Baverez le nouveau Marseille ?

Nicolas Baverez est-il le successeur désigné de Jacques Marseille, aujourd’hui décédé ? Ce dernier, historien comme lui, qui comme lui se proclamait économiste, pouvait se répandre dans les media parce qu’il défendait les thèses économiques qui servent les intérêts des puissances financières.

J. Marseille était un ancien communiste, N. Baverez est un ancien collaborateur de Philippe Séguin. C’est une des raisons pour lesquelles ils sont utiles : leur passé est sensé leur donner de l’audience et du crédit auprès de ceux qui restent à convaincre, leurs anciens amis. De surcroît, leur conversion tardive aux thèses des financiers leur donne la ferveur des nouveaux convertis, qui veulent racheter leur passé.

 

Suite à la publication de l’article « Réveillez-vous ! : le cri d’alarme de Nicolas Baverez », Gaullisme.fr a reçu de nombreux courriers. Daniel Fédou a souhaité aller plus loin en proposant l’article suivant que Gaullisme.fr vous offre en totalité. Réagissez !

 

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Nicolas Baverez est-il le successeur désigné de Jacques Marseille, aujourd’hui décédé ? Ce dernier, historien comme lui, qui comme lui se proclamait économiste, pouvait se répandre dans les media parce qu’il défendait les thèses économiques qui servent les intérêts des puissances financières.

J. Marseille était un ancien communiste, N. Baverez est un ancien collaborateur de Philippe Séguin. C’est une des raisons pour lesquelles ils sont utiles : leur passé est sensé leur donner de l’audience et du crédit auprès de ceux qui restent à convaincre, leurs anciens amis. De surcroît, leur conversion tardive aux thèses des financiers leur donne la ferveur des nouveaux convertis, qui veulent racheter leur passé.

Leur enthousiasme est d’autant plus vif que leur connaissance superficielle des mécanismes économiques les amène à ne pas se poser de question dérangeante. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre ne cherche à démontrer. Ils affirment. Mais même énoncée avec force, une affirmation peut être une ânerie.

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Commençons par un point d’accord. « Le fondement ultime de la débâcle française provient de l’effondrement de l’appareil de production national qui, après avoir dévasté l’industrie, gagne aujourd’hui les services. » Il y a là une affirmation, dont nous avons à plusieurs reprises apporté la démonstration. Ironie de la situation : J. Marseille s’était fait le héraut de la thèse selon laquelle nos difficultés venaient de notre lenteur à abandonner notre industrie pour développer les services. On commence à peine à comprendre le contre-sens majeur qu’elle constitue.

Pourquoi a-t-elle valu à J. Marseille tant d’invitations de la part des media et des politiques ? En partie parce qu’elle allait dans le sens des aspirations des Français – l’usine n’ayant pas bonne presse. Mais aussi et surtout parce que cela permettait d’ignorer les risques majeurs que faisaient courir à notre économie le franc fort, puis l’abandon de notre monnaie, puis l’euro fort. En cela, J. Marseille rendait un immense service aux financiers.

N. Baverez sait-il pourquoi le déclin de notre industrie constitue un drame national ? On peut en douter quand on constate qu’il place sur un pied d’égalité le transfert des charges sociales vers la TVA ou vers la CSG. Car la TVA sociale permettrait d’améliorer significativement la compétitivité de nos entreprises à l’international. Alors que le transfert sur la CSG n’aurait aucun effet en la matière.

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Hormis ce diagnostic liminaire, nous sommes en désaccord sur à peu près tout.

N. Baverez utilise une formule séduisante, sans doute pour tenter de nous faire croire que ses analyses s’inscrivent encore dans la lignée gaulliste : « Comme en 1945, il nous faut réinventer le modèle économique français ». Mais ne cherchez pas : vous ne trouverez aucune invention dans les mesures qu’il propose. Rien que la nème redite de la potion magique que veulent servir les puissances financières au monde entier, en particulier aux pays de la zone euro.

C’est un florilège des mesures que la pensée dominante appelle pudiquement « structurelles » pour ne pas avoir à les décrire précisément, parce que l’opinion publique les rejetterait si elle en connaissait le contenu. On y trouve pour l’essentiel :

– une réduction aussi large que possible de la dépense publique, y compris des prestations sociales ;

– une flexibilité aussi grande que possible des contrats de travail ;

– une réduction importante du coût de la main d’œuvre.

Ce n’est donc pas un modèle économique nouveau qu’il nous propose, mais un retour au XIXème siècle. Pourquoi pas après tout, si cela devait nous ramener sur le chemin de la croissance et par conséquent sur celui de l’emploi ? Mais il n’en est rien. Regardez la Grèce après trois ans de ce traitement ou l’Espagne après deux ans. Les reculs sociaux sont bien là. Mais, au lieu de la reprise économique attendue, c’est la récession qui s’installe.

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N. Baverez nous livre ensuite sa recette: « Les stratégies de redressement conduites dans les pays développés, de la Suède à l’Allemagne en passant par le Canada, montrent qu’il doit être mené à hauteur d’un quart par des hausses d’impôts centrées sur les ménages et de trois quarts par des baisses de dépenses ».

Aurait-il découvert la martingale gagnante ? En tout cas pas pour notre pays. Il suffit d’un raisonnement économique simple pour le montrer. Comment pourrait-on relancer la croissance par un mélange d’augmentation des impôts et de réduction de la dépense publique ? Les deux diminuent le pouvoir d’achat global des Français, donc l’activité économique. En outre, l’augmentation des impôts ne peut pas améliorer la compétitivité des entreprises. Il ne faut pas oublier que la baisse de la dépense publique peut relancer la croissance seulement si elle permet de réduire les prélèvements obligatoires. Cela suppose que nous ayons résorbé au préalable notre déficit public. Or nous en sommes très loin…

Que l’on ne vienne pas invoquer ici un éventuel « effet d’éviction », selon lequel les besoins des finances publiques ponctionneraient des capitaux dont notre secteur privé a besoin. Faut-il rappeler que nos banques et nos assureurs utilisent allègrement l’épargne des Français pour financer les déficits de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie ?

Les enseignements que l’on peut tirer de l’expérience des autres pays ne sont pas des affaires simples que l’on peut traiter en amateur. Car chacun a ses particularités. Il y en a une de taille en l’espèce, que N. Baverez néglige : la Suède et le Canada qu’il prend en exemple ont leur propre monnaie, alors que nous avons celle des Allemands. La différence est fondamentale. Comme le disait récemment Alain Madelin, pourtant libéral convaincu, sur BFM business : « nous serions déjà sortis de la crise si nous n’avions pas l’euro ».

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Une des propositions de N. Baverez mérite cependant une attention particulière : le retour aux 39 heures. L’instauration des 35 heures a été en effet une bêtise monumentale. Elle a entraîné une lourde perte de compétitivité pour nos exportateurs, agricoles et industriels. Un retour en arrière permettrait de restaurer, au moins en partie, cette compétitivité. A une condition cependant, qu’il importe de préciser : il s’agit bien de travailler 4 heures de plus sans gagner davantage, ou pour ceux qui faisaient des heures supplémentaires, de travailler autant pour gagner moins.

Le retour aux 39 heures serait efficace et traiterait le mal qui nous ronge à la racine. Nous ne soutiendrons cependant pas cette mesure. Car elle se traduirait en pratique par une baisse des salaires limitée à l’agriculture et l’industrie, donc aux secteurs exposés à la concurrence internationale, épargnant les services et l’administration. Outre la parfaite iniquité d’une telle situation, cela rendrait la mesure inefficace à terme. Car dans la guerre économique mondiale dans laquelle nous sommes inévitablement engagés, ne pas récompenser ceux qui sont au front est le plus sûr moyen de la perdre.

Avec la TVA sociale, l’autre solution socialement acceptable pour retrouver notre compétitivité est une sortie de l’euro, qui ferait participer tout le monde de manière à peu près équitable aux efforts à fournir. N. Baverez balaye l’idée en écrivant que cela nous ferait perdre 20% de pouvoir d’achat. Il fournit là une nouvelle illustration de son amateurisme en matière économique. En admettant en effet que la sortie de l’euro nous fasse dévaluer de 20% – c’est beaucoup mais admettons-le un instant – notre pouvoir d’achat baisserait instantanément de 5% seulement, car nous consommons un quart seulement de produits étrangers, puis très vite cette baisse remonterait à 3 ou 4% grâce au report de notre consommation vers des produits et services français. Un an après, on aurait retrouvé la croissance d’une manière durable.

