Le mensonge de Tapie
- 24 juin 2013 | Par Laurent Mauduit (Médiapart)
Avec les mises en examen successives de l’arbitre Pierre Estoup puis de Stéphane Richard, l’actuel patron d’Orange et ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, pour « escroquerie en bande organisée », et depuis ce lundi matin le placement en garde à vue de Bernard Tapie (à l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu), l’affaire Adidas-Crédit lyonnais a pris soudainement la tournure d’un scandale d’État, peut-être l’un des plus importants scandales de la Ve République. Ainsi, une « bande organisée », ayant sans doute des ramifications jusqu’au sommet de l’État, aurait pu commettre un vaste détournement de fonds publics portant sur 403 millions d’euros. Voilà en tout cas ce que la justice s’applique à vérifier.
On devine les innombrables questions que la police judiciaire veut poser à Bernard Tapie, qui est évidemment l’un des acteurs majeurs de l’affaire. Des questions sur la fameuse réunion qui s’est tenue à l’Élysée à la fin du mois de juillet 2007, à laquelle il a lui-même participé, pour lancer la procédure d’arbitrage. Des questions sur la réalité de ses relations avec l’arbitre Pierre Estoup, et les raisons pour lesquelles il lui a signifié son infinie reconnaissance. Des questions, au-delà, sur les secrets qui le lient à Nicolas Sarkozy et qui pourraient être à l’origine de cet arbitrage frauduleux…
Dans le tumulte des perquisitions, puis des gardes à vue et enfin des mises en examen qui se sont succédé ces dernières semaines, une question revient, malgré tout, fréquemment dans le débat public : sans doute s’agit-il d’un scandale d’État, mais à l’origine de l’histoire, Bernard Tapie n’a-t-il pas été lésé par le Crédit lyonnais quand celui-ci a vendu pour son compte, en 1993, le groupe de sport Adidas ? Ne faut-il pas reconnaître que l’ex-banque publique a manqué de loyauté, quinze ans plus tôt, à l’égard de son client et lui a causé un grave préjudice ? C’est l’argument dont joue depuis plus de vingt ans Bernard Tapie, et qui servira de fil conducteur de son prochain livre – si tant est qu’il soit effectivement publié –, qui aura précisément pour titre Le volé devient voleur.
Bernard Tapie© Reuters
Ainsi, Bernard Tapie aurait-il donc été volé ? Dans les semaines qui ont suivi l’annonce de la sentence allouant 403 millions d’euros à l’ex-hommes d’affaires, nous avions consacré une enquête en trois volets, détaillant les circonstances agitées de l’acquisition d’Adidas par Bernard Tapie, en juillet 1990, puis sa revente deux ans et demi après par le Crédit lyonnais. Et cette enquête apportait des réponses très précises – et négatives ! – à la question.
Mais puisque la question ne cesse de refaire surface et que Bernard Tapie la relance lui-même périodiquement, revenons-y une bonne fois pour toute. Car cette assertion constitue indéniablement le principal mensonge de Bernard Tapie dans cette affaire. Et pour établir que l’intéressé n’a pas subi les préjudices qu’il prétend, appuyons-nous sur un audit d’expertise financière, qui n’a encore jamais été publié dans sa version intégrale : il s’agit d’un rapport d’expertise financière qu’Eva Joly, à l’époque juge d’instruction en charge des premières affaires Tapie, avait commandé en 1995 à l’expert comptable Marcel Peronnet, et que ce dernier lui remit le 26 avril 1996.
Ce rapport, qui permet de comprendre les nombreuses raisons pour lesquelles Bernard Tapie, contrairement à ce qu’il prétend, n’a jamais été floué, tout au contraire… le voici :
Tapie: le rapport d’expert pour Eva Joly
Première raison : le Crédit lyonnais à la limite du soutien abusif
De fait, la première raison pour laquelle il est faux de prétendre, comme l’a toujours fait Bernard Tapie, qu’il aurait été floué par le Crédit lyonnais, c’est qu’en vérité le véritable reproche auquel s’est exposée la banque publique à la fin des années 1980 et au début des années 1990 est strictement opposé : elle a apporté d’immenses financements à son client dans des conditions proches du soutien abusif. Elle ne l’a pas floué ; à l’inverse, elle l’a soutenu à bout de bras, sur ordre. Toute autre banque aurait coupé depuis longtemps le robinet à crédit ; la banque publique, elle, l’a laissé grand ouvert dans des conditions pour le moins choquantes.
Il faut se souvenir du contexte. Ce sont, alors, les « années fric », les années de « l’argent fou ». De l’Élysée, François Mitterrand s’emploie périodiquement à réhabiliter l’entreprise et a pris sous sa protection quelques entrepreneurs dont il fait l’éloge. Bernard Tapie est l’un de ceux-là : chouchou du président et protégé par son ministre des finances, Pierre Bérégovoy, il est en permanence cité en exemple, alors que son groupe – si tant est que le terme soit approprié pour un conglomérat de sociétés rachetées à l’encan à la barre des tribunaux de commerce – est à la dérive. Sur les instructions de François Mitterrand et de Pierre Bérégovoy, le patron du Crédit lyonnais, Jean-Yves Haberer, ne refuse donc rien au protégé de l’Élysée, qui deviendra même ministre dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, du 2 avril 1992 au 3 juin 1992, puis du 26 décembre de la même année au 29 mars 1993.
Emportée dans cette fuite en avant qui l’amènera jusqu’à la ruine – et à l’un des grands scandales financiers du second septennat de François Mitterrand – la banque publique, via sa filiale, la Société de banque occidentale (SDBO), accepte donc à la mi-1990 de financer le rachat d’Adidas par le Groupe Bernard Tapie (GBT), au travers d’un montage complexe. L’un de ces montages sophistiqués et hautement risqués qui seront au cœur des investigations de la Commission d’enquête parlementaire quand, en 1994, il faudra établir les raisons du naufrage du Crédit lyonnais.
