« De Gaulle n’est pas un bibelot de musée ! »


À l’heure de la recomposition de la droite française, l’élu niçois Gaël Nofri appelle à un retour au gaullisme des origines.

Gaël Nofri est historien et conseiller municipal de la Ville de Nice. Il vient de publier Une histoire des révolutions en France (éd. du Cerf, juin 2018).

Figarovox

Depuis la France Audacieuse de Christian Estrosi jusqu’à Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, en passant par les amis du trésorier des Républicains, Daniel Fasquelle, à la tête des gaullistes sociaux, sans oublier les soutiens de Julien Aubert, candidat à la présidence des Républicains ou la puissante amicale gaulliste du Sénat, longtemps présidée par Gérard Larcher, nombreux sont ceux qui revendiquent aujourd’hui d’une filiation gaulliste, laquelle semble pourtant prendre bien des traductions politiques différentes. Au-delà de ces divergences, il convient de constater que l’héritage du Général de Gaulle demeure dans notre XXIe siècle « une source d’ardeur nouvelle ».

Il y a 50 ans Charles de Gaulle quittait le pouvoir. L’homme du 18 juin abandonnait l’actualité pour entrer dans l’Histoire mais sa pensée, elle, demeurait toujours présente. Pendant le demi-siècle écoulé, bien porté ou mal servi, avec plus ou moins de bonheur ou de succès, l’héritage de valeurs et d’actions entreprises au service de la France par celui-ci a toujours animé la vie politique française à travers la survivance d’une vaste et puissante formation gaulliste, parti se revendiquant du fondateur de la Ve République.

Le gaullisme n’est pas un objet du passé.

Progressivement, certains, parmi lesquels nombre de ceux qui ne se reconnaissaient pas dans ce courant de pensée ou qui avaient combattu le Général de Gaulle, ont pris l’habitude de faire référence à celui-ci de façon aussi anodine que régulière. Du côté même des défenseurs du gaullisme, ces prétendus hommages courtois à l’homme du 18 juin ont été accueillis avec autant de naïveté que de soulagement : ne percevant pas le phénomène de dénaturation qui s’enclenchait alors, le cartel d’élus encore massé sous la Croix de Lorraine y a vu l’occasion de ne plus être seul à porter un discours qu’il jugeait soit trop loin dans le passé pour vivre de lui-même, soit trop lourd à faire vivre dans un présent exigeant. Or, ces références constantes qui se fondaient non plus sur l’espérance en une grande politique nationale audacieuse et capable de rassembler le pays, mais sur un consensus mou et de bon aloi, ont dénaturé le combat qui, faute de combattant, n’en devint plus un. Parce que tous se revendiquaient du gaullisme, parce que tout et rien y ramenait, l’idée s’est galvaudée, s’est banalisée, aseptisée aussi. Ainsi disparu, dans l’indifférence générale, le parti gaulliste. Tous ont alors prétendu faire de la pensée de De Gaulle une donnée historique, une chose datée, pareille à un bibelot de musée.

Pourtant, le gaullisme n’est pas un objet du passé. S’il a disparu comme force politique structurée, il ne l’est pas comme référentiel de valeur, comme idéal, comme projet novateur pour la France. Ce n’est pas seulement là une conviction affirmée, mais un constat politique quant à l’extraordinaire pertinence des valeurs portées face aux défis que rencontre notre société en crise: le monde change plus rapidement qu’il ne l’a jamais fait jusqu’alors et cette accélération généralisée condamne sans retour le passéisme nostalgique en même tant qu’elle disqualifie l’illusion moderniste, nous invitant à nous tourner résolument vers cette école du volontarisme qu’est le gaullisme.

