Malika Sorel : « Brandir un drapeau est un acte éminemment politique »

L’auteur de « Décomposition française » a analysé avec une rare justesse le processus d’intégration. Elle voit dans les débordements qui ont émaillé les victoires de l’Algérie lors de la Coupe d’Afrique des nations l’expression d’une défiance d’une partie des enfants de l’immigration à l’égard de la France.

LE FIGARO. – Dimanche dernier, après la qualification de l’Algérie, il y a eu 282 interpellations suite aux désordres causés par des supporteurs algériens. Doit-on y voir de simples « débordements » liés à la liesse ou le symptôme d’un malaise plus profond ?

Malika SOREL. – Ce n’est pas la première fois qu’on observe ce phénomène, et cela prend une ampleur inquiétante, du fait du nombre de personnes enclines à braver l’ordre républicain. Par ailleurs, hisser ou planter un drapeau n’est jamais anodin. C’est un acte éminemment politique qui symbolise, tout comme l’hymne national, un ancrage moral, l’attachement à un socle de principes et de valeurs, et bien sûr un enracinement sentimental. Brandir le drapeau sous le nez de l’ancien pays colonial, c’est l’expression d’une revanche sur l’Histoire. Une revanche qui s’est trouvée légitimée par le candidat Macron lorsqu’il a accusé la France de « crime contre l’humanité ».

L’Occident freudien justifie, excuse, et son monde politique affiche au grand jour sa trouille des « jeunes » de l’immigration. Il est donc perçu comme accommodant, conciliant, peureux : traduire « dévirilisé ». Cet Occident n’inspire plus ni respect ni crainte, sentiments ici intimement liés. Est désormais profondément ancrée la conviction que pour obtenir, il faut faire peur ; terrible spirale !

« C’est la capitulation de l’État qui pousse un nombre croissant de personnes de l’immigration à tourner le dos à l’intégration culturelle » Malika Sorel

Au-delà des violences, comment expliquez-vous ce besoin d’afficher bruyamment leur identité d’origine pour des jeunes souvent nés en France ?

C’est bien la démonstration que la naissance en France n’est pas un critère d’analyse pertinent ! L’arrivée continue de migrants produit un ré-enracinement dans les mœurs d’origine. L’intégration s’est dégradée dans le temps avec le refus croissant de respecter les principes républicains, à commencer par la laïcité et la liberté qui permet à chacun de choisir sa propre vie. Ce sont les femmes qui en subissent de plein fouet les conséquences. J’ai souvent pensé que si les menaces avaient pesé en priorité sur les hommes, nos gouvernants auraient su réagir promptement.

Afficher son identité d’origine, c’est montrer son allégeance et ainsi avoir la paix, car à mesure que l’État cédait aux revendications communautaires, le groupe culturel d’origine accroissait sa pression – voire sa répression – sur chacun des membres supposés lui appartenir. C’est la capitulation de l’État qui pousse un nombre croissant de personnes de l’immigration à tourner le dos à l’intégration culturelle.

Autre faute : avoir installé une prime à la non-assimilation. Du fait des politiques de discrimination positive progressivement mises en place, s’afficher ou se revendiquer de la « diversité » peut parfois faire office de coupe-file. Il n’y a plus vraiment de raison pour que les enfants de l’immigration s’assimilent. Or, le gouvernement prévoit d’intensifier ces politiques.

« Il ne fait plus bon être français dans ce pays que je ne reconnais plus. Mon chagrin est infini ». Malika Sorel

« C’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse », expliquait Marc Bloch dans L’Étrange Défaite. Peut-on reprocher aux enfants de l’immigration leur fierté pour leurs origines ? Celle-ci est-elle incompatible avec le respect, voire l’amour, de la France ?

Nul n’interdit de renfermer plusieurs tendresses dans son cœur, mais Marc Bloch disait bien plus important : que la France était la patrie dont il ne saurait déraciner son cœur et qu’il s’était efforcé de la défendre de son mieux. Il est mort pour la France ! Nous ne sommes pas du tout dans la même situation. Nombre de parents éduquent leurs enfants dans un respect quasi religieux de leur pays d’origine. Et c’est lui qui devient ainsi le vrai pays de leurs enfants. Un pays qui n’a rien fait pour eux et qu’ils adulent. Quant à la France, c’est elle qui leur a donné ce qu’ils possèdent, les prend en charge si besoin… Le problème n’est donc pas économique, et l’amour ne se décrète ni ne s’achète !

