L’alliance en politique n’existe pas…

alliance258Quelle cacophonie depuis ces universités de rentrée ! Le PS, à l’agonie depuis les européennes, est obligé de s’activer à rechercher des alliances : ce vieux parti sclérosé qui a inventé le concept d’arthrose politique sait que toutes les forces convergent pour maintenir au chaud la gamelle. Les Verts, dopés par leur excellent score aux européennes, veulent poursuivre sur leur lancée et ont pris la place du MoDem de juin 2007, celui de la jeune fille courtisée. Quant au MoDem, il encaisse encore et toujours les hécatombes, mais semble indéformable tant les sollicitations pleuvent de part et d’autres. Et l’UMP ? Fidèle à son catéchisme de l’union, il maintient sous assistance respiratoire le Nouveau Centre et se met en tête de faire la drague aux Verts, qui lui ont posé un lapin courtois mais franc.

A six mois des régionales, voilà que la tectonique des plaques politiques se remet en mouvement. Qui s’alliera avec qui ? Ce n’est pas comme ça qu’il faut poser la question. Qui obtiendra le ralliement de qui ? Voilà une question plus pertinente : les alliances n’existent pas en politique.

Quand Napoléon fricotait avec les Russes pour vaincre les Anglais et les Autrichiens, il négociait sur la base d’un projet ouvert à l’alliance : un ennemi commun. Quand De Gaulle négociait avec les Américains, il n’entendait pas jouer les supplétifs, mais bien un partenaire à part entière et de dimension égale. Le principe même d’une alliance, c’est un pacte consenti par deux parties qui réunissent leurs forces en vue d’un objectif commun. Elles apportent ce qu’elles ont, et se partageront les fruits du résultat. D’égales à égales.

Ce week-end, Bayrou a proposé aux socialistes une « Offre Publique de Dialogue ». Qui ne voit pas la roublardise dans la formulation ? Offre de dialogue, certes, comme il l’a toujours clamé depuis plus de deux ans. Mais la formule est pastichée de l’OPA, qui traduit dans le monde des entreprises des sentiments beaucoup moins cordiaux que ceux du dialogue…

Et les socialistes ? Si inquiets de voir leur identité se modifier d’un pouillème, si terrorisés à l’idée de voir le pré carré du socialisme bon teint empiété par des immigrés politiques, ils en sont rendus à exécuter une politique d’immigration aussi sévère que celle qu’ils critiquent chez Eric Besson. Martine Aubry, Ministre de l’Immigration et de l’Identité Socialiste, et son chef de cabinet Benoît Hamon, exigent, avant toute alliance, un brevet de socialisme avec mention, une profession de foi de gauche et une confirmation dans les urnes. Si les centristes acceptent de devenir de gauche, alors ils auront droit de cité ; sinon, ce sera la reconduite à la frontière politique, avec le cynisme condescendant de ceux qui pensent que le centrisme est une mer Méditerranée sur laquelle les naufragés sur leur frêle esquif dérivent sur les courants jusqu’à épuisement.

Bayrou a eu raison de remettre Martine Aubry à sa place en lui indiquant qu’elle n’était « pas chargée de contrôler les papiers, de vouloir faire rentrer tout le monde dans le rang ». Car ce que proposent les socialistes, ce n’est pas une alliance, c’est un ralliement à la bannière de Jaurès. Imaginez Napoléon exigeant des Russes qu’ils se battent sous des uniformes français et commandés par des généraux français. Quel interlocuteur, hormis celui à l’agonie et n’ayant plus de fierté, accepterait pareil challenge ?

Il n’y a qu’une réponse à cela : le Nouveau Centre. Dès mai 2007, celui-ci a fait le choix de l’assimilation, de la soupière. Docilement, ceux qui avaient clamé haut et fort pendant la campagne présidentielle qu’ils s’étaient affranchis de l’alliance historique avec la droite, Jean-Christophe Lagarde en tête (il était porte-parole de campagne), sont rentrés la queue basse dans les rangs de la majorité, mais chargés de dispenser la bonne parole : il faut l’union, le mouvement, le rassemblement des idées. Que tu crois.

Le Nouveau Centre, le MPF et CPNT, ralliés de dernière minute, ont cru à la sérénade de l’UMP sur l’alliance. Comme pour une auberge espagnole, on leur a proposé de venir avec leurs idées, leurs convictions, leur électorat, et de rejoindre le comité de direction de l’UMP. Mais la proposition de l’UMP n’était pas scellée du proverbe « l’union fait la force », mais du plus pernicieux « les petits ruisseaux font les grandes rivières ». Apportez-nous de l’eau, supplétifs, et vous aurez quelques élus.

Le hic avec l’hydrologie, c’est que tout le monde sait ce qu’il se passe : ce sont les petits cours d’eau qui s’assèchent d’abord avant que ne baisse le débit des grandes rivières. Le PS a déjà asséché les communistes et les radicaux, et n’a guère plus de réserves hydrauliques ; pire, des petits malins nommés Bockel, Besson et Kouchner, ont entrepris de creuser un canal des Traîtres pour détourner les eaux du fleuve socialiste vers celui de la majorité. A force de se faire siphonner le vote ouvrier, les socialistes ont bien consenti en 2006 à ce que l’écluse Royal tente de boucher la fuite, mais les socialistes ont depuis décidé qu’il fallait dynamiter la digue. Soit.

Si après ça, vous êtes toujours convaincus que l’alliance existe en régime présidentiel, et qu’elle se fera pour les régionales entre la gauche et le MoDem, vous pouvez toujours attendre le déluge.

Source : http://www.nickcarraway.fr

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