Défendre la Ve République
Nous subissons aujourd’hui une crise économique et politique grave… Certains y ajoutent une crise de nos institutions. La question est de savoir si l’on doit changer nos institutions, à quel niveau, comment ? Ce 30 octobre, j’ai eu l’occasion de participer à une émission radio animée par Dimitri Pavlenko sur Sud-Radio. En compagnie d’Etienne Chouard qui demande une réécriture totale de la constitution, j’ai défendu les fondements de la constitution de la Ve République. Une heure de débat en direct au cours duquel j’ai également évoqué des possibilités d’évolution.
D’entrée, j’ai situé le cadre de mon intervention : « C’est un petit jeu très français que nous connaissons depuis que la Vème République existe et qui consiste à mettre en cause le fonctionnement de nos institutions pour camoufler la réalité. Ce qui doit poser question, c’est bien plus le comportement de nos élites politiques. »
Résumé en quelques points essentiels
« Cette constitution forme un tout et c’est pourquoi toute modification, sous prétexte de toilettage, ne peut que préoccuper ceux qui souhaitent que la France soit gouvernée ». Milchel Debré, Premier ministre du Général de Gaulle – 1990
De la désignation à la candidature présidentielle, pour les législatives et la composition du gouvernement de la France, sans oublier la maitrise des carrières politiques de ses membres, les partis politiques ont repris le pouvoir exécutif que leur avait limité le général de Gaulle en 1958 et 1962 en le rendant au peuple souverain. C’est le vœu partagé par l’UMP et le PS, il est vrai victimes l’une et l’autre d’une énorme hémorragie de militants…*
…Et ceci en trois mouvements : le quinquennat, le refus de la démocratie directe, le va et vient gouvernement-parlement.
- Le Quinquennat
Institué par la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 (Accord Chirac-Jospin), le quinquennat s’est appliqué la première fois en 2002. (2e mandat de Jacques Chirac). Auparavant, et depuis 1875, le mandat présidentiel était plus long (7 ans) que celui des députés (5 ans). L’argument essentiel justifiant cette modification de la constitution est relatif à la « cohabitation ». Argument usé, car ce que nous vivons aujourd’hui avec le gouvernement Valls, montre qu’il y a pire qu’une cohabitation que chacun est en droit de refuser : minorité gouvernementale, cacophonie quotidienne, absence de cohérence dans les décisions de l’exécutif, retour du « régime exclusif des partis politiques »**, instabilité gouvernementale…
Cette mesure concourt, sous des aspects purement indolores, à la mise en œuvre de la règle que le Nicolas Sarkozy veut ériger en « évidence constitutionnelle » : l’élection présidentielle décide de tout, les idées formulées par les candidats sont considérées toutes comme actées par l’élection du candidat qui les a émises, sans aucun droit de considérer que les Français puissent effectuer un choix majoritaire entre deux visions mais non exclusif des projets touchant à tous les domaines évoqués pendant la campagne
- Le refus de la démocratie directe
La résultante majeure de l’instauration du quinquennat est l’abandon du référendum. Aujourd’hui, nos élites politiques ont une « peur bleue » du référendum. Ils ont « oublié » la leçon de démocratie du général de Gaulle (Voir le référendum de 1969). Le refus de Nicolas Sarkozy de prendre en compte le résultat du référendum du 29 mai 2005 sur le projet de « constitution européenne », suivi du passage en force par la signature du traité de Lisbonne montre une rupture avec l’esprit de la Vème République. (Voir mon édito du 30 octobre 2007.)
En même temps, le Président Sarkozy annule la modification de l’article 88-5 de la constitution instituant le référendum obligatoire pour valider toute nouvelle adhésion à l’Union Européenne, mesure qui n’aura jamais été utilisée, morte avant d’avoir existée.
- Le va et vient gouvernemental
Il consiste à la possibilité accordée à un parlementaire de retrouver son siège après son « passage » au gouvernement. Nous venons d’en vivre un épisode particulièrement « salé » avec l’affaire Thomas Thévenoud, ce jeune député nommé secrétaire d’Etat dans le gouvernement Valls et qui, après avoir été remercié, garde son siège de député alors même que ses électeurs sont consternés par son comportement inqualifiable.