C’est la voie de l’indépendance nationale et d’une France qui retrouverait sa place dans le concert des nations. Refusant la tentation d’un monde globalisé, soumis au pouvoir du plus fort, aux diktats des marchés, à une Europe qui ne parle plus aux peuples, autant que le réflexe de plus en plus présent du repli sur soi, de la haine de l’autre et du renoncement à la place et au rôle de la France dans le monde, la voie gaullienne a quelque chose à nous apprendre de nous-mêmes. Car la France a vocation à redevenir « une patrie par excellence, une patrie plus patrie que les autres », comme le disait Bernanos, et qu’ »il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde ». C’est aussi la voie d’une Europe des Peuples, des Nations et des projets, qui pense la coopération comme un moyen d’émancipation, de progrès et d’affranchissement, non comme la constitution d’un vaste marché économique d’individus consommateurs offerts aux lobbys… Cette Europe gaulliste, si chère à Philippe Seguin qui rappelait avec verve « nous voulons l’Europe, mais debout, parce que c’est debout qu’on écrit l’Histoire ».

Il est temps de sortir des individualismes et de l’immobilisme pour retrouver le goût d’un projet partagé.

C’est aussi la voie d’un État fort, garant de la solidarité entre les Français et d’une dynamique collective pour le pays. Parce que cette solidarité est un vecteur essentiel d’unité du Peuple, de justice et d’émancipation, parce qu’elle donne du sens à notre projet national nous ne pouvons accepter un système qui laisserait sur la route les plus faibles, les plus âgés, une société qui n’assurerait pas l’intéressement de tous aux développements économiques, technologiques et industriels, un pouvoir qui renoncerait aussi à aménager ses territoires. Cela exige un État fort, rénovateur et régalien s’opposant en tous points à un système social déséquilibré, à un immobilisme mortifère, à des prélèvements publics sans précédents, à un surendettement chronique, faisant peser sur les générations futures le poids des lâchetés présentes. L’œuvre sociale du général de Gaulle, autant que son œuvre de modernisation du pays est avant tout une œuvre de libération: lui qui, dès la Résistance entendait « empêcher les égoïsmes, les injustices, les incompréhensions qui constituent la cause profonde et lointaine du désastre », voulait au contraire « la libération de l’homme écrasé par les intérêts capitalistes et les dictatures financières qui ne s’effectuent qu’à condition de donner aux plus modestes les mêmes chances qu’à ceux qui sont avantagés ». Mais cette libération ne passait pas dans son esprit par des théories économiques fumeuses, une fiscalité confiscatoire ou un revenu universel : elle passait au contraire par une marche en avant commune dont tous seraient appelés à bénéficier à des degrés divers. Si l’on regarde l’action du Général de Gaulle au pouvoir, force est de constater qu’elle est le moment, en matière économique et d’aménagement, d’une volonté intense, d’un développement soutenu, d’une innovation encouragée, d’une amélioration des conditions de vie et de travail indiscutables… lesquels sont, dans son esprit, les prémices d’une société de participation associant les forces du capital, de décision et de production. Face à la crise de la fiscalité, face à un État dont les recettes ne supportent plus les dépenses, face à une solidarité nationale menacée par le poids des réalités… peut-être est-il temps de sortir des individualismes frileux, de l’immobilisme mortifère, afin de retrouver le goût d’un projet partagé.

Nombreux sont ceux qui affirment la pertinence et l’actualité de la pensée gaullienne.

Enfin, et là est peut-être l’essentiel, c’est la voie d’institutions efficaces et rassembleuses. Le gaullisme fut et demeure une école de la concorde nationale. Basé sur la primauté du politique, le respect de l’autorité de l’État et la quête du bien public, il est le rassemblement de tous les Français, au-dessus des contingences partisanes, et quelles que puissent être les blessures du passé, autour de l’intérêt de la France. Contre la politique des partis, des querelles idéologiques, des clivages artificiels et des clientèles entretenues, le gaullisme est une disposition d’esprit qui a su préserver la France à l’occasion de deux des plus grandes crises de son Histoire. L’œuvre de la Ve République, la fonction présidentielle telle que pensée dès 1958 et parachevée en 1962, témoignent de cette ambition d’unité du pays. Unité dans l’action et le rassemblement, non dans le consensus mou et l’effacement car elle est au contraire, l’expression d’un engouement collectif. C’est cet engouement qui manque aujourd’hui à notre système politique à bout de souffle, à notre société dévorée par l’individualisme, à notre démocratie confisquée par les partis : la crise de légitimité du politique et la remise en cause sans précédent de l’État ne passeront que par des institutions revivifiées.

Ainsi, quelles que puissent être les divergences actuelles, les choix politiques, partisans ou stratégiques que chacun fait, au-delà des désaccords parfois forts sur tel ou tel enjeu, des chemins différents que chacun peut emprunter, assume et n’entend pas renier, nombreux sont ceux qui se retrouvent afin d’affirmer la pertinence et l’actualité de la pensée gaullienne.

Avant le scrutin qui devait emporter son départ, Charles de Gaulle déclarait dans une allocution au pays que quel que puisse être le résultat du vote, ceux qui le soutenaient détenaient  » l’avenir de la Patrie ». Plus qu’une simple formule rhétorique, cette phrase témoigne, pour celui qui à près de quatre-vingts ans publiera ses Mémoires d’espoir, d’une conviction profonde :  » puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera, tôt ou tard, source d’ardeur nouvelle ». Une ardeur et un espoir qui ne sont pas le fruit d’un ego surdimensionné ou d’une confiance en soi excessive, mais l’intime conviction que les principes essentiels du gaullisme sont les principes éternels de toute politique vraiment française, c’est-à-dire de toute politique répondant à l’intérêt national.

 » Les choses étant ce qu’elles sont, la France étant la France « , au-delà des effets de mode et de l’instant, parce que nous savons avec Péguy que « Homer est nouveau ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui », face à eux qui voudraient voir dans De Gaulle une référence datée, les gaullistes prétendent au contraire y voir une référence pérenne…


La politique sociale de Charles de Gaulle

Une véritable révolution du monde économique et social.

« Puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera, tôt ou tard, source d’ardeur nouvelle » De Gaulle

Sur ce sujet, je peux voir avec vous pour l’organisation d’une conférence… Ecrivez moi sur l’adresse suivante : alain.kerherve@gmail.com

6 commentaires sur « De Gaulle n’est pas un bibelot de musée ! »

  1. Max Lavache // 23 juillet 2019 à 12 h 57 min //

    Déjà les droiteux vous avez tout faux sur le général De Gaulle. De Gaulle était bien plus proche des communistes que des capitalistes, ça c’est clair et net.

    Je comprends pas qu’on puisse se dire Gaulliste et oser voter Sarkozy ou je ne sait quoi.

    Le dernier ministre en qui j’ai cru reconnaître une pointe de Gaullisme c’était Arnaud Montebourg, la vigueur militaire en moins… Mais son « Gaullisme de gauche » avec ses 34 plans de la Nouvelle France Industrielle qui nous a donné un répit économique et mis fin à l’austérité de la droite antigaulliste et son refus farouche de vendre Alstom (au point de démissionner du gouvernement) sont des preuves pour moi. Il y a les paroles et il y a les actes.

    « Attention ! Réveillez-vous ou je sors mes gaullistes de gauche » disait le général de Gaulle.

    Ce sale traitre de Sarkozy lui a juste trahi De Gaulle et la France de la pire des façons en réintégrant la France dans l’OTAN. Honte aux Sarko-lepénistes!

