Nicolas Sarkozy se lave de tout soupçon

 

127280-sarkozy-france2-jpg_38762 Nicolas Sarkozy a érigé son ministre du travail, Eric Woerth, en parangon de vertu, lundi 12 juillet, sur France 2. Il a décrété que le trésorier de l’UMP était non seulement «lavé de tout soupçon» (grâce au rapport «extrêmement fouillé» de l’Inspection générale des finances livré dimanche soir, à point nommé), mais aussi que sa «dignité (faisait) honneur à la classe politique» tout entière.

Se refusant à sanctionner un «homme honnête», Nicolas Sarkozy a déclaré qu’Eric Woerth défendrait la réforme des retraites en personne, dès la fin juillet, à l’Assemblée nationale. En bon metteur en scène de sa propre interview (il a lui-même choisi le décor, le journaliste, etc.), le président a décrété la séquence catastrophique de ces quatre dernières semaines définitivement close, bouclée à double tour – sûr de sa mainmise sur les pouvoirs judiciaire comme médiatique. «C’est réglé», a-t-il assené – annonçant tout de même un remaniement pour la «fin octobre».

Tout juste Nicolas Sarkozy a-t-il recommandé à son ministre de lâcher sa casquette de trésorier de l’UMP, «pour faire l’économie de toute polémique». C’est un «conseil», pas un ordre, bien sûr: «Je ne suis pas en charge de l’UMP, c’est Xavier Bertrand…» A défaut d’annoncer une commission d’enquête parlementaire (refusée par le parti présidentiel à l’Assemblée), il a promis une vague «commission représentant toutes les familles politiques», chargée «de réfléchir à la façon dont on doit – ou non – compléter ou modifier la loi pour éviter à l’avenir toute forme de conflit d’intérêts» au gouvernement, au Parlement, chez «telle ou telle personne qui exerce une responsabilité»… C’est un simple hochet qu’il a tendu à l’opposition, en Président d’une République toujours immature.

En face, David Pujadas a semblé avoir remisé sa carte de presse: pas une interpellation sur l’intervention de l’ancien conseiller «Justice» du président, Patrick Ouart, dans l’affaire Bettencourt; pas un mot sur l’évasion fiscale de l’héritière de L’Oréal; pas une question précise sur les 150.000 euros en liquide remis par le gestionnaire de fortune de la milliardaire à Eric Woerth lors de la campagne présidentielle de 2007, d’après les déclarations de son ancienne comptable; pas une relance sur les déclarations de cette dernière à Mediapart (démenties devant la police), selon lesquelles Nicolas Sarkozy serait venu à plusieurs reprises chercher des enveloppes de billets au domicile de Liliane Bettencourt, quand il était maire de Neuilly («Vous m’imaginez! (…) C’est une honte!»)… Le chef de l’Etat a pu aligner les seuls témoignages qui le dédouanaient, sans que David Pujadas ose en évoquer d’autres…

Le président, soulagé, n’avait plus qu’à «revenir à l’essentiel»: les retraites, les déficits, la sécurité, l’immigration. Aucune annonce n’a été faite: il a pu consacrer 40 minutes en prime time, sur le service public, à ressasser ses arguments sur le «travailler plus» et le bouclier fiscal. Quelques heures plus tôt, le CSA avait validé son choix du futur patron de France Télévisions, Rémy Pflimlin…

Lorsque David Pujadas a embrayé sur les autres «affaires» qui ont récemment secoué le gouvernement, Nicolas Sarkozy s’est livré à un véritable numéro d’autosatisfaction, concédant juste «des indélicatesses» et des «maladresses» au sujet de ses ministres Alain Joyandet et Christian Blanc, épinglés pour un voyage en jet privé et un permis de construire (le premier), ainsi que pour 12.000 euros de cigares (le second). «Je leur ai dit, a juré le président (qui avait promis une «République irréprochable» en 2007). Ils en ont immédiatement tiré les conséquences en proposant leur démission.»

Pour preuve de sa volonté de transparence, il a martelé: «Jamais l’Elysée n’avait été contrôlé par la Cour des comptes. Le premier président de la République qui a fait rentrer la cour des comptes à l’Elysée, c’est moi, en 2007. Depuis que je suis à l’Elysée, c’est le troisième (contrôle)  Il a eu beau jeu de rappeler qu’il avait d’ailleurs désigné un socialiste, Didier Migaud, à la tête de l’institution de la rue Cambon: «J’ai voulu nommer un député de l’opposition… Est-ce que ce n’est pas irréprochable?»

Au passage, le chef de l’Etat s’est chargé de répliquer à Ségolène Royal, qui avait dénoncé «un système Sarkozy corrompu», le 30 juin dernier : «La France n’est pas un pays corrompu, a-t-il balayé. La classe politique, gauche-droite confondue, est en général honnête.» Comment, alors, expliquer les dérives qui font aujourd’hui la Une? Il y aurait «des mauvaises habitudes» («c’est incontestable»), «un certain laisser-aller», «trop d’appartements de fonction, trop de voitures de fonction». La raison? «Versailles et la royauté»

Enfin, Nicolas Sarkozy a répété les «nouvelles règles» du train de vie de l’Etat, déjà annoncées le 28 juin dernier… et qui existaient déjà pour la plupart. «J’ai décidé que désormais les ministres ne bénéficieront d’appartement de fonction que quand ils en auront vraiment besoin pour leur activité ministérielle, a-t-il détaillé. Quand ils vont à l’étranger, je juge qu'(ils) doivent aller dans les ambassades plutôt qu’à l’hôtel…»

En conclusion, interrogé sur son envie de rempiler pour un second mandat, il a botté en touche : «Il n’y en a qu’un qui n’a pas le droit de penser à la prochaine présidentielle, c’est moi !»

 

Par Marine Turchi et Mathilde Mathieu (Médiapart)

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