénoncer le vote, par le Sénat de la République française, de l’interdiction des signes ostentatoires religieux pour les accompagnements scolaires.

    Cette attitude est inacceptable. Je demande à Jean-Yves Le Drian de protester vigoureusement auprès de son homologue turc sur cette ingérence dans les affaires de la France.

    La France est une nation souveraine. De quel droit la Turquie s’ingère-t-elle dans ce qui relève du seul peuple français et de ses représentants ? D’autant qu’en matière de laïcité, le régime islamiste de Recep Erdogan n’a aucune leçon à donner.

    Le seul fait qu’il prenne une telle position valide la position du Sénat. Ce communiqué prouve que pour les tenants de l’Islam radical, le voile est une bannière et pas un simple vêtement et que nos enfants doivent en être préservés dans l’espace scolaire.

    J’approuve à 100% ce communiqué, courageux et rapide venant d’un représentant élu qui fait honneur à la nation française souveraine.

    Merci pour les Français qui s’impatientaient d’une réaction. Notre drapeau national reprend des couleurs flamboyantes !

    Rf 1.11.2019

  4. A BOUDI…il ne s’agit pas d’un voile mais bel et bien d’un foulard…appelé fichu dans les années passées. Les médias entretiennent cette confusion entre voile et foulard alors qu’ils devraient appeler à utiliser les bons mots pour éviter tous les maux ! !

  5. Laïcité ! foutez la paix au monde, moi les képis cela me dérange, pourtant je tolère les képis ! Qu’est ce que cela vient faire ici ! totalement hors sujet. Est-ce que cela gênait la religions des soldats du Maghreb à nos cotés ?
    La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

  6. Jean-Dominique Gladieu // 30 octobre 2019 à 19 h 06 min //

    En fait, loi ou pas loi, conseil d’Etat ou pas conseil d’Etat, les choses sont simples. Il suffit aux professeurs qui organisent les sorties de s’adresser à des parents laïcs pour les seconder !

  7. Neutralité religieuse

    Le résultat du vote du Sénat(français) concernant la proposition de loi tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation, étendue aux sorties scolaires organisées par les écoles, les collèges et les lycées publics est le suivant à l’issue du scrutin n° 19 du 29 octobre 2019 :
    Sur les 277 suffrages exprimés 163 voix se sont exprimées pour ce texte et 114 contre ce texte
    -On peut noter que le parti La République en Marche ( LREM du Président Macron) a voté contre ce texte à l’unanimité de même que le Groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
    -Le Groupe socialiste et républicain (71) a voté contre : 56. N’ont pas pris part au vote : 15
    -LR : pour 130 contre : 3. N’a pas pris part au vote : 1
    Aux citoyens français d’en juger par rapport aux beaux discours politiques sur la laïcité et le prosélytisme religieux dans notre pays des lumières…et blablabla et blablabla.
    Rf 30.10.2019