  2. charles batlymos // 14 juillet 2019 à 19 h 55 min //

    Très bon article vivifiant de clarté en résumant les grands axes de la pensée gaullienne . Nous pouvons observer que la crise persistante et qui s’aggrave a commencé à poindre avec l’infléchissement libérale et européiste de Giscard.
    Mitterrand n’a fait qu’aggraver cette tendance , quand il fait prendre à la France le tournant néo-libéral de 1983 , et qu’il a pris la defence acharnée
    du traité de MAASTRICHT contre la campagne historique et combien gaullienne de Philippe Séguin ; approuvé avec justesse par un premier référendum à l’époque . Jacques Chirac malgré quelques velléités de resistance n’ a pas inverse la tendance générale de l’économie et du positionnement pro européen de la France ; il a eu la sagesse de ne pas trop précipiter le mouvement vers l’ultra-libéralisme de la commission de Bruxelles .
    Quant à SARKOZY malgré des promesses tonitruantes de vouloir changer la bureaucratie européenne n’a fait que accentuer la dérive ultra libérale et
    atlantiste de la France .
    Quant à hollande qui a déclaré pendant sa campagne ; je n’ai qu’un seul adversaire c’est la finance internationale
    a abandonné toute politique de gauche et a orienté toute sa politique dans un sens de dérégulation sociale ….
    Quant à Macron , il s’est vite révélé un banquier président fanatique de l’ultra- libéralisme dans tout les domaines … Quitte à approuver l’accord de libre échange
    insensé avec les pays du mercansur…
    EN SURVOLANT ce petit rappel historique il semble licite de dire que la France s’est converti corps et âme à la pensée néo-libérale incarnée par l’Europe du libre échange
    sans entrave et la mondialisation ultra libérale …
    C’est à croire que nos illustres présidents et dirigeants
    n’ont pas eu d’autre choix !!!
    Et pourtant d’autres nations et pas des moindre ont pu garder une politique d’intérêt national au sein de la mondialisation ::: je cite la Russie en premier ; et surtout la Chine qui non seulement est entré de plein pied dans la mondialisation ; mais en train de dépasser les états unis sur le plan commercial et technologique et ce en appliquant une politique économique (mixte ) étatique et capitaliste !!! N’en déplaise aux zélateurs du libre échange inconditionnel !!! et même Trump avec son slogan « America first » nous rappelle que c’est bien les idées tant honni du Général qui a toujours été pour une économie mixte ou le capitalisme se développait au sein d’une économie mixte qui marchait harmonieusement sur deux jambes en respectant la solidarité nationale et la justice républicaine .. D’où je conclus ::: le gaullisme est de retour même après un détour par la Russie , la chine et
    Trump !!!

  3. CHARLES BATLYMOS // 13 juillet 2019 à 12 h 59 min //

    un article vivifiant tant il détaille la spécificité du gaullisme en tant que doctrine et action politique ,qui a été d’une efficacité salutaire pour la France au cours des périodes les plus sombres et les plus difficiles pour la survie même de la nation . Bien sur le général est reconnu à sa juste valeur par la majorité des français , et beaucoup même s’en réclament dans diverses circonstances des aléas de notre vie politique actuelle ;
    Mais au delà de l’attachement à la geste politique du Général De Gaulle ,
    cet article rappelle non seulement l’actualité et meme la perenité des principes essentiels de la politique gaulliste tel qu’elle fut déployée au service de la france … c’est pourquoi avant de developper d’avantage mon propos je voudrais demander à monsieur Gaël Nofri de bien vouloir m’autoriser à lui écrire via internet ; de mes réflexions déjà bien nourris
    sur la pérennité de la pensée politique gaullienne au service de l’intérêt national dans cette période de crise que traverse notre pays !!! merci d’avance de son bon accueil à ma requête .

  4. Vous avez raison, ce sont les fossoyeurs du Gaullisme !

  5. Tout ce qui concerne De Gaulle m’interesse.
    Bien sûr que ses pensées sont actuelles!
    Mais n’est-il la victime de ses pseudos héritiers Chirac, Juppé, Sarkozy qui signe le traité de Nice pour le premier, c accepte la BCE à Francfort, réintègre l’OTAN?
    Pourquoi personne ne dénonce leur imposture?
    Le résultat est que 11 commissaires européens sur 22 sont allemands ! De qui se moque t-on?

  6. a NON,,,Estrosi gaulliste ,,,surement PAS ,,,il mange a tout les Râteliers, ,,un traite de notre droite,,

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