À l’Assemblée nationale, le souvenir inachevé de Philippe Séguin
Sa voix caverneuse semble ne s’être jamais éteinte. Treize ans jour pour jour après sa disparition, ce tribun hors pair, président de l’Assemblée nationale (1993-1997), a laissé un vide dans un hémicycle en mal d’incarnation.… par Par Célestine Gentilhomme (6 janvier 2023)
Un simple rappel à l’ordre, bougonné au micro, suffisait à calmer la masse de députés. « S’il vous plaît, chers collègues », tonnait-il de sa voix grave sculptée par le tabac. Treize ans jour pour jour après sa mort, l’ombre de Philippe Séguin, président de l’Assemblée nationale (1993-1997), continue de hanter les allées du palais Bourbon. « Il y a eu de grands présidents par leur longévité comme Edgar Faure ou Jacques Chaban-Delmas. Mais aucun n’a marqué en si peu de temps la fonction », estime Arnaud Teyssier, ancienne plume du maire d’Épinal.
Bas du formulaire
Élu au perchoir en 1993, Philippe Séguin, figure du gaullisme social, hérite d’une « chambre introuvable ». Avec un score historique, la droite et ses alliés raflent plus des trois quarts des sièges. Parmi ces jeunes députés, Bernard Carayon, élu RPR du Tarn, fait ses premiers pas dans l’hémicycle. « Nous avions une majorité écrasante. Comme pour toute majorité, le risque était celui de la médiocrité dans la discussion », se souvient le maire de Lavaur. Dans cette assemblée monochrome, Philippe Séguin retrouve, lui, son ton impartial d’instituteur. « Il traitait même parfois les oppositions avec plus de considération que la majorité elle-même au point que certains s’en agaçaient dans nos rangs », abonde Bernard Carayon, bousculé par sa rencontre avec celui qui fut longtemps qualifié de « remords de la droite », en référence à son destin inachevé.
Devant le parterre de novices agrippés au micro, le député des Vosges s’impatiente parfois, mordille sa branche de lunettes. « Pour les jeunes députés, c’était un président exigeant. Il souhaitait que les questions orales au gouvernement ne soient pas lues, mais soient prononcées sans support papier », se rappelle Bernard Accoyer, fraîchement débarqué de Haute-Savoie. Dans ce fauteuil en cuir, son imposant physique se détache de ceux, plus longilignes, de ses prédécesseurs. « Quand vous le mettiez dans une salle à l’Assemblée, il ne s’installait pas au centre. Mais tout le monde se trouvait très vite autour de lui », glisse l’essayiste Nicolas Baverez, un de ses proches collaborateurs. Derrière ses longs soupirs et ses accès de colère, son rire gras et une certaine irrévérence, le gosse de Tunis, pur produit de l’école publique, attache une importance particulière au protocole. « L’un des premiers discours que j’ai dû lui écrire était pour le départ en retraite du chef des huissiers de la séance, s’amuse Arnaud Teyssier, auteur de sa biographie. Tout Séguin résidait là-dedans.”
« Séguin n’est plus de notre temps »
À l’hôtel de Lassay, Philippe Séguin s’applique à moderniser le travail des parlementaires : session unique, introduction du vote électronique, renforcement du contrôle du gouvernement… « Il n’était pas très populaire. Le fait de siéger neuf mois par an, au lieu des deux sessions de trois mois, a fait des ravages chez les fonctionnaires », nuance Arnaud Teyssier. Face à l’exécutif, le quatrième personnage de l’État cherche à rééquilibrer les pouvoirs, sans s’éloigner du gaullisme originel. « Avant lui, tous les textes émanaient du gouvernement. Lui a fait en sorte qu’il y ait des initiatives parlementaires et qu’elles puissent être régulièrement examinées », souligne Bernard Accoyer, propulsé président de l’Assemblée nationale (2007-2012).
À ce poste convoité, le député de Haute-Savoie parachève la révision constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy. « Je me suis inscrit dans sa continuité en mettant fin par exemple à l’obstruction parlementaire », assure-t-il, renforçant les pouvoirs du Parlement. « Paradoxalement, les députés ont depuis perdu en puissance. Aujourd’hui, il faut s’exprimer en quelques mots, faire sensation pour être repris sur les réseaux sociaux », poursuit-il, avec une pointe d’amertume. « Séguin n’est plus du tout de notre temps, ni dans le modèle de l’homme politique actuel. C’est un diplodocus », renchérit Bernard Carayon. Un ancien monde que personne n’a totalement oublié.
Le titre de ce message porte sur le souvenir inachevé de Philippe SEGUIN….normal, puisque c’est un souvenir !
On eut préféré l’œuvre inachevée de Philippe Seguin mais en 2023 on se contente des expressions nouvelles.