SNCF : Les grandes lignes du rapport Spinetta

La fin des services publics ?

Jean-Cyril Spinetta, ancien PDG d’Air France, était appelé à rédiger un rapport qui dessinerait les nouveaux contours de la SNCF. Ouverture à la concurrence, changement du statut des cheminots et abandon de certaines lignes sont les mesures principales qui ressortent de ses 43 propositions.

La SNCF perd le monopole

Le rapport envoyé par Spinetta le 15 février 2018 amène en premier lieu un changement structurel de l’entreprise ferroviaire publique. L’objectif est de rendre possible l’ouverture à la concurrence. Pour ce faire, deux composantes de la maison mère seront transformées en sociétés anonymes à capitaux publics : SNCF Réseau (qui s’occupe des rails) et SNCF Mobilités (qui exploite les train).

Les concurrents pourraient faire rouler leurs trains dès 2021. Sur les lignes régionales (TER), l’investisseur qui fera l’offre la plus intéressante deviendra seul exploitant de la ligne. Sur les transports ferroviaires longue distance en revanche (TGV et Intercités), plusieurs opérateurs devraient se partager la desserte des stations. Les employés travaillant sur ces lignes pourront alors accepter ou non d’être affectés chez le nouvel exploitant.

Une gestion plus stricte des dépenses

Finie l’expansion des lignes régionales et des LGV, les nouvelles mesures risquent au contraire de favoriser l’abandon de certains trajets. Le rapport appelle en effet à concentrer les efforts sur les lignes déjà présentes entre les grandes métropoles. Il demande un examen de la rentabilité des petites lignes qui mobilisent 16% du budget ferroviaire mais n’accueillent que 2% des voyageurs.

La balance financière de l’entreprise devrait également être surveillée puisque Jean-Cyril Spinetta indique que l’Etat devrait racheter une grande part de la dette du réseau ferroviaire, qui s’élevait à 45 milliards d’euros en 2016.

La fin du statut de cheminot

Dernier grand axe des réformes prévues : la suppression des avantages liés à la profession. Actuellement, près de 90% des salariés SNCF a un emploi garanti à vie. Les nouveaux employés SNCF ne devrait plus bénéficier de cette assurance, ni même d’un accès plus rapide à la retraite ou du régime spécial à la Sécurité sociale. Les employés actuels seront donc les derniers à profiter du statut de cheminot.

Des plans de départs volontaires seraient également envisagés pour réduire les frais de l’entreprise. En réponse au rapport de Jean-Cyril Spinetta, la CGT-Cheminots compte bien défendre ses droits. Elle a fixé la date d’une grande mobilisation au 22 mars, soit le même jour que celle des fonctionnaires. Les syndicats ferroviaires espèrent gonfler les effectifs d’au moins 13 000 personnes et donner plus d’ampleur aux deux rassemblements.

AXEL PERRU


Les préconisations du rapport Spinetta représentent-elle la « mordernité » tant avancée par nos gouvernants ? Ce qui semble être partagé par une majorité des Français, c’est un sentiment de jalousie. Pour elle, la mesure qui commande le reste est bien l’avenir du statut des cheminots. C’est ce qui ressort des discussions au coin de la table ou lors des déjeuners familiaux du dimanche. Personne n’envisage une autre issue que d’aligner les cheminots sur les lieux communs : retraites, garantie de l’emploi, conditions de travail… Est-ce une politique volontaire d’aller vers le meilleur ? Non. Mettre tous au même niveau semble bien plus simple et facile que de mener une politique favorable à tous. La privatisation totale ou partielle de la SNCF aujourd’hui et de la RATP demain est une erreur politique majeure. Il suffit pour s’en convaincre de prendre l’exemple de l’Angleterre. L’Europe nous l’impose, la France l’accepte, demain nous le regretterons.

Alain Kerhervé

7 commentaires sur SNCF : Les grandes lignes du rapport Spinetta

  1. Francis HOUBEN // 1 mars 2018 à 0 h 02 min //

    Le point de vue de JC Spinetta selon lequel le réseau TGV est « abouti » est inacceptable. Non seulement certaines grandes métropoles seront définitivement mises à l’écart de la grande vitesse mais en plus on fait l’impasse sur la dimension européenne de la grande vitesse ferroviaire.
    On ne peut pas faire la guerre au Diesel et plus largement aux moteurs thermiques, tout en mettant un stop sur le TGV. Quant aux voitures électriques qui, malgré les progrès escomptés, resteront confrontées à un problème d’autonomie par rapport aux véhicules Diesel qu’elles sont censées remplacer, elles pourraient être utilisées sur des trajets courts, en complément du TGV. Mais Emmanuel Macron a visiblement oublié son « Make the planet great again ».
    Il est enfin très curieux que le projet « TGV du futur », qui devait générer des économies de 25% et donc contribuer à résoudre le problème, ait disparu sans aucune explication. En arrêtant ce projet et en arrêtant l’extension du réseau LGV, la France abandonne tout son savoir-faire en la matière (s’arrêter c’est reculer), alors que le rouleau compresseur Chinois, fort de son expérience sur 30 000 Km de LGV, est en marche dans sa conquête vers un monopole mondial. Encore une guerre économique perdue pour la France.

  2. Michel Chailloleau // 28 février 2018 à 12 h 12 min //

    Pour faire simple, il faut mieux dire que c’est la casse de la France qui, une fois de plus, va se poursuivre. Par contre il faudrait que le gouvernement explique comment il va réduire la chômage en supprimant des centaines de milliers de postes dans la fonction publique???????

  3. Flamant rose // 20 février 2018 à 12 h 29 min //

    Il est exact que la balance financière de l’entreprise doit être surveillée et que Jean-Cyril Spinetta indique que l’État devrait racheter une grande part de la dette du réseau ferroviaire. Mais, à cela, il faut ajouter que Emmanuel Macron a conditionné la reprise de cette dette aux efforts fournis par les cheminots. Je sais bien que sur sur un blog on ne peut pas vraiment approfondir un sujet mais l’auteur de l’article, comme de nombreux journalistes d’ailleurs, fait l’impasse sur 2 autres autres éléments.

    1) Ce que les syndicats ne disent pas, c’est qu’ils se battent aussi pour conserver tout ce dont ils bénéficient. Ce n’est pas le rapport Spinetta, mais les ordonnances prises par le gouvernement qui s’apprêtent à supprimer les comités d’entreprises, les délégués du personnel et les comités d’hygiène et de sécurité pour les fusionner en une seule entité qui sera un comité social économique et qui fera perdre 1,5 millions d’heures de délégation aux partenaires sociaux de la SNCF ce qui permettra à l’entreprise, à la fois de récupérer des équivalents temps plein et éviter des dépenses. Ces nouvelles modalités devraient s’appliquer lors des prochaines élections professionnelles en novembre de cette année. On comprend mieux pourquoi il y aura probablement unité des principaux syndicats.

    2) Ensuite ce billet ne mentionne pas le rapport de Philippe Duron. Il s’agit d’un député PS qui, il y a 2 ans a présidé la commission parlementaire chargée de hiérarchiser les projets d’infrastructures dans le domaine du transport. Lui aussi vient de remettre un rapport au gouvernement sur l’avenir des trains intercités. Son rapport est basé sur 3 axes principaux à savoir la maîtrise budgétaire, la mobilité du quotidien et la transition énergétique. Il présente plusieurs scénarios impossibles à développer ici. Je vous renvoie à la lecture de ce rapport.

  4. C’est la triple peine qui est en marche pour tous les voyageurs contribuables français avec le rachat de la dette de la SNCF/RFF, le coût des départs volontaires ,du remplacement du régime spécial des sécurité sociale et retraite des cheminots et l’augmentation inexorable des tarifs toutes lignes. L’addition sera donc très lourde pour le consommateur contribuable français pour une offre mobilité ferroviaire dont les progrès en qualité resteront à démontrer.
    Si donc nos voisins d’outre manche ont eu des déboires de sécurité au passage à la mise en concurrence ,n’oublions pas qu’en France les accidents de Brétigny sur Orge , d’Alsace et sur de nombreux passages à niveau se sont produits hors ouverture à la concurrence.
    Quant au bilan écologique par la substitution organisée des lignes non rentables par des moyens routiers, personne ne s’empresse d’étudier l’impact sur l’environnement et les infrastructures routières. Bref comme vous dites cher Alain Kerhervé « le risque politique est majeur » et au train où les actuels gouvernants entendent mener ces réformes, il est à craindre que la casse sociale et territoriale prenne de l’ampleur !

  5. Arnaud Ducourthial // 20 février 2018 à 0 h 07 min //

    La SNCF n’est pas rentable ? Certes, mais est ce qu’un service public se doit d’être rentable? Je me le demande. Le train était autrefois un moyen de transport bon marché, que l’on pouvait prendre en famille, j’ai 3 enfants eh bien impossible de prendre le train sans me ruiner ! Il est là le problème, la cible n’est plus la même. Par contre nous sommes riche d’un réseau extraordinairement développé sur tout le territoire, bien que beaucoup de lignes ont déjà été abandonnées, or cette infrastructure si elle a un cout d’entretien a aussi eu un cout de construction qu’il aurait fallu valoriser en temps et en heure afin de le faire perdurer. Cela n’a jamais été le cas, la SNCF c’est comportée comme un concurrent d’Air Inter à vouloir doubler l’avion en vol intérieur, à grand cout d’investissement oubliant par la même occasion de poursuivre l’entretien et le maintient du réseau secondaire et de son matériel roulant au profit du tout TGV. Pendant ce temps la la CGT et Sud Rail achevait tranquillement le torpillage du Fret SNCF alors que certains de nos voisins le développaient intelligemment. Bref, si la SNCF avait été correctement gérer, et dirigée, sans laxisme, ni politique fastueuse au détriment de son vrai fond de commerce, nous n’en serions pas là. Il est sans doute encore possible de changer ça pour revenir aux fondamentaux mais il semble que ce ne soit pas la voie choisie… Dommage!

  6. Il ne s’agit ni plus ni moins que de liquider un service public de plus, organiser la casse sociale par un nivellement par le bas, la fin de toute politique d’aménagement du territoire par le maintien de lignes déficitaires, l’organisation d’une concurrence uniquement sur les secteurs rentables de la SNCF pour la priver d’éventuels bénéfices. Depuis la première « réforme » sous le gouvernement Jospin-Gayssot de 1997-2002 qui a crée 3 structures bureaucratiques à l’usage douteux mais pour obéir à Bruxelles, déjà, rien n’a été fait pour arranger la situation. La dette considérable n’a pas été revue et je doute fort que le statut des cheminots y soit pour grand chose.
    En conséquence il m’apparait que tout gaulliste conséquent se doit de rejeter de telles « réformes » alibi d’une liquidation qui n’ose pas dire son nom.

  7. Jean-Dominique Gladieu // 19 février 2018 à 17 h 24 min //

    Comme souvent, la droitisation est le fait des sociaux-démocrates !

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