C’est la Convention UMP du 5 avril 2006 qui entérine cette proposition (Voir ICI). Nicolas Sarkozy porte donc une lourde responsabilité dans la situation que nous connaissons depuis, et notamment celle d’aujourd’hui où la solidarité gouvernementale et la majorité législative n’existent plus.
Aussi, c’est avec soulagement que j’ai salué la détermination de Jean-Louis Debré de réagir à modification. Président du Conseil Constitutionnel, fils du père de la constitution (Michel Debré, ainsi baptisé pour sa participation fondamentale sous l’égide du Général à la rédaction de la constitution de 1958), dénonce dans l’Express n° 2966 du 8 mai 2009 : « Les constituants avaient décelé comme l’une des causes majeures de l’instabilité gouvernementale de la IVème république le fait qu’un ministre redevenait député automatiquement quand il quittait le gouvernement. Il n’y avait plus de solidarité gouvernementale, n’ayant rien à perdre, sinon leur fauteuil ministériel, ils regagnaient leur banc à la chambre des députés et cela engendrait une crise gouvernementale ». [Voir Gaullisme.fr].
- Election présidentielle au suffrage universel
Elle est, avant toute autre considération, la rencontre d’une conscience et d’une confiance ; une conscience politique affirmée et exprimée autour d’un projet global d’avenir, une confiance en celui qui l’exprime et sera capable d’en assurer la mise en œuvre. Aujourd’hui, tous les partis politiques l’ont « oublié ». Ils concourent lors de cette élection avec un seul objectif : montrer leur existence. Combien de candidatures de témoignage ? Qu’ils visent la victoire ou, plus modestement, 5% de voix pour être remboursés de leurs frais de campagne, les candidats à l’élection présidentielle se bousculent déjà aux portes de l’Elysée.
Ceux qui réclament l’instauration d’une VIe république devraient, pour être honnêtes avec les Français, préciser leur intention sur la conservation ou non de l’élection du chef de l’Etat (si elle existe encore !) au suffrage universel.
- Apporter quelques corrections.
Le débat ainsi posé, il est possible d’avancer quelques propositions. J’en ferai 4 qui me semblent pouvoir recueillir une large adhésion.
– Le référendum d’initiative populaire permettant aux Français de s’exprimer sur des domaines qui ne sont pas du ressort constitutionnel. Ainsi pourraient être traités des sujets concernant l’évolution des régimes de retraite… pour ne prendre que cet exemple. Mais ce référendum d’initiative populaire ne saurait mettre en cause le référendum institutionnel traitant des prérogatives de l’Etat et dont le résultat doit s’imposer à tous, avec, si l’honnêteté démocratique triomphe, la problématique de la poursuite du mandat présidentiel en cours.
– l’élection des députés avec une dose de proportionnelle, à la condition que ce système ne tue pas l’aspect majoritaire indispensable au bon fonctionnement et à la solidarité du gouvernement.
– Une transformation du Sénat qu’il convient de garder. Ainsi, comme l’avait imaginé le général de Gaulle en 1969, et comme le débat l’a montré lors des dernières élections sénatoriales de fin septembre (Changement de majorité à cette occasion), il conviendrait de regrouper dans une même chambre les représentants élus des collectivités territoriales, les acteurs économiques et syndicaux, mais aussi le monde associatif très présent dans la vie des Français. De ce fait, les textes législatifs pourraient être traités sur le fond, et dans les détails, par le Sénat rénové, et transmis à l’Assemblée Nationale pour un vote définitif.
– Revenir à une séparation réelle des mandats présidentiel et législatif par une durée du mandat du chef de l’Etat plus longue.
***
Voilà ce que j’ai tenté d’expliquer aux nombreux auditeurs de Sud-Radio. Remerciements à Dimitri Pavlenko pour son invitation et à Etienne Chouard dont j’apprécie les écrits, même si nous ne partageons pas toujours les mêmes combats.