Le passé douloureux de la France se trouve constamment remis sur le devant de la scène, et il n’est plus question que de lutte contre des discriminations et une « islamophobie » dont les Français de souche se rendraient coupables. Des lois sont votées pour contraindre l’expression et empêcher ainsi les Français de dire ce qu’ils ont sur le cœur. Il ne fait plus bon être français dans ce pays que je ne reconnais plus. Mon chagrin est infini.

Dans votre dernier livre notamment, Décomposition française, vous montrez toute la complexité du processus d’assimilation. Est-ce toujours un choix douloureux ?

Oui. S’assimiler à un autre peuple que celui de ses ancêtres est une décision personnelle, intime, qui se joue entièrement sur le registre affectif et moral. Au sein d’une même famille, et évoluant dans un même environnement, certains enfants s’assimilent, d’autres pas. Cette problématique dépasse par ailleurs largement l’approche simpliste et nuisible de l’origine des prénoms. Ayant travaillé à l’intérieur du système politique et administratif, je peux témoigner du fait que beaucoup de ceux qui ont participé à mener la France dans la situation actuelle portaient des prénoms chrétiens.

« L’intégration est un processus à l’issue non prédictible qui peut déboucher ou pas sur une assimilation ». Malika Sorel

Vous plaidez plutôt pour l’intégration…

Je plaide pour la reconnaissance du fait que l’intégration est un processus à l’issue non prédictible qui peut déboucher ou pas sur une assimilation. Or le code civil, qui imposait que l’octroi de la nationalité française soit subordonné à l’assimilation, a été violé. La citoyenneté a été vidée de sa substance. Plus grave encore, les papiers d’identité confèrent un droit de propriété sur la terre. Les élites ont donc disposé de la France comme si elle leur appartenait en propre, ce qui est contraire au principe démocratique inscrit dans la Constitution : « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

François Hollande, dans Un président ne devrait pas dire cela, évoquait le risque de la partition. Comment l’éviter ?

J’ai abordé à maintes reprises la liste des erreurs à éviter et des politiques à déployer. L’urgence ici, c’est d’alerter sur deux projets en cours qui pèseront sur la cohésion nationale. Le président a évoqué l’idée d’une organisation de l’ »Islam de France ». L’opération a déjà commencé dans les territoires avec une circulaire adressée aux préfets par le ministre Castaner. L’expérience montre que le risque existe que certains membres partagent de près ou de loin des idéologies incompatibles avec la République.

Or, la défense de l’intérêt général commande non pas le placement sous tutelle d’une partie des descendants de l’immigration, mais au contraire leur émancipation pour qu’ils puissent vivre leur religion dans sa seule dimension de foi, donc dépouillée de ses dimensions politiques. Par ailleurs, en reconnaissant récemment les diasporas africaines, le président donne corps à l’existence de plusieurs peuples sur un même territoire : les diasporas sont des peuples qui gardent un sentiment de leur unité malgré l’éclatement géographique (Dominique Schnapper). Il accélère, là aussi sans le vouloir, la partition de la France. Qui saura lui faire entendre raison ? Il y a urgence.


*« Décomposition française. Comment en est-on arrivé là ? » (Fayard) a reçu le prix Honneur et Patrie de la Société des membres de la Légion d’honneur.

