Seconde Guerre mondiale : de Gaulle a failli voler l’annonce de la victoire

Mécontent de voir Cologne échapper au giron de la France, le général de Gaulle était d’une humeur massacrante le 7 mai 1945, relate « The Guardian ». Par Le Point.fr

Les relations entre Charles de Gaulle et Winston Churchill étaient particulièrement orageuses

Charles de Gaulle a-t-il failli gâcher la fête des Alliés victorieux de l’Allemagne au terme d’une Seconde Guerre mondiale dévastatrice ? C’est ce que tendent à prouver des documents du cabinet de guerre britannique, diffusés gratuitement par les Archives nationales pendant le confinement. Ces précieux écrits, relayé mercredi 6 mai 2020 par The Guardian, dépeignent en effet un Winston Churchill effaré face à l’intention du général français de révéler au monde la défaite du IIIe Reich 24 heures avant l’annonce officielle, damant ainsi le pion à la Grande-Bretagne, aux États-Unis et à l’Union soviétique.

Ce temps d’avance du futur premier président de la Ve République française s’explique aisément. Si la victoire est traditionnellement célébrée le 8 mai, le général américain Eisenhower et le haut commandement soviétique avaient toutefois reçu la reddition allemande le 7 mai 1945 à 2 h 41 précisément. À 18 h 30 ce jour-là, le Premier ministre britannique Winston Churchill convie le président américain Harry Truman et le dirigeant soviétique Joseph Staline au 10, Downing Street. Un rendez-vous qui débouche sur la décision suivante : les « trois grandes puissances » annonceront simultanément la fin de la guerre le 8 mai.

Mais c’était sans compter sur un Charles de Gaulle irascible, bien décidé à jouer les trouble-fête. « Le cabinet de guerre a été informé de l’intention du général de Gaulle d’annoncer la reddition allemande dans une émission radiophonique à 8 heures ce soir-là [7 mai] », note ainsi un procès-verbal officiel déterré par les Archives nationales britanniques. Et le document de poursuivre : « Il a donc été convenu que le général de Gaulle devrait être informé des plans de synchronisation des annonces des gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’URSS. Il lui a été demandé de reporter son annonce jusqu’à l’heure convenue le 8 mai. Si toutefois il n’était pas disposé à accepter ce conseil, aucune pression supplémentaire ne pourrait lui être exercée. » Charles de Gaulle accepte au dernier moment de reporter son annonce, prononçant son discours au même moment que Churchill.

« Mauvaise humeur »

Simple maladresse de l’homme du 18 juin ? Pas si sûr. Un document relatant une conversation entre l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France, Alfred Duff Cooper, et le diplomate français gérant le cabinet de De Gaulle à Londres, Gaston Palewski, nous apprend ainsi que malgré la fin de six années de guerre sur le Vieux Continent, le général français ne décolère pas. Charles de Gaulle « était de mauvaise humeur hier, car il venait d’être informé par les États-Unis que la zone française [de l’Allemagne occupée] ne comprendrait pas Cologne », est-il écrit sur le document.

« De Gaulle attache une importance énorme à Cologne pour des raisons stratégiques qu’il m’a récemment expliquées à l’aide d’une carte », développe Duff Cooper dans un câble diplomatique depuis Paris. Le diplomate britannique ajoute dans sa note à Churchill : « Je lui ai dit que les zones d’occupation ne préjugeaient pas, selon ce que j’ai compris, des discussions sur les frontières. »

L’état déplorable des relations entre Winston Churchill et Charles de Gaulle à l’époque est également mis en lumière par un câble envoyé à 23 h 55 le jour même par Churchill à Duff Cooper à Paris, estampillé « personnel » et « top secret ». Churchill écrit : « Nous devons discuter de la visite du général plus tard. Il se pourrait bien que je puisse aller le voir tranquillement un de ces jours lors d’un voyage en France, bien qu’il faille que je sache à l’avance qu’il ne fera pas claquer, barrer et verrouiller la porte devant moi. » Ambiance.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*