Le renouveau syndical : ce n’est pas qu’un rêve !

 Par Alain Kerhervé

Par Alain Kerhervé

Suite à l’éditorial précédent portant sur une appréciation de Rama Yade relative au syndicalisme, beaucoup de lecteurs se sont exprimés au travers des commentaires. C’est bien la preuve que ce sujet a toujours été propice au débat, et aujourd’hui encore plus eu égard à l’actualité. D’autres lecteurs m’ont adressé des réactions par courriel et il me semble utile de préciser (ou repréciser) certains points.

Le poids des syndicats

Personne ne peut sérieusement ignorer le rôle nécessaire des syndicats dans la représentation des personnels et de leurs intérêts particuliers, que ce soit dans l’entreprise ou les branches d’activité.

La CGT a son importance, par sa force militante, mais aussi par l’idéologie de lutte de classes qui la porte. Mais nous ne sommes pas dans l’obligation de l’apprécier, ni de l’approuver dans toutes ses actions.

D’autres organisations syndicales existent aussi dans le paysage : FO, FSU aussi attachées à un syndicalisme de contestation.

Enfin, une vision syndicale dite « réformiste » et bien plus modérée complète le tableau avec la CFDT, l’UNSA, la CFTC, la CGC…

La liste est déjà longue et certains lecteurs considèrent qu’il n’ait pas besoin, dans ces conditions, d’aller au-delà… en accordant au 1er tour des élections professionnelles la libre candidature, c’est-à-dire sans étiquette syndicale reconnue.

A cette remarque je veux répondre que :

  • La démocratie n’existe pas totalement quand le système interdit à quiconque de se présenter librement aux suffrages de ses collègues, ce qui est le cas actuellement
  • Le taux de syndicalisation (figure1 ci-après) est particulièrement faible (environ 7%) avec des disparités énormes entres les secteurs d’activité, ce qui montre bien que les salariés souhaitent une autre voie syndicale,
  • Si les suffrages au cours d’une élection professionnelle donnent une « représentativité » aux élus, les abstentions ne cessent d’augmenter (47,2% en décembre 2014). Il convient donc d’en tenir compte.

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Par ailleurs, certains d’entre vous mettent en avant le « professionnalisme » des militants engagés dans un syndicat. Attention, ce professionnalisme peut aussi avoir des inconvénients : carriérisme, libre expression étouffée par l’adhésion exclusive à un discours forgé syndicalement, radicalisation extérieure à l’entreprise créant les conditions d’une politisation incompatible avec la définition même du syndicalisme….

La « Loi travail »

Sur ce sujet je me suis exprimé le 22 février dernier dans mon éditorial titré « Mon cœur saigne et ma colère s’amplifie ! ». Ce projet de loi est un recul, même si depuis le gouvernement y a mis beaucoup d’eau. On n’avance pas en supprimant les avancées sociales les plus importantes. Aujourd’hui, la seule issue raisonnable est le retrait.

Ceci dit, il est indispensable de rappeler que vouloir réformer le syndicalisme en tenant compte aussi des réalités est une position parfaitement gaulliste.

Gaullistement vôtre !

Si le Général (qui devient une référence pour ceux qui l’ont si souvent combattu. Ils se reconnaitrons !) a toujours respecté les organisations syndicales, mais bien plus les militants que les appareils, il a souvent regretté, très souvent devrais-je dire, le peu d’enthousiasme porté par elles à ses projets « révolutionnaires » dans le domaine social, notamment au sein des entreprises par la mise en œuvre de la « participation ». Je vous recommande, pour mieux comprendre encore mon propos, de lire « Une révolution en héritage ».

« Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre » disait le Général

Le général de Gaulle a toujours été favorable à la totale liberté syndicale et les informations livrées dans mon ouvrage sont suffisamment révélatrices pour convaincre les plus indécis. Je pense notamment à ce lecteur qui me confie que le Général « avait fait siens les préceptes du syndicalisme marxiste et chrétiens d’une redistribution des bénéfices produits par la société française ». C’est une contre-vérité. Ces deux notions du syndicalisme sont tellement différentes que personne ne peut sérieusement envisager un mixte des deux. C’est comme l’huile et le vinaigre.