7 commentaires sur Malika Sorel : « Brandir un drapeau est un acte éminemment politique »

  1. Malika sur le divan

    Né d’une probable chimie divine, un vrai chagrin d’amour tourmente une femme prénommée Malika qui n’ignore pas l’existence du mot raison.
    Elle évoque l’enracinement sentimental. C’est dire que le terrain est propice pour vivre une passion amoureuse pour « France ».
    Malheureusement pour elle, cet amour qu’elle a le courage de déclarer, n’est pas forcément partagé. Il est souvent moqué et même combattu car il est mal vu d’aimer, surtout passionnément et parce que la passion est susceptible d’altérer le discernement et par voie de conséquence un jugement objectif sur une situation donnée.
    Il y a des amours exclusifs c’est ainsi comme il existe aussi des passions françaises qui dérangent et que l’on tente à étouffer par des lâchetés et des capitulations successives transmises aux générations futures par nos autorités baignées par la culture permanente du mea culpa.
    Alors, l’irrespect, la défiance permanente, les trahisons s’engouffrent dans nos moindres brèches au détriment de tout un ensemble.
    Malika souhaiterait pourtant bien faire partager ses tendresses « intercontinentales », mais à quoi bon puisque ses déclarations d’amour ne sont pas entendues et que ses sentiments sont mal compris et considérés comme incongrus.
    Pis, elle a la conviction d’être bâillonnée, emmurée vivante et que tout appel de sa part pour crier son désespoir se perd dans le vide.
    Sa dépendance affective d’une certaine manière est considérée comme maladive, incompréhensible. Il lui serait demandé en définitive de sortir d’un état fusionnel et de faire la preuve d’une intégration réussie à la française (bien qu’étant née en France et de parents algériens) après une cure accélérée d’assimilations des moeurs de notre temps. C’est l’avènement d’une nouvelle société perdue dans ses repères qui ne distingue plus ce qui est à l’endroit ou à l’envers.
    Incomprise, sa déception est alors grande au point qu’un profond chagrin l’envahit. Son coeur se brise. Elle reconnaît finalement la mort dans l’âme que l’amour de ne décrète pas et qu’il ne s’achète pas. Terrible constat !
    Elle ne reconnaît plus son pays, la France. Elle est larguée en quelque sorte.
    Son chagrin est infini, on peut la comprendre.
    Il y a comme ça des amours impossibles. La passion dévorante d’une femme ne fait pas forcément bon ménage avec la superficialité des sentiments d’une armée d’opportunistes qui abusent et qui profitent des situations qui se présentent à eux.
    Et c’est encore l’instinct primaire qui triomphe. Vaincre puis prendre la place de l’autre c’est un réflexe vieux comme le monde. Un comportement de dominant qui forcément met à rude épreuve les coeurs tendres.
    Alors voir hisser ou planter triomphalement un drapeau national (algérien) sur une terre « étrangère » « confisquée » (France) au moment d’une rencontre sportive par exemple au cours de laquelle l’hymne national est conspué, c’est comme exhiber un trophée après un viol collectif, un scalp arraché à ses ennemis, ou planter une flèche mortelle dans un cœur.
    On assiste donc régulièrement à des défis permanents qui consistent à tester notre résilience, à prendre une revanche sur l’histoire hélas parfois, à traduire une pensée en un acte éminemment politique que l’on ne peut jamais exclure.
    La conquête lunaire aussi a été un acte éminemment politique. Le drapeau étoilé américain a été planté immédiatement sur le sol lunaire et en réplique en quelque sorte au premier vol d’un homme dans l’espace, Gagarine un soviétique.
    L’occident qualifié de freudien par Malika Sorel, mériterait une bonne psychanalyse. Mais dans ce cas le Maghreb devrait également passer sur le divan.
    Rf 25.07.2019

  2. Au pays où la jurisprudence socialo vert rouge- « il est interdit d’interdire »- s’est politiquement installée de façon trans partisane et entretenue dès les bancs de l’école Républicaine , ne cherchons pas ailleurs les causes profondes de nos turpitudes en matière d’immigration,d’intégration, d’assimilation ou de bien d’autres maux encore. Les « venus d’ailleurs » espèrent et de facto profitent de ces conditions de vie qu’ils n’espèrent plus chez eux. Cette symphonie du nouveau monde actuel restera inachevée tant que « l’ancien monde » jouera de silences coupables dans la mélodie en sous-sol « des chienlits » que nous propose le nouveau monde au son des trompettes de Jéricho !!!.

  3. On a castré le blanc en l’assimilant à un méchant nazi.

  4. C’est ahurissant de voir nos pouvoirs publics se faire minuscules devant ces hordes barbares qui brandissent le drapeau algérien et foutent le bordel au soir de matches de « leur équipe »
    Nos dirigeants prévoient « important n renforcement des forces de l’ordre par crainte de …débordements »!!!
    Moi, je dirais : «  tolérance O » vu ce qui s’est passé les jours précédents. Ils ne savent pas se tenir, pillent et jouent la provocation ? Et bien, le premier qui brandit un drapeau algérien en criant mon pays, au gnouf ! Et reconduite à la frontière sans plus de procédé, s’il est doté de la double nationalité, ce qui est souvent le cas. (D’eilleurs : c’est incompréhensible).

  5. De toute manière cette jeunesse issue de l’immigration subit un lavage de cerveau permanant les conduisant à ne pas se sentir Français. De fait, ils se cherchent des racines ailleurs afin de sortir du lot et avoir l’impression d’appartenir à une communauté. Seul problème, c’est que de l’autre côté de la méditérannée, ils ne sont pas reconnus, leurs mode de vie allant à l’encontre de la culture du pays.

  6. Jean-Dominique Gladieu // 19 juillet 2019 à 14 h 36 min //

    1)
     » … Brandir le drapeau sous le nez de l’ancien pays colonial, c’est l’expression d’une revanche sur l’Histoire … »
    N’est-ce pas surtout l’expression, plus de 60 après l’Indépendance de l’Algérie, d’un échec de la politique d’intégration des français « issus de l’immigration » ?

    2)
     » … Une revanche qui s’est trouvée légitimée par le candidat Macron lorsqu’il a accusé la France de crime contre l’humanité … »
    Même si le chérubin de chez Rothschild se livre à une récupération éhontée des crimes coloniaux pour promouvoir son ultralibéralisme, il n’en reste pas moins vrai que le colonialisme (français ou autre) demeure effectivement un crime contre l’humanité (si tant est que l’humanité mérite que l’on s’apitoie sur elle).

    3)
     » … L’intégration s’est dégradée dans le temps avec le refus croissant de respecter les principes républicains, à commencer par la laïcité et la liberté qui permet à chacun de choisir sa propre vie. Ce sont les femmes qui en subissent de plein fouet les conséquences … »
    Tout le monde en subit de plein fouet les conséquences, hommes et femmes. Et celles-ci participent également à ce phénomène de ré-enracinement dans les mœurs d’origine au détriment de l’intégration au pays d’accueil.

    4)
     » … Nombre de parents éduquent leurs enfants dans un respect quasi religieux de leur pays d’origine…  »
    Si les parents éduquent leurs enfants de la sorte, cela n’est-il pas révélateur qu’en fait ils ne sont pas attachés à la France et qu’ils ne s’y trouvent que parce que chez eux, c’est encore pire. Et comme ils ont du mal à l’admettre, ils rejettent sur la France, l’ancien pays colonisateur, la responsabilité des difficultés que connait leur pays d’origine. Et on imagine alors facilement l’état d’esprit des enfants, élevés dans ces conditions.

    Mais tout ceci n’est-il pas la conséquence de la politique d’immigration menée depuis la décolonisation? Celle-ci aurait dû entrainer la définition de nouveaux rapports entre les anciennes colonies et la métropole, rapports fondées sur la reconnaissance mutuelle et la coopération. Au lieu de cela, on a assisté (et les « élites » des ex-colonies ayant accédé à la « souveraineté » sont aussi responsables que les dirigeants des anciennes puissances coloniales) à un véritable néo-colonialisme. L’exemple de l’Algérie montre bien, à cet égard, la faillite du front de « liquidation » nationale (FLN).
    Du coup, ces pays ne pouvant répondre aux besoins de leurs ressortissants, ceux-ci affluent vers les anciennes métropoles.
    Comme quoi les choses sont loin d’être simples avec les méchants occidentaux d’un côté et les gentils tiers-mondistes de l’autre … comme il n’y avait pas non plus au « temps béni des colonies » les gentils métropolitains d’un côté et les méchants sauvages indigènes de l’autre.

  7. Alors le RN de Mme LEPEN aurait raison ?

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