Nouvelle loi antiterroriste

Par Etienne Tarride

La Loi antiterroriste de 2017, il y en a tellement qu’il faut maintenant les dater, se présente plutôt mal, tant sur le plan de la sécurité que sur le plan des libertés publiques. Chacun sait qu’elle provoque un débat intense au sein du groupe « Les Républicains » et pourtant il faut impérativement voter pour.

À cela une raison péremptoire. Si l’Assemblée Nationale se prononçait contre cette loi, il faudrait, en moins d’un mois, en préparer et en voter une autre, mois bâclé après une navette avec le Sénat. Le risque serait donc important que cette Loi nouvelle ne puisse être votée avant le 1 Novembre, et donc l’expiration de l’État d’urgence. C’est un risque à ne prendre sous aucun prétexte et qui ne nous serait jamais pardonné.

A cela une raison secondaire et désagréable à énoncer. Cette loi antiterroriste ne servira rigoureusement à rien, pas plus que les précédentes et les suivantes, puisque la bataille contre le terrorisme ne relève absolument pas du domaine de la Loi. Chacun sait ou devrait savoir qu’il n’y a aucune manière de se protéger contre des gens qui ont accepté de mourir pour leur cause en tuant le plus de personnes possibles avec eux.

Prenons un exemple simple. Il est fait grand cas des palpations autorisées de toute personne qui veut se rendre dans une manifestation publique, exposition, meeting ou rencontre sportives. Que pensez-vous qu’il arrivera si un policier, public ou privé constate la présence d’une ceinture d’explosif sur un individu qui sait qu’il va mourir ?

L’individu se fera sauter tout de suite te les gens de la file d’attente comme le policier palpeur mourront dans l’instant. À moins que le policier public ou privé fasse semblant de n’avoir rien vu.

Comment pourrait-on le lui reprocher ? Il n’a pas fait, lui, vœu de mourir pour une cause et sait qu’il n’a aucune chance de survivre à la mise en action du gilet.

Prenons un autre exemple simple. Dès lors que les possibilités de perquisition seront connues aucun terroriste ne laissera chez lui ou sur son lieu de travail ou encore dans des lieux qu’il fréquente habituellement des preuves de sa participation à un attentat.

Nous aurons donc réussi à limiter la liberté des gens qui n’ont aucune participation au terrorisme. Nous aurons peut-être réussi à limiter le nombre d’actes de grand banditisme classique ce qui n’est pas l’objectif poursuivi.

Enfin, nous serons confrontés à des fouilles à corps qui concerneront beaucoup plus de personnes à la peau sombre que de personnes à la peau claire, ce qui est une atteinte à la République et l’espoir de nos ennemis.

Tout en votant cette loi, nos parlementaires devront indiquer à la Tribune qu’ils obéissent à une contrainte de calendrier mais qu’ils ont tout à fait l’intention de préparer un autre texte qui  aura pour objet la rétention est l’expulsion des étrangers et la rétention des nationaux qui commettent des délits et même des incivilités répétées mais après que le Juge en  des nationaux ait décidé ainsi après un débat contradictoire et en fonction d’éléments concrets laissant présager un passage à l’acte.

Il faudra aussi une police de terrain qui ne soit pas visible mais soit immergée dans la population et qui détecte les actes préparatoires de crimes terroristes ainsi que les personnes susceptibles de les commettre. Des policiers doivent être formés à cet objectif

Il faudra enfin des enseignants dans le primaire et le secondaire qui soient formés à dire aux élèves pourquoi tuer est toujours la plus mauvaise des solutions.

Il ne s’agira pas d’empêcher tout, il s’agira de prévenir beaucoup. Mais il faut une réflexion et des débats prolongés avant de bâtir un tel texte.

La Loi antiterroriste est insuffisante sur le plan de la sécurité et dangereuse sur le plan des libertés. Il faut pourtant la voter et commencer dès maintenant à se préparer à mieux faire.

Etienne Tarride

8 commentaires sur Nouvelle loi antiterroriste

  1. Edmond Romano // 10 octobre 2017 à 18 h 06 min //

    La loi est la seule arme d’une démocratie. La loi votée par l’Assemblée Nationale ne sera pas à elle seule le moyen d’éradiquer le terrorisme c’est évident. Toutefois, elle intègre certaines dispositions contenues dans l’état d’urgence qui n’a lui-même pas empêché l’attentat de Nice, l’assassinat du Père Hamel ou encore celui de la gare saint-Charles. Face à une idéologie qui reconnaît à la mort des auteurs de lâches assassinats le statut de « martyrs », que faire? Nos sociétés qui sont des Etats de droit sont dépourvues. Aucun gouvernement n’aura jamais la solution idéale. La polémique est stérile quand il s’agit de vies humaines.

  2. la plume contre le sabre

    Si l’arme de la loi contre le terrorisme ne sert à rien alors à quoi bon une loi antiterroriste ?

    Si nous ne parvenons pas, grâce à une énième loi « renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure », à réduire à néant le nombre d’actes terroristes, dans ce cas quelle devrait être la nature de l’arme de substitution la plus efficace (ou des armes) pour éviter tous les actes terroristes sans exception et les actes préparatoires d’un crime avant sa commission ?

    Si la bataille contre le terrorisme ne se gagne pas par des dispositions légales, faut-il envoyer des drones tueurs dans les zones désertiques avant le retour des nouveaux « croisés » pour reprendre l’idée d’une ancienne Ministre de la Justice ?

    Pour l’heure, le projet de loi antiterroriste a été approuvé en 1ère lecture par 415 voix contre 127 et 19 abstentions. Il se substituera à l’état d’urgence qui prendra fin le 1.11.2017.
    Celui-ci n’a pas, tout comme l’opération sentinelle, empêché l’attaque meurtrière au couteau perpétrée contre deux jeunes filles à la gare St Charles de Marseille le 1 octobre dernier.
    A ce propos, les attaques à l’arme blanche se multiplient de manière très rapprochée du fait de prétendus déséquilibrés aux dires des diverses autorités des pays touchés par le phénomène.

    A décharge, au cours du mois de septembre dernier, le Ministre de l’Intérieur G.Collomb avait annoncé que pas moins de 12 attentats avaient été déjoués sur notre sol ; sans que l’on puisse déterminer la part de réussite qui revient à l’état d’urgence et ses méthodes opérationnelles ou à celui du renseignement qui permet, mais pas toujours, d’avoir un temps d’avance sur un attentat en préparation.

    Face une situation exceptionnelle, des dispositions exceptionnelles continueront à s’appliquer pour une durée illimitée selon un nouveau cadre légal construit à partir d’un nouveau cheminement de pensée pour faire face à des menaces désormais omniprésentes comme s’il fallait préparer les esprits à une longue guerre d’usure.

    On peut dénombrer actuellement des défaites et des victoires à notre actif sur le plan de la lutte contre le terrorisme. Mais, l’amertume est bien présente puisqu’il y a de nombreuses victimes à déplorer toujours en augmentation et de nouvelles dispositions législatives de lutte contre ce fléau de nature à restreindre nos libertés hors du contrôle d’un juge très souvent et qui vont s’engouffrer dans le droit commun.

    Même s’il a été rappelé à de nombreuses occasions, que nous vivons dans état de droit, cet état de droit est en même temps notre talon d’Achille car les barbares ne connaissent aucune frontière pour parvenir à leurs objectifs finaux quitte à mourir pour leurs causes en se servant d’une religion comme alibi. Toute surenchère se retourne en fin de compte non seulement contre ces barbares sachant que la relève serait assurée s’ils perdaient la vie mais surtout hélas contre tout un peuple qui fait preuve pour l’instant d’une certaine résilience et qui espère qu’étape par étape, le temps aura raison du mal.

    En attendant, ni la prison, ni les risques que ces barbares encourent ne les feront dévier en principe de leurs cibles quitte à employer des moyens radicaux.
    Ils éviteront de laisser des preuves avant les attaques s’ils en ont le temps, mais laisseront volontiers leur pièce d’identité avant de disparaître à jamais.

    Cette guerre n’est pas terminée hors de nos frontières et elle ne fait que commencer sur notre sol car il va falloir gérer les retours et les cellules dormantes quelque soit le régime répressif mis en place.

    Les causes qui justifient le fanatisme religieux aux yeux des fataniques doivent ensuite être expliquées dès le plus jeune âge et combattues dès aujourd’hui.

    René Floureux 5.1O.2017

  3. Cette nouvelle Loi instaure le principe de culpabilité pour justifier les mesures de droit commun qui désormais s’appliqueront et ce n’est pas la fuite en avant de Monsieur Tarride qui attend une nouvelle mouture améliorée qui rassurera sur le plan de la prévention du risque terroriste. Une fois encore les Parlementaires, lesquels majoritairement marchent de travers, donnent à penser que l’on va guérir ce cancer sociétal par une médecine de quartier sans passer par les cases prévention et chirurgie lourde, bref que faire et défaire suffira à démontrer que l’on s’attaque aux racines du mal. Nous ne sommes donc pas sortis de l’auberge des contradictions intellectuelles relevées à cette occasion chez celles et ceux à qui par le vote des électeurs (même si on n’a pas voté pour)ont reçu mandat démocratique pour prendre en charge les réflexions les mieux abouties pour régler nos graves maladies existentielles.

  4. Je comprends parfaitement que la démarche que je soutiens, voter pour la Loi alors qu’elle est mauvaise puisse passer pour étrange, voire même spécieuse.

    Je crois que le rejet de ce texte risque fort d’aboutir à ce que l’état d’urgence soit parvenu à péremption avant qu’un autre texte puisse être voté. Nous reviendrions donc à la situation ‘avant le Bataclan avec des textes inadaptés.

    Il n’y a pas aujourd’hui à l’Assemblée une majorité qui veuille proroger l’état d’urgence. je le regrette mais je le constate.
    Nous sommes par conséquent face à un vote forcé qui ne nous dispense en aucune manière de réfléchit à un dispositif meilleur.

    Etienne Tarride

    Je persiste donc à penser

  5. Je suis d’accord, ce n’est pas avec des lois qu’on a vaincu les nazis.

  6. Jean-Dominique GLADIEU // 3 octobre 2017 à 13 h 27 min //

    Il est toujours stupéfiant de constater qu’à chaque événement spectaculaire, on propose l’élaboration d’une loi sans même se préoccuper de savoir si la réglementation en vigueur permet ou non de régler le problème posé.
    Il arrive donc fréquemment qu’on vote des lois existant déjà et qui n’ont donc pas plus d’effet. Par exemple : la loi contre le voile intégrale. Il existait déjà des dispositions réglementaires interdisant, pour des raisons de sécurité publique (et non religieuses), d’avoir le visage entièrement masqué. Au lieu de les appliquer on a préféré voter une loi inutile et dangereuse car ressentie par les Musulmans comme visant spécifiquement l’Islam. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
    Dans le cas aujourd’hui évoqué par Etienne Tarride, j’avoue avoir du mal à suivre son raisonnement. Il reconnaît en effet que la loi antiterroriste, énième du genre, « ne servira rigoureusement à rien » mais affirme néanmoins qu’il « faut impérativement voter pour » !
    Pour de la dialectique, c’est de la dialectique ou je n’y pipe goutte !

  7. HENRI Paskal // 3 octobre 2017 à 10 h 47 min //

    Excellente analyse ! cette lutte doit surtout être basée sur un renseignement encore plus abouti !

  8. « Cette loi est dangereuse pour les libertés mais il faut la voter ». C’est une façon de voir plutôt spéciale, opportuniste et dangereuse. Quand on est dans l’opposition à Macron, du moins je le suppose l’on ne vote aucune de ces lois a fortiori quand elles sont dangereuses pour les libertés.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*