Règle d’or : une farce internationale

Chaque jour nous avons droit à des péripéties guignolesques autour de la ratification ou pas du pacte de stabilité ; il prétend instaurer une règle d’or censée réguler les comptes publics au sein de l’Union Européenne. Des postures diverses sont prises par les uns et les autres au rythme de supposés intérêts électoraux.

Le pacte budgétaire européen, officiellement appelé « traité sur la stabilité », la coordination et la gouvernance (TSCG), constituent un mécanisme sur lequel se sont accordés 25 des 27 états membres de l’union européenne en vue de la convergence de leur union économique et monétaire, notamment dans la zone euro. Le texte prétend ainsi renforcer la responsabilité budgétaire des pays et améliorer la gouvernance de la zone euro.

Selon le «paquet européen», examiné en conseil des ministres, un projet de loi organique instaure le principe d’une «règle d’or». Il stipule que les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques contiendront une trajectoire pour arriver à un déficit structurel (hors effets de la conjoncture et évènements imprévus) de 0,5 % «à moyen terme» sous peine de sanctions. Seules des circonstances exceptionnelles ou une grave récession pourront donner de la latitude aux États.

Le flou est épais.

Il est conceptuel, personne ne pouvant savoir où l’on va et pourquoi : que signifient des circonstances exceptionnelles ou une grave récession ? Le projet bouge sans cesse. Dans l’imprécision des termes il est clair que l’idée fondamentale des lois de finances annuelles s’estompe pour faire place à une trajectoire ! Quid des changements futurs de majorité ? Que veut dire : moyen terme ? Bien malin qui le sait.

QUELQUES CERTITUDES

Les politiques ne veulent pas viser des surplus budgétaires, comme ils ont existé naguère, et se contentent de rêver à limiter les déficits avec bien des garde-fous : une échappatoire commode existe en cas de circonstances exceptionnelles sur lesquelles le gouvernement n’a pas de prise. Au même moment, le pouvoir annonce un effort « historique » de déficit budgétaire qui passerait de 4,5% du PIB en 2012 à 3% en 2013. Quand on connaît la vanité de ces calculs et leur traficotage il est permis de douter.

Conscients de leur propre impéritie, les politiques cherchent une parade et la trouvent dans le pacte. Ils se lient les mains, en quelque sorte eux-mêmes, et celles de leurs successeurs avec un projet d’une extrême complexité.

Au niveau européen, le traité prévoit un renforcement de la procédure pour déficit excessif, les sanctions pouvant aller jusqu’à 0,5% du PIB. La Commission pourra donner son avis sur les budgets avant leur adoption par les parlements nationaux, lesquels sont pratiquement dépouillés de leurs pouvoirs. Qui peut envisager, sans sourire, de voir un grand pays se laisser condamner à des amendes considérables, dans le flou général ? Il est question de dénonciation d’un État par un autre : la recherche des suspects n’est pas loin.

Malgré toutes les dénégations officielles, nous nous trouvons devant une nouvelle et considérable avancée de l’hydre européenne. L’un des objectifs avoués est de faire converger toutes les politiques européennes : pour un économiste c’est clairement la ruine assurée pour chacun.

Certes, les réalistes diront que, de toutes manières, l’indépendance du pays est largement handicapée par l’omniprésence de la CEE, laquelle est manipulée par une camarilla d’eurocrates et leurs accompagnateurs ; toutefois, le traité va rajouter une montagne tellement monstrueuse de règlementations que le boulet financier de la CEE va s’alourdir encore sur les peuples.

LE HAUT CONSEIL

Voici, enfin, la cerise sur le gâteau. Dans toute action étatique, la furie dépensière est toujours présente. Une nouvelle instance va être créée auprès de la cour des comptes : le Haut Conseil des Finances Publiques. Il donnera son avis sur la fiabilité des hypothèses de croissance figurant dans les projets de budget élaborés chaque année par l’exécutif. Il devra aussi vérifier que le projet de budget d’une année respecte bien la trajectoire de réduction des déficits déclinée sur plusieurs années. En cas d’écart, le Haut Conseil sera chargé d’alerter publiquement le parlement et le gouvernement. Il reviendra alors à ce dernier de proposer des mesures pour corriger le tir.

A l’échelle nationale il sera une sorte de miroir de la monstrueuse excroissance bureaucratique attendue au niveau de l’Europe. Personne ne peut imaginer les milliers de documents que les imprimantes vont cracher dans le flou général.

Le traité enjoint aux États de mettre en place un mécanisme de correction automatique en cas d’écart par rapport à l’« objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement ». Ce mécanisme sera défini selon les « principes communs proposés par la Commission européenne » qui, «ne portant pas atteinte aux prérogatives des parlements nationaux » concerneront « la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi que les institutions nationales en charge de leur application ».

Tous les éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles. C’est ce qu’on appelle la règle d’or budgétaire.

Comment expliquer que les politiques se livrent ainsi à une véritable farce ? Ce résultat vient de l’idéologie européenne, de la folie du tout État, du panurgisme habituel à leur milieu et du souci d’amuser le peuple faute de réformer. Ce mélange est explosif pour les citoyens d’en bas et explique largement le désamour flagrant entre les classes politiques de tous pays et ces citoyens d’en bas.

MICHEL DE PONCINS
Tocqueville Magazine

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