Villepin marque sa différence en politique étrangère
Quoi qu’on pense de lui, Dominique de Villepin reste le dernier ministre des affaires étrangères français a avoir eu un peu de poids et de profondeur dans sa fonction – et cela remonte à 2004. Il était donc clair qu’en acceptant de parler, vendredi matin, devant le centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE) à Paris, il entendait marquer sa différence par rapport au gouvernement français actuel qui – sans même parler des vacances de MAM et de Fillon – a complètement sombré dans les révoltes tunisienne et égyptienne. Sachant que l’exercice du contraste joue pleinement en sa faveur, il n’a guère eu besoin d’insister. Tout juste s’est-il contenté d’une pique à l’encontre de Michèle Alliot-Marie, et aussi de Bernard Kouchner, en réponse à une question de la salle : «La diplomatie, c’est le visage qu’un pays veut se donner. Il appartient donc au président de la République et au premier ministre de déterminer et de choisir ce visage.»
D’emblée, dans son discours liminaire, Dominique de Villepin a tenu à faire part de son «émotion» face à cette «Histoire en marche» à Tunis et au Caire : «Nous ne pouvons pas rester silencieux et immobiles sur notre rive de l’Histoire» (voir le discours dans son intégralité). Il ne lui a pas fallu longtemps non plus pour souligner le décalage entre la position du gouvernement Sarkozy-Fillon qui, dans la foulée du départ d’Hosni Moubarak, a salué cette décision «courageuse», et la lucidité du président Obama qui, «bousculant son administration et le jeu des intérêts, a su tenir un discours que tout le monde attendait d’une grande démocratie, un langage d’humanité».
Il est évidemment plus facile de prendre des positions tranchées quand on est éloigné de la conduite des affaires étrangères, mais il y a quelque chose qui insupporte profondément Villepin – et qui l’a toujours insupporté –, c’est l’immobilisme et le retranchement derrière son cache-col (un ancien de son cabinet au Quai d’Orsay a d’ailleurs fait de cette diplomatie en mouvement le leitmotiv d’une bande dessinée le prenant pour sujet principal). C’est pour cela que, dans cette période de grands bouleversements, dont on ne sait encore s’ils resteront cantonnés à la Tunisie ou à l’Égypte ou s’ils vont faire tache d’huile, la tétanie française ne peut que lui hérisser le poil : «Le propre des grands événements historiques est qu’ils surgissent et que tout le monde est pris par surprise. Le plus important est d’être à leur hauteur. L’impréparation est d’autant plus forte qu’elle s’accompagne de peurs.»
Dans son souci de dessiner un contraste avec l’Elysée et l’UMP, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac – à qui il a rendu plusieurs fois hommage – a été jusqu’à dire que le fuites de WikiLeaks ne le préoccupaient pas vraiment («la diplomatie, ce n’est pas une civilité de gens entre soi, elle doit avoir des dents et dire une vérité»). Il a également plaidé pour la reconnaissance d’un État palestinien. Et il s’est inquiété du débat que veut organiser la majorité sur l’islam : «Nous avons eu la débat sur l’identité nationale, sur la burqa, sur les Roms, et nous avons aujourd’hui un Front national à 20%. Que voulons-nous ? À quoi jouons-nous ?» Ajoutant : «La question sur les mosquées, si elle aussi importante, aurait pu être posée en début du quinquennat plutôt qu’à quelques encablures d’une élection présidentielle.»
On ne sait toujours pas à quoi Dominique de Villepin est candidat, ni comment il voit son avenir – il a été présenté au CAPE comme avocat international et président de République solidaire, son nouveau parti. Mais dans le contexte d’une droite qui passe plus de temps à défendre ses compromissions, à se terrer, ou à traquer ceux qui dévient de la ligne présidentielle, Villepin sait que le «printemps des peuples arabes» (c’est son expression) est aussi une opportunité pour lui de revenir sur la vague qu’il maîtrise le mieux, celle de la place de la France dans le monde.
Discours de Dominique de Villepin au CAPE (18 février 2011)
Dominique de Villepin ne marquera vraiment sa différence que lorsqu’il dénoncera le traité de Maastricht qui a sacralisé ce système économique Pensée-Unique, qui est à l’origine de notre déchéance. Quelle folle idée d’avoir donné aux financiers les pleins pouvoirs ! Nous de nons absolument reconquérir la Primauté aux Politiques. Alors, nous aurons une organisation sociétale un peu plus éthique.
Pierre.Bellenger@wanadoo.fr