Alain Kerhervé
Elu local et militant gaulliste
* Toute dernière minute : fin juillet, le Parti socialiste enregistrait une baisse de 60% des recettes de cotisation par rapport à ce qui était prévu, selon Europe 1. Certaines sections ont perdu la moitié de leurs adhérents.
** Illustration. Aujourd’hui, l’action gouvernementale se résume dans bien des cas, à la négociation entre les partis politiques pour savoir qui doit obtenir un portefeuille gouvernemental. Les « verts », mais tout dernièrement le PRG (Radicaux de gauche) se sont inscrits dans l’actualité (ICI)
Personnellement, ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais les hommes qui les dirigent. Deux forces s’affrontent. Ceux qui servent le N.O.M.( la mondialisation ) et ceux qui veulent servir vraiment la souveraineté française,( en voie d’être balayés par les premiers ). Qui gagnera ? L’avenir nous le dira.
Depuis l’origine des temps notre monde est perfectible. La Vème République ne peut échapper à la règle de progrès que tout homme ou femme lucide se devrait de considérer. Les quatre propositions d’Alain Kerhervé sont stimulantes mais hélas ne concernent pas l’essentiel : le choix des hommes et des femmes appelés ,par délégation de pouvoir du peuple, à gouverner la France et ses territoires. Car là est la pierre angulaire de toute avancée politique sociale scientifique culturelle et économique : la qualité des hommes qui seront à l’œuvre. Ne confondons donc pas But et Moyens, conséquences et causes. Le Gl de Gaulle et certains de ses compagnons ou collaborateurs ,de ce point de vue, ont été exemplaires.
Depuis, hélas, nous désignons en majorité des individus qui se révéleront des profiteurs de la République ,grande gueule, sachant parler vrai pour ne rien dire, au look angulaire facial qui plait,sans foi ni loi, qui prospèrent à jouer les pompiers pyromanes et une fois leur incompétence établie s’en iront couler des jours heureux dans des paradis le plus souvent offerts par un gouvernement complaisant. On dit alors que les institutions sont défaillantes et mériteraient d’être revisitées pour en améliorer le règles .La transparence du patrimoine des élus en est la parfaite illustration . Alors une évidence s’impose : revoir prioritairement la qualification des hommes et des femmes qui prétendent se porter aux affaires de l’Etat et donner aux électeurs et électrices la formation nécessaire pour sélectionner leurs représentants et à sanctionner au fil de l’eau leurs résultats dans la conduite des objectifs assignés par la majorité. Un « empêchement » d’initiative populaire serait de ce point de vue à considérer comme une mesure de salut public incontournable.
On ne subit pas l’avenir, on le fait, disait Bernanos .On ne sauvera pas la Vème République sans meilleure sélection du personnel politique appelé aux affaires de la Nation suis-je tenté de répondre en écho .
Sur le quinquennat
Je suis de ceux qui, par conviction, ont voté contre le quinquennat. Si le tandem Chirac-Jospin a été celui qui l’a mis en œuvre, il n’en est pour autant le promoteur. Il faut se souvenir que Georges Pompidou a fait adopter le quinquennat par les parlementaires (députés et sénateurs) mais qu’il n’a pas été au bout de sa démarche en ne proposant pas au congrés cette révision, sachant qu’il n’obtiendrait probablement pas la majorité requise des 3/5. François Mitterrand y a également pensé, mais il a été contraint d’y renoncer pour une autre raison. En effet, alors qu’il était député, il s’était prononcé contre ce projet de révision constitutionnelle.
Sur le référendum
Il est écrit dans ce billet je cite » Aujourd’hui, nos élites politiques ont une « peur bleue » du référendum. Ils ont « oublié » la leçon de démocratie du général de Gaulle ( voir référendum de 1969). Vouloir faire parler le général de Gaulle peut entraîner des raccourcis, voire déformer la pensée de l’homme. Le référendum de 1969 ne me paraît pas le bon exemple car des déclarations même de de Gaulle, on a l’explication du pourquoi du référendum et pour cela je cite le Général » Les groupes parlementaires sont toujours entachés de conservatisme. » Puis évoquant les débats sans fin au cours des III éme et IV éme République qui ont empéché d’entreprendre des réformes profondes et durables, il ajoute, je cite encore » Je veux aller vite car au parlement, les choses traîneraient pendant des mois voire des années. Nous serions emportés par une cascade d’amendements et, au bout du compte, il ne resterait plus rien de la réforme ». Pour de Gaulle, il fallait donc faire trancher rapidement par le peuple donc par référendum.
Sur le va et vient gouvernemental
Lors de l’écriture de la constitution le général de Gaulle voulait aller trés loin en ce domaine puisqu’il souhaitait que tout personne ayant exercé la fonction de ministre soit, par la suite, inéligible dans tout autre domaine et à vie. Cela ne s’est pas fait.
Sur l’élection présidentielle.
Non seulement, je partage les vues de l’auteur du billet, mais je suis des quelques uns (trés minoritaires) qui, pour les raisons évoquées ( rencontre d’une conscience et d’une confiance), reste trés opposé aux primaires.
Pour le reste, c’est aux institutions de la V éme République que les titulaires du pouvoir d’État sont à l’abri des sautes d’humeur de l’opinion et du parlement. Les élections législatives à la proportionnelle intégrale ferait aujourd’hui, c’est quasiment certain, sauter ce verrou avec un retour aux précédentes Républiques.
Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux de la V ème République en y apportant un peu de proportionnelle dans la Représentation Nationale. En attribuant d’office 8 sièges de députés (1 dans chacune des commissions permanentes), par exemple, à chaque groupe politique ayant atteint un certain pourcentage de représentativité (à déterminer), le reste des sièges de la représentation nationale étant attribués au suffrage universel direct majoritaire uninominal à deux tours comme en dispose la Constitution
Ce modèle donnerait voix au chapitre aux formations politiques plus en rapport avec leur poids électorale tout en conservant le fait majoritaire, évitant le piège et les magouilles de la proportionnelle d’avant la V ème.
Quant au Sénat, en le « mélangeant » avec la 3ème chambre qu’est le Conseil Économique Social et Environnemental, tout en réduisant la voilure pour faire des économies, on introduirait plus de « respiration démocratique » dans la préparation des projets de loi soumis aux seules voix de l’Assemblée Nationales
Autant La Démocratie et le Keynésisme étaient compatibles, autant la Démocratie et la Pensée-Unique sont incompatibles. C’est donc qu’il faut revenir au Keynésisme, avec un certain peaufinage pour aller plus loin, et être au niveau des temps actuels. Comment en est-on arrivé là ? Je vous le mets en pièce jointe, dans un mail que vous pouvez publier si vous jugez bon cette étude. Pierre.Bellenger@wanadoo.fr
Qui sont les irresponsables qui ont petit à petit participé au démantèlement des Institutions de la Vème ?
Qui sont les irresponsables qui ont petit à petit ont recréé les conditions d’un retour du régime des partis dont nous voyons les effets délétères ?
Qui sont les irresponsables qui ont ( contre aucune contrepartie tangible) aliéné la souveraineté monétaire, budgétaire et subordonné nos lois au bon vouloir des juges de l’Organisation non démocratique de Bruxelles ?
MM. Chirac, Juppé, Sarkozy, pour l’essentiel.
Ces hommes sont des fossoyeurs.
Ils devraient être pointés comme tels dans un blog « gaulliste ».
Pour tourner définitivement la page de leurs méfaits.
Je suis candidat à la mise à jour de la constitution de la 5è république et, contre la 6è pronée par certains, la 7 république a été fait sur mesure pour Charles de Gaulle. Elle n’est ébranlable que si les institutions sont bafouées, c’est tout à fait le cas aujourd’hui… Il faut rendre cette république une et indivisible, sans communautarisme, ni privilèges ? Tout est là !
Glbert Perrin