Allocution du Général de Gaulle

 

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Texte intégrale de l’allocution du Chef de l’Etat – 26 mars 1962

En soumettant au peuple français le projet de loi du référendum, je lui propose d’adopter solennellement les mesures prévues par les déclarations gouvernementales du 19 mars, en ce qui concerne d’une part le cessez-le-feu et l’autodétermination en Algérie, d’autre part l’association de la France avec ce pays, si, comme tout le monde le croit, il choisit de devenir indépendant. En outre, il faut au président de la République les moyens d’appliquer cet ensemble ; je demande donc au pays d’approuver que je les prenne. L’affaire est d’une telle portée qu’elle requiert directement l’accord souverain de la nation.

Que signifie en effet la décision que tous les citoyens sont invités à ratifier par leurs suffrages ?

D’abord cela signifie la paix. Il n’y a pas un homme de bon sens et de coeur qui ne doivent s’en féliciter. Dès lors que la France veut que l’Algérie dispose d’elle – même, dès lors que notre armée s’est assuré la maîtrise du terrain, dès lors qu’il est acquis qu’en contrepartie de notre aide l’Algérie nouvelle respecte les intérêts de notre pays et procure les garanties nécessaires à la communauté de souche française, la lutte n’a plus aucun sens.

Mais les accords d’Evian et les déclarations par lesquelles le gouvernement les a publiquement formulés représentent bien davantage que le terme mis aux combats. Il s’agit pour la France de toujours et pour l’Algérie de demain d’entreprendre ensemble une oeuvre de commune civilisation. Car la coopération dans laquelle s’engagent les 2 peuples c’est, en vérité, cela.

Pour le jeune Etat qui va naître, il n’est qu’une alternative : le développement ou le chaos. Or il ne peut trouver d’aide puissante, constante et cohérente que celle qui vient de chez nous. Pour la France, aux moyens grandissants, mais d’autre part menacée, il est d’intérêt direct qu’en face d’elle et sur l’autre bord de l’étroite Méditerranée un pays qui se situe au centre du Maghreb, fait corps avec le Sahara, touche et mène à l’Afrique noire, et que tant de contacts relient à notre métropole, s’établisse dans l’ordre, le progrès et la prospérité. Pour l’une et pour l’autre nation il est donc conforme à la raison que, passant outre aux déchirements récents, elles organisent leur coopération, comme déjà l’ont fait, avec la République française et dans les conditions qui leur sont propres, 12 Républiques africaines et la République malgache. Cette entreprise de la France, remplaçant et transformant partout celle qu’elle a accomplie par la colonisation, c’est, sans nul doute, une des plus grandes et peut-être une des plus fécondes de toutes celles qu’elle a tentées depuis qu’elle parut dans le monde. Je ne doute pas que la masse immense des Français ne le voie et ne le veuille.

Je ne doute même pas que les Français d’Algérie, une fois dissipées les suprêmes illusions, instruites les ultimes ignorances, liquidés les derniers maîtres chanteurs du terrorisme qui les égarent et les trahissent, ne s’y consacrent en fin de compte, quand la nation aura, le 8 avril, irrévocablement fixé sa décision.

Devant un tel aboutissement, combien paraissent dérisoires les outrages si longtemps prodigués à notre pays, qualifié de colonialiste, soit du côté d’un certain empire totalitaire qui bâillonne 14 nations et projette ouvertement d’en faire autant à toutes les autres, soit de la part de quelques dictatures qui ne réalisent rien, sinon la misère de leurs peuples. Au contraire, en un siècle où l’avènement de 2000000000 d’êtres humains à l’indépendance politique et à l’espoir économique et social commande l’avenir de notre espèce, ce que la France et l’Algérie commencent à faire en commun est un exemple mondial. La vie internationale peut s’en trouver modifiée dans le sens de notre génie, qui est celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. En faisant sien ce vaste et généreux dessein, le peuple français va contribuer, une fois de plus dans son histoire, à éclairer l’univers.

Mais par-dessus tout c’est en nous – mêmes et pour nous – mêmes que notre référendum revêt une importance extrême. Faire, et justement au sujet de la grave affaire algérienne, la preuve éclatante de notre unité et de notre volonté, c’est marquer que nous sommes capables de résoudre délibérément un grand problème de notre temps. C’est faire savoir que les criminels qui s’efforcent à coups d’attentats de forcer la main de l’Etat et d’asservir la nation n’ont d’avenir que le châtiment. C’est démontrer que tant et tant d’agitations, mises en demeure et malveillances, multipliées depuis 4 années à partir d’horizons très divers, n’expriment pas la réalité française, lucide, sereine et résolue. Enfin – je puis et je dois le dire – répondre affirmativement et massivement, comme je le demande, à la question que je pose aux Français, c’est pour eux me répondre à moi – même qu’en ma qualité de chef de l’Etat ils me donnent leur adhésion ; qu’ils m’attribuent le droit de faire, malgré les obstacles, ce qu’il faut pour atteindre le but ; bref, que dans la tâche très rude qui m’incombe, et dont l’affaire d’Algérie est une partie au milieu d’autres, j’ai leur confiance avec moi pour aujourd’hui et pour demain.

Françaises, Français ! vous le voyez, il va peser lourd le « oui » que je demande à chacune et à chacun de vous !

Vive la République ! Vive la France !

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