Le gouvernement économique débouche…

… sur une police européenne budgétaire

 

  • Jack Dion – Marianne2.fr

Dans le cadre de notre nouvelle rubrique Marianne s’engage, Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction, explique pourquoi le projet de gouvernement économique cher à la France, risque de déboucher sur la création d’une brigade de surveillance de l’austérité.

Dessin : Louison

Dessin : Louison

 

Il y a quelques jours, José-Manuel Barroso, président de la Commission de Bruxelles, avait avancé l’idée d’un contrôle préalable des différents budgets nationaux, avant même leur examen par les Parlements des pays concernés. Quelques dignitaires de l’UMP avaient alors vigoureusement protesté, faisant vibrer la fibre nationale. Or le système vilipendé a été confirmé lors de la réunion de l’Eurogroupe.

Le fameux « gouvernement économique » dont on nous rebat tant les oreilles débouche ainsi sur une sorte de flicage des politiques budgétaires de chaque Etat, sommés d’appliquer la nouvelle pensée unique. La Ministre des Finances, Christine Lagarde, a fait appel à son art consommé de la langue de bois pour tenter d’expliquer qu’il s’agirait d’une simple concertation entre partenaires, et non d’une quelconque forme de coercition. De son côté, le commissaire européen Michel Barnier, interrogé ce matin sur France Inter, a dû pratiquer un numéro de haute voltige pour lequel il manque visiblement d’entraînement.  En revanche, on notera l’enthousiasme de Manuel Valls (PS), plus consensuel que jamais.    

En fait, les membres de la zone Euro ont bel et bien décidé de mettre en place un système permettant à un quarteron de bureaucrates de rappeler les règles de l’économiquement correct, au mépris des principes démocratiques élémentaires. Voilà qui rappelle le temps de feu l’URSS, quand Brejnev vantait les mérites de la « souveraineté limitée » des satellites de l’Empire soviétique.

Dans une Europe qui n’est plus qu’une simple zone de libre change, dans une Europe qui se construit souvent sans les peuples, voire contre eux, les Eurosceptiques se voient ainsi offrir un cadeau supplémentaire. Après l’épisode du Traité Constitutionnel de 2005, refusé par référendum et revenu sous forme d’un traité de Lisbonne qui en est la copie conforme, sans validation par le peuple, c’est un nouveau coup de Jarnac.

Entendons-nous bien. La crise de l’Euro s’explique en grande partie par l’écart entre les politiques menés par les Etats membres de l’UE. On ne peut donc qu’encourager une meilleure coordination des choix économiques des membres de la zone Euro. Encore faudrait-il, préalablement, revoir les priorités d’une Europe ayant échoué dans la lutte contre la dictature des marchés. Or, face à cette réalité explosive, les membres de l’UE demeurent les bras croisés. Le gigantesque Fonds de stabilisation européen ne vise qu’à sauver les banques qui sont responsables de la crise. Pour les populations, il s’agit en quelque sorte d’une double peine. 

Malgré toutes les bonnes paroles entendues depuis le début de la Grande Crise, en 2008, rien n’a été fait pour juguler la spéculation, en finir avec le dumping social, relancer la coopération entre vrais-faux partenaires qui se mènent une forme de guerre économique larvée, et donner plus de pouvoir aux Parlements, tant nationaux qu’européens. 

Faute de prendre ce virage et de redéfinir ses priorités, l’Europe risque de supporter les graves conséquences d’une fuite en avant appauvrissante pour des peuples à qui l’on impose des tours de vis perpétuels, à l’issue incertaine. Chacun sait que le régime imposé à Athènes est intolérable, intenable, et qu’il est voué à l’échec. Le réveil sera douloureux, et pas seulement pour les Grecs, car les spéculateurs vont passer d’une proie à une autre.
En instaurant une brigade de surveillance de l’austérité, l’Europe ne fait que creuser sa propre tombe.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

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