En termes de conclusion

Si les syndicalistes reconnus et installés dans le confortable monopole syndical sont si sûrs de ce qu’ils représentent, quels soucis peuvent-ils avoir si une concurrence plus large, et donc démocratique, est proposée aux élections professionnelles ?

Alain Kerhervé

10 commentaires sur Le renouveau syndical : ce n’est pas qu’un rêve !

  1. S’il n’y avait que le monde syndical à ne pas bien se porter, cela ne serait pas grand chose mais vous omettez le contexte qui explique bien des choses. C’est d’abord tout ce contexte à changer avant d’envisager la moindre réforme du monde syndical, ce que Madame Rama Yade ne fera jamais. De toutes les façons le gaullisme est mort parce que ces présumés héritiers l’ont tué plus surement que ses adversaires. Ce n’est pas ce « gentil » Dupont-Aignan qui va le ressusciter. Il nous faut une révolution politique, pacifique de préférence, pour changer d’abord toute notre classe dirigeante soumise à Bruxelles, Berlin et Washington. Ce n’est pas en soutenant la proposition de tel ou tel oligarque que vous et nous y arriverons. Vous les confortez plutôt, moi mon opposition à la caste dirigeante prime.

  2. Le monde syndical ne va pas bien… et contrairement à ce que vous laissez entendre que c’est Rama Yade quiqui est à l’origine d’une réforme sur le « monopole » syndical. C’est faut. Nous sommes nombreux à réclamer plus de liberté syndical. Depuis plus de 50 ans cette liberté de candidature est réclamée. Charles de Gaulle y était favorable, ce qui ne l’empêchait pas de respecter le mouvement syndical, mais plus les hommes que les structure. Tout ceci, je l’explique dans mon livre « une révolution en héritage » et alors, par la lecture, vous pourrez constater qu’il souhaitait, dans le cadre de la « participation » une approche nouvelle du dialogue social qui passait par cette liberté de candidature au 1er tour des élections professionnelles. Alors, arrêtez de qualifier cette mesure simple de libre choix total des représentants du personnel dans les entreprises comme une mesure anti-gaulliste. C’est faux !

  3. Le monde change, évolue bien évidemment mais pas forcément dans le bon sens celui favorable aux salariés, celui où il y aurait du grain à moudre comme le disait le syndicaliste CGT-FO, André Bergeron. Mais en ce temps-là, que les moins de 30 ans ne peuvent connaitre, est bel et bien révolu mais il s’agit plus d’organiser la régression sociale avec l’alibi de l’Europe et de la mondialisation néolibérales. C’est dans ce contexte que vous reprenez à votre compte la proposition de l’oligarque Rama Yade au service de Bruxelles, Berlin et Washington. Tout ce qui a de plus anti-gaulliste qui soit. Tous ces gens qui bafouent la souveraineté nationale. J’ai beaucoup de mal à comprendre qu’un homme comme vous, qui se réclame du gaullisme social, c’est-à-dire tout sauf la droite parlementaire qui, depuis Pompidou, Giscard, Chirac et pire Sarkozy, a liquidé l’héritage social du gaullisme. Souvenez-vous du livre de Jean Charbonnel « un gaulliste répond à Giscard ».
    Comme je vous le disais précédemment toute « réforme » du syndicalisme sera perçu par le monde syndical comme une machine de guerre contre lui, ce qui susciterait une levée de bouclier égale à celle de la loi travail inspirée par Les GOPE ou Grandes Orientations de Politique Economique de la Commission de Bruxelles, cet organisme technocratique et bureaucratique non élu par le peuple que tous souverainistes conséquents se doivent de combattre par principe.
    Le monde a bien changé depuis 30 ans mais pour le seul profit du capital au détriment du travail; de cela je pense que le Général ne l’aurait pas seulement refusé mais combattu avec une ardeur renouvelée en faisant valoir la singularité de notre pays dont le paysage syndical est un exemple. Sa « réforme » n’est pas du tout prioritaire !

  4. Edmond Romano // 1 juin 2016 à 15 h 02 min //

    Nous sommes tous conduits à constater que les syndicats, en France, ont des effectifs très faibles (tout comme les Partis politiques)et certains le regrettent. Mais, il faut constater que lesdits syndicats sont les seuls responsables de leur manque d’attirance. Ils ont une façon de faire, d’agir qui datent du XIX ème siècle. Prenons le cas de la CGT. Inféodée au PCF, elle a toujours eu un discours marxiste et léniniste. Elle s’oppose à tout et défend des positions inacceptables: statut « super-privilégié » du secteur public ou des entreprises publiques au détriment des autres salariés. Personnellement, je ne pleurerai pas sur cette engeance.

  5. Globalement, Flamant rose, vous avez raison. Juste un petit rectificatif : Le comité d’entreprise a été instauré en 1945, et les conventions collectives en 1951. Puis, au début de la Ve République, les conventions collectives ont été « étendue » pour couvrir tous les secteurs. Quant à la « participation gaulliste, suite à l’amendement Vallon (1965), De Gaulle voulait aller très loin puisque qu’il proposait de mettre en oeuvre la notion du « pancapitalisme » de Marcel Loichot qui aurait abouti au partage de la propriété de l’entreprise, donc du pouvoir… ce que n’a jamais voulu la coalition « patronat-syndicats marxistes ». Voir aussi le référendum de 1969. Tous ces points sont expliqués dans mon livre « une révolution en héritage » http://www.gaullisme.fr/2015/11/25/une-revolution-en-heritage/

  6. Flamant rose // 1 juin 2016 à 10 h 25 min //

    Les axes de la politique sociale du général de Gaulle étaient les suivants :

    – Une politique de revenu qui se concrétisa par des mesures précises (le S.M.I.G, devenu S.M.I.C;, la mensualisation des salaires) ou des des mesures de portée plus générale comme celles ayant trait à la hiérarchie des salaires.

    – L’incitation à la concertation entre patronat et syndicats sous l’arbitrage du ministère du travail, et un encouragement apporté aux négociations collectives, branche par branche, secteur par secteur. On oublie trop souvent que le général de Gaulle, instaurateur des conventions collectives en 1945, en étendit le domaine sous sa présidence, notamment avec les comités d’entreprise.

    – L’amorce qui demeure la grande œuvre (encore inachevée) du gaullisme en matière sociale, c’est à dire la participation. Les relations sociales, celle du travail notamment, ont toujours été l’objet d’une attention particulière de la pa rt du général de Gaulle.

    Dans l’esprit du gaullisme, toutes ces mesures sociales tendaient naturellement à accroître le bien-être des Français qu’autorisait alors l’expansion. Mais elles avaient une autre dimension qui mérite d’être souligné tant elle demeure permanente et toujours d’actualité : renforcer la cohésion sociale par une meilleur compréhension des intérêts des différentes catégories sociales et par la recherche incessante de compromis sans lesquels il n’est pas d’unité véritable. la politique sociale au service de l’unité nationale ! Cet aspect « intégrateur » de la politique sociale du gaullisme mérite d’être rappelé car il distingue sans doute le mieux l’approche gaulliste, des autres approches, notamment celle des socialistes, trop souvent fondée sur la notion de lutte des classes.