  8. on s’en fout !
    La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

  9. Une laïcité à double détente

    « Le port du voile dans l’espace public n’est pas mon affaire, c’est ça la laïcité ».
    Par contre « Le port du voile dans les services publics, à l’école, quand on éduque les enfants, c’est mon affaire, c’est ça la laïcité » (Propos tenus par le Président Macron en déplacement sur l’île de La Réunion ce mois d’octobre 2019).
    Dans ce pays, on n’affronte pas les problèmes, on cultive généralement l’art de l’esquive au sein des trois pouvoirs. C’est la paralysie à tous les niveaux.
    De palabre en palabre, on est passé dans notre pays, du hidjab qui couvre les cheveux jusqu’à la base du coup, au voile intégral avec le niqab, lequel laisse juste apparaître les yeux et la burqa qui cache les yeux derrière un maillage.
    Il a fallu une loi d’octobre 2010 pour tenter d’enrayer le phénomène du voile intégral puni par une amende non dissuasive, pas forcément payée par la contrevenante mais par un généreux donateur provocateur…
    Ce combat n’est toujours pas gagné à ce jour. La tenue religieuse provocatrice d’un autre âge s’impose à notre regard, que cela nous plaise ou pas. La sanction n’effraye pas.
    On peut mesurer, plus d’un siècle plus tard, l’efficacité de la loi de 1905 sur la laïcité qui ne protège plus des excès. Ce pays est défiguré, méconnaissable.
    Le Président évoque une confusion collective dans les esprits échauffés entre laïcité et islam. Or s’il y a confusion, c’est bien parce qu’il n’y a plus de digue protectrice assurée par la loi de 1905 mais collision par un mélange des genres. Le Président ne peut plus se voiler la face indéfiniment en jouant sur les définitions et en niant les réalités qui défient toutes nos lois et notre vivre ensemble en société. Le prosélytisme religieux obtient un blanc-seing en s’infiltrant partout même à l’occasion des activités périscolaires comme si l’application de la loi sur la laïcité et l’éducation des jeunes enfants cessaient subitement leurs effets dès la sortie du périmètre de l’établissement scolaire (Rejoindre une cantine, prendre les transports scolaires qui empruntent des passages à niveau, aller au théâtre, au cinéma, à la piscine, partir en colonie). Les activités périscolaires cesseraient d’être également l’affaire des pouvoirs publics garant de la laïcité, qui se laveraient les mains dès lors que les enfants scolarisés pénètreraient dans l’espace public.
    Le débat ne fait que commencer. Une proposition de loi sénatoriale sera examinée en séance publique le 29 octobre prochain sur la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation.
    Rf 28.10.2019

  10. En référence à ce qui est inscrit dans les ordonnances de 1946 et comme l’avait souligné le général de Gaulle , l’affichage des signes politico-religieux doit être interdit sur le territoire de NOTRE République . J’approuve et je soutiens Jean Michel BLANQUER , qui affiche sa fermeté sur l’interdiction du port du voile par les parents d’enfants scolarisés dans l’exercice de leur assistance aux personnes en place chargées de l’éducation et de l’encadrement des enfants .

  11. Paul OLLIVIER // 28 octobre 2019 à 2 h 23 min //

    Il est tout à fait condamnable que le port du voile doit être sanctionné sévèrement car la provocation est de plus en plus utilisé par les musulmans.Ce n’est tout de même pas normal que la religion catholique devienne constamment critiqué par ceux qui défendent la religion musulmane. Il existe des lois en France, on doit les appliquer…Nous, français, nous ferions le quart chez eux, pensez-vous que cela ne serait pas immédiatement sévèrement sanctionné Il est vrai que nos policiers ne peuvent plus intervenir dans un grand nombre de quartiers de nos villes et l’on dit rien. Quant à la presse, elle devient affligeante en trompant son lectorat. Par exemple un journal régional écricatntà propos d’un incendie commis par des étrangers et des jeunes musulmans et délinquants qui mirent le feu à une habitation d’un médecin volontairement puisqu’ils furent surpris par un habitant du quartier qui promenait son chien…Le lendemain, le journaliste informait ses lecteurs en écrivant  » Un incendie accidentel s’est produit… » Il en fut de même, il y a quelques temps dans un quartier d’une commune du morbihannaise de rencontrer des trafics de drogue contraignant les habitants à éviter de sortir le soir. Qu’attendons-nous pour assister à une réaction des responsables des lois et du gouvernement  » et à remettre de l’ordre . L’incivilité se produit depuis peu ces dernières années et tout le monde se tait. Les marchés parallèles apparaissent et tous les français responsables restent muets et continuent à favoriser le désordre.. Bravo encore à ceux qui détiennent le pouvoir…

  12. Je considère personnellement que le port du voile, à l’intérieur des écoles, mais aussi lors des activités « para-scolaires », devrait être interdit.
    Il en va de même lors des réunions officielles ( Conseil municipal – Conseil régional…)
    Quelle serait la position de nos concitoyens si ce comportement se multipliait en nombre?
    Il s’agit là de provocations et de comportements inacceptables.
    Le gouvernement devrait se montrer plus ferme et faire preuve,non pas de laxisme ou d’une pseudo tolérance, mais d’une stricte autorité.

  13. Inutile de phosphorer sur les propos du  » chérubin du palais », ce petit parvenu, profiteur, excelle dans la provocation stérile et destructrice d’une France qui n’avait pas besoin de ses services !!!!!

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