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A défaut de maîtriser les mécanismes économiques, l’historien qu’est N. Baverez n’ignore sans doute pas que, loin de réinventer un nouveau modèle économique et social comme l’avait fait le général de Gaulle en 1945, il nous propose à bien des égards de revenir à la situation qui prévalait en 1840. Par le titre de son livre, Nicolas Baverez appelle les Français à se réveiller. Qu’il me soit permis ici un pronostic : si les Français se réveillent, ce ne sera pas pour accepter cela, mais au contraire pour le rejeter violemment. C’est vous, M. Baverez, qui devez vous réveiller. Ne vous laissez pas endormir par les thèses des puissances financières. Redevenez le gaulliste que vous avez été.

 

Daniel Fédou
25 septembre 2012

4 commentaires sur Baverez le nouveau Marseille ?

  1. LECHEVALIER // 16 octobre 2012 à 19 h 19 min //

    J’apporte aussi ma « caution » à D. Fédou, tout comme à mon ami J. L. Perrault 🙂

    Inutile pour moi de tout redire.

    Un petit additif, seulement : de combien le pouvoir d’achat des Grecs aurait-il baissé en quittant l’euro ?
    Singulière question, quand on sait que, d’ores et déjà, la pension de maints retraités hellènes a baissé de 66 %, et que plus de 25 % des actifs y sont au chômage.

    On aidera le sieur Baverez à quitter sa carapace friedmannienne, plus simpliste encore que l’original, en lui rappelant que, sous 100 % de perte de pouvoir d’achat, on ne peut plus tomber…

    Par ailleurs, même si ce n’est pas « économique », mais de l’économie politique (la seule qui soit vraiment, au reste), que coûte t-il à un peuple de devenir un sous-Land allemand, en échange…. de rien ?

    Cdx,

    Ch. LECHEVALIER

  2. Bravo, cher Daniel Fédou.
    Ce Baverez est un imposteur de première bourre : il écrit dans Le Point, il est invité au Bilderberg. On a compris…
    À l’évidence il est ce qu’on appelle un « idiot utile » : ignorant en économie mais bien introduit chez ces autres ignorants que sont les journalistes, il porte, avec une apparence de sérieux, la bonne parole réactionnaire et ultra-libérale qu’attend l’Oligarchie mondialiste.
    Baverez a écrit un livre, je crois, pour dire que la France, c’était « des lions conduits par des ânes ». Les ânes, en effet, sont aussi les « leaders d’opinion » accrédités dans les grands médias…
    JK

  3. Je viens de lire la critique de Daniel Fédou avec laquelle je suis d’accord. J’ignorais Nicolas Baverez. La désertification manufacturière empêche l’emploi des immigrés peu qualifiés, des élèves dépassés, ce qui fait une partie de la popualtion « sans travail » qui vit aux crochets de l’état.

    Etat qui augmente les impôts pour faire face et les salariés reçoivent de faibles salaires après déduction des taxes et impôts. Le cercle vicieux est amorcé : plus d’impôts, moins de pouvoir d’achat, plus de pauvreté.

    Sans être économiste on voit que le cercle vertueux est : moins d’impôts, plus de pouvoir d’achat, pour vaincre la pauvreté.

    Alors les égalitaristes, (les égarés du socialisme) accusent les partisans du cercle vertueux d’être « élitistes ». J’accepte, je revendique mon élitisme préférant l’égalité par le haut, que le nivellement par le bas. Gérard Gaudin.

  4. Il me semble indispensable, sur ce point (le titre de votre rubrique) de ne pas douter un seul instant de la corrélation entre les positions de M. Marseille et de M. Baverez, de la même façon que les deux renvoient à M. Sorman. Inutile d’ajouter les Minc, BHL et consorts.
    Par la même occasion, c’est la totalité de son diagnostic qu’il faut réfuter. Car, ce sont bien les positions de ces amis des banksters qui nous ont amené là où nous sommes.
    Si une rigueur meurtrière est exigée, c’est parce que les conseils de ces gens nous ont mené dans les dérives : augmentation des dépenses, aventures militaires induites par le patronage de l’OTAN, réduction unilatérale des prélèvements fiscaux, libéralisation des mouvements de capitaux, avec les spéculations induites sur le logement et la nourriture, etc ..
    Donc, les conseils de ces scandaleux collaborateurs sont à jeter dans leur ensemble, avec l’eau du bain : il convient de décrédibiliser absolument leurs écrits et de discréditer totalement leur dire.
    Ils sont les « intellectuels organiques » de la Réaction, complice de tous les pouvoirs.

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