  7. Excellent article Alain que je viens de partager .
    dans la partie salariale de ma vie professionnelle , j’ai côtoyé des militants (CFTC), et plus tard des militants de tous horizons . Le principal problème du syndicalisme en France est sa sous représentation , entraînant des extrémismes pour survivre . l’adhésion syndicale doit-elle devenir obligatoire ? n’est pas le risque dans ce cas devoir des syndicats « croupions » ?
    Quand à la lutte des classes ! hou le vilain mot qui fait peur !Elle est une réalité de fait tant que l’équilibre capital travail n’est plus respecté ce qui est le cas actuellement avec des pouvoirs successifs qui prennent leurs ordres au Bilderberg et au Crif (d’ou mon soutien actuel à J.L.M )

  8. Mus depuis l’origine par l’idéologie suicidaire de la lutte des classes ,( le patron cupide face aux salariés exploités), les syndicats en France sont au dialogue social ce que la casserole est au chant polyphonique.
    Loin d’être les « partenaires sociaux » bidirectionnels de l’épanouissement des entreprises….donc du bonheur des salariés (publiques ou privés)donc de la croissance et de l’emploi….. les syndicats français, dans un monde qui change considérablement la nature des échanges économiques, défendent des intérêts d’arrière garde de boutiquiers « véreux » que nous envient même plus les travailleurs étrangers restés les pieds sur terre.
    Le taux de syndicalisation suit donc inexorablement cette pente descendante d’un outil de dialogue social devenu Obsolète et qui mériterait d’être refondé pour un futur conjoint employeurs-employés de qualité et orienté vers la prospérité de toutes et de tous.
    Mais voilà, en France, malgré les essais de cogestion, la mise en oeuvre des Lois Auroux(il y a trente ans) sur l’expression des salariés et d’autres initiatives plus ou moins « foireuses » toutes guidées par la même idéologie suicidaire de la lutte des classes….la France du monde du Travail va connaître l’avènement d’une nième « connerie » qui fera encore dire à certains que d’autres sont protégés , que d’autres ne le sont pas et que le bonheur au travail est une chimère.
    Bon courage dans la tourmente française socio-politique sans fin.

  9. Non seulement je n’ai rien oublié, mais 25 ans de syndicalisme à mon actif et je peux vous dire que si la reconnaissance est de mise, il faut aussi savoir évoluer. Dans mon livre « une révolution en héritage » je développe mon point de vue. La fin du monopole syndical est une ouverture. Ne croyez pas que les salariés, même non syndiqués, sont incapable de discernement. Ils savent aussi où est leur intérêt. S’il n’y a plus de grain à moudre, ce n’est pas une raison suffisant pour ne pas démocratiser les élections professionnelle.

  10. Pour le préconiser pour les autres je pense que vous n’avez pas connus dans votre vie professionnelle le bienfait de la concurrence. Moi, si ! Ce qui fait toute notre divergence. C’est souvent ainsi que ces partisans la défendent. Cela a toujours été une arme patronale pour affaiblir les syndicats, jamais pour obtenir des accords. Surtout quand il y a déjà 5 millions de sous-employés et 10 millions de pauvres.
    Dans les circonstances vos propositions seront toujours vues comme une machine de guerre cotre un syndicalisme déjà bien affaibli par une réalité économique, sociale, un chômage et une pauvreté de masse, et un rapport de forces déjà bien défavorable que vous le vouliez ou non vous entérinez de fait. Toute la rhétorique de la droite réactionnaire. Le paysage syndical actuel n’est pas le fruit d’un hasard mais d’une histoire politique et sociale faite de conflits parfois forts et violents que bien d’entre nous ont oublié. Comme vous! N’oubliez pas FO qui est redevenu un syndicat contestataire comme la CGT dans la mesure où il n’y a plus de « grain à moudre » comme le disait André Bergeron mais qu’ignore cette tête de linotte qu’est Rama Yade et que vous approuvez bien imprudemment et/ou inconsidérément. Cette dernière et toute la droite a totalement oublié ou renié toute forme de gaullisme social.
    La désyndicalisation a bien d’autres motifs que ceux évoqués, comme la désindustrialisation, la montée de l’individualisme contemporain dans la lignée des analyses de Tocqueville. Je vous invite à lire « Malaise dans la démocratie » su sociologue Jean-Pierre Le Goff et « Comprendre le malheur français » du philosophe Marcel Gauchet. Cela permet des réflexions approfondies.

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