La double rupture entre de Gaulle et le MRP
Le Mouvement républicain populaire (MRP) est un ancien parti politique français, classé comme démocrate-chrétien et centriste. Héritier du Parti démocrate populaire et de mouvements régionaux comme l’Union populaire républicaine (Alsace) et l’Union républicaine lorraine, fondé le 26 novembre 1944 par Georges Bidault, il se voulait le parti des résistants démocrates-chrétiens qui souhaitaient dépasser le clivage droite-gauche et celui de la « fidélité » au général de Gaulle.
Depuis les années 50, les conceptions supranationales (ou fédéralistes) du MRP s’opposent à celles du général de Gaulle qui prône une Europe confédérale basée sur la coopération renforcée entre les nations européennes.
Cette opposition s’est particulièrement manifestée sur le dossier CED (Communauté européenne de défense).
De 1958 à 1962, les responsables nationaux du MRP reconnaissent que le gouvernement Debré (premier gouvernement de la Ve République) applique loyalement le Traité de Rome qui institue le « Marché commun ». Certains siègent au gouvernement.
Europe, première rupture
5 ministres MRP[1] siègent dans le gouvernement Pompidou formé après le changement de Premier ministre (14 avril 1962).
Mais la conférence de presse du Chef de l’Etat du 15 mai suivant confirme l’opposition du Général à l’Europe supranationale que défend le MRP qu’il qualifie d’hybride et brocarde ses partisans à vouloir écrire ou penser en « quelques esperanto[2] ou volapük intégrés ».
Les 5 ministres quittent le gouvernement le lendemain et signalent dans un communiqué qu’« entre les conceptions du général de Gaulle sur les orientations et sur les objectifs de la politique européenne et sur les idées auxquelles ils sont, pour la plupart, attachés, la conférence de presse d’hier a fait apparaître des divergences essentielles qui ne leur permettent pas de demeurer au gouvernement ».
Ils sont remplacés par Raymond Marcellin, Gilbert Grandval, Georges Gorce, Robert Dusseaulx et Pierre Dumas.
La position des dirigeants du MRP se confirme à l’Assemblée nationale le 13 juin. Maurice-René Simmonet, Secrétaire général du parti lit une déclaration dont le contenu marque, sans aucune ambigüité, une opposition aux conceptions européenne du général de Gaulle. Ce texte est signé par 57 MRP, 45 socialistes, 35 radicaux et assimilés, 37 élus d’Algérie, 106 indépendants sur 122 et 13 non-inscrits, soit un total de 293 députés.
Mais si la divergence avec de Gaulle et le gouvernement Pompidou est nette pour les cadres du MRP, elle n’est cependant pas comprise par l’opinion qui considère, à raison, de Gaulle comme un partisan de l’Europe.
Un sondage effectué du 4 au 8 juin 62 montre que la moitié (49%) des Français approuve la politique européenne du Général contre 23%. Ce sondage est confirmé 2 ans après par une autre enquête d’opinion qui établit que 58% des sympathisants MRP trouvent « Bonne » la politique étrangère du Chef de l’Etat, alors que 18% seulement la trouve « mauvaise ».
La deuxième rupture : l’élection du Président de la République au suffrage universel.
Après l’attentat du Petit-Clamart (22 août 62), le Général propose de modifier la constitution par référendum afin d’instituer la désignation du Président de la république au suffrage universel (Durée du mandat : 7 ans).
Le 5 octobre, l’Assemblée nationale vote sur ce sujet une motion de censure contre le gouvernement Pompidou. 50 des 57 députés MRP refusent la confiance au gouvernement (Sauf Aymé de la Chevrelière, Alain Davoust, Emile Halbout, Alain Le Guen, Maurice Lenormand, Joseph Rivière et Maurice Schumann).
Ce qui est en cause, c’est aussi la procédure référendaire qu’entend utiliser le gouvernement.
Le 7 octobre, 80% des membres du comité national du MRP recommandent un vote contre la réforme constitutionnelle.
Le 28 octobre, la victoire du « oui » (68%) montre qu’une très large majorité des électeurs MRP, notamment dans ses bastions de l’ouest et de l’est, donne raison au Chef de l’Etat.
C’est une défaite sanglante pour le MRP.
1 – Robert Buron, Paul Bacon, Joseph Fontanet, Pierre Pflimlin et Maurice Schumann
2 – L’espéranto est une langue construite conçue à la fin du XIXe siècle par Ludwik Lejzer Zamenhof dans le but de faciliter la communication entre personnes de langues différentes. Zamenhof publia son projet en 1887 sous le nom de Lingvo Internacia (Langue internationale), sous le pseudonyme de Doktoro Esperanto (Docteur qui espère), d’où le nom sous lequel la langue s’est popularisée par la suite. Se basant sur une grammaire régulière (sans exception), l’espéranto est une langue globalement agglutinante où les mots se forment à partir d’un nombre limités de racines lexicales et d’affixes. Ces particularités facilitent l’apprentissage de l’espéranto. Le volapük ou volapuk est une langue construite inventée en 1879 par le prêtre catholique allemand Johann Martin Schleyer (1831-1912), de Baden. Les paroles de l’hymne volapük sont l’œuvre du jésuite et polyglotte allemand Franz Zorell, spécialiste de cette langue.
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