Concrètement, c’est la SDBO, en qualité de chef de file, qui monte un financement de 1,6 milliard de francs, auquel participent de nombreux investisseurs de la place, parmi lesquels les AGF, la BNP et un pool d’investisseurs japonais et allemands. Cet emprunt, qui permet à Bernard Tapie de prendre le contrôle de 80 % d’Adidas, est remboursable en deux échéances : 600 millions de francs le 1er août 1991 ; et le solde – 1 milliard de francs – le 1er août 1992.
Mais la vérité, c’est que le Crédit lyonnais n’aurait sans doute jamais dû accepter de se lancer dans une aussi folle aventure, car au moment même où la banque organise ce financement, le groupe Tapie commence à approcher de la situation de cessation de paiements. C’est l’aspect stupéfiant de l’histoire. Toute autre banque aurait effectivement claqué la porte au nez de Bernard Tapie ; le Crédit lyonnais, lui, a accepté de financer l’opération, parce que Bernard Tapie figurait parmi les obligés de l’Élysée.
Et c’est en cela que le rapport Peronnet est très éclairant : il essaie d’établir à quelle date les différentes structures du groupe Tapie se sont approchées de la cessation de paiement. Or ces dates coïncident à peu de choses près, selon les sociétés du groupe, à la période de l’acquisition d’Adidas.
Voici en effet ce qu’écrit l’expert (à la page 146) : « Les constatations que j’ai effectuées permettent de relever, en ce qui concernent les sociétés centrales [du groupe Tapie…] que celles-ci se sont trouvées, après l’acquisition d’Adidas en 1990, et alors qu’une évolution en ce sens était perceptible dès 1989, en situation de liquidation virtuelle. »
En quelques mots, tout est dit. Si le Crédit lyonnais a commis une faute, c’est d’abord celle d’avoir soutenu Bernard Tapie pour de très mauvaises raisons.
Deuxième raison : Tapie n’a jamais mis un centime dans l’opération
La deuxième raison pour laquelle Bernard Tapie n’a jamais été floué par le Crédit lyonnais, c’est en effet – et cette réalité est souvent peu connue – parce qu’il n’a lui-même jamais investi le moindre centime dans l’acquisition d’Adidas.
En règle générale, une banque peut accepter d’apporter un financement à un industriel, mais à la condition impérative qu’il prenne lui-même ses risques et qu’il investisse une partie de sa fortune personnelle. Or, dans le cas présent, il ne s’est rien passé de tel : le Crédit lyonnais a été le chef de file d’un prêt de 1,6 milliard de francs au profit d’un groupe au bord de la faillite, mais il n’a pas même exigé que le propriétaire dudit groupe, Bernard Tapie, apporte la moindre contribution.
D’une formule, l’expert dit ce qu’il pense (à la page 23) de ces modalités de financement : « peu usuelles » ! C’est effectivement le moins que l’on puisse dire.
Près de vingt ans plus tard, à l’issue de l’arbitrage controversé, Bernard Tapie va donc percevoir un dédommagement de 403 millions d’euros, pour une affaire dans laquelle il n’a jamais investi le moindre centime. Tout cela est effectivement « assez peu usuel »…
Troisième raison : le Crédit lyonnais a renoncé à faire jouer ses droits sur Tapie
Bernard Tapie est d’autant moins fondé à prétendre qu’il a été floué par l’ex-banque publique que celle-ci a renoncé à faire jouer les garanties qu’elle avait prise.
Sans grande surprise, il arrive en effet en juillet 1992, quand le prêt arrive à échéance, ce qui était depuis le début prévisible : Bernard Tapie est incapable de rembourser le moindre fifrelin à la banque. À l’époque, pour le Crédit lyonnais, l’affaire Tapie aurait donc dû s’arrêter là. La banque avait en effet, comme c’est l’usage, pris un nantissement sur les titres Adidas : en clair, il était prévu dans le projet financier qu’elle deviendrait propriétaire des titres Adidas détenus par Bernard Tapie, dans l’hypothèse où celui-ci serait dans l’incapacité de rembourser. Sage précaution…
Pendant quelques mois, le Crédit lyonnais ne peut certes pas faire jouer ce nantissement, à cause d’une clause de préemption secrètement offerte par Bernard Tapie au groupe écossais d’articles de sport Pentland. Mais très vite, ce dernier jette l’éponge, et dès octobre 1992, le Crédit lyonnais n’a qu’une seule chose à faire : faire jouer le nantissement ! Ainsi serait-il devenu le propriétaire des titres Adidas. Et toute l’histoire se serait arrêtée là. Il n’y aurait pas eu de procès, et encore moins d’arbitrage…
Seulement voilà ! En cet automne 1992, Bernard Tapie qui a été ministre peu avant et qui va le redevenir avant la fin de l’année, bénéficie une nouvelle fois d’un traitement de faveur. Loin de le flouer, la banque publique le protège de nouveau et renonce à faire jouer ce nantissement. Dans son document remis à Eva Joly, l’expert s’attarde (à la page 44) sur cette question en détaillant une note faite à l’époque par un collaborateur de Jean-Yves Haberer, président du Crédit lyonnais, retenant implicitement l’hypothèse d’une prise de contrôle d’Adidas par le Crédit lyonnais – note que le même Jean-Yves Haberer a lui-même ensuite annoté : « Relisant votre note, je découvre ce qu’elle ne dit nulle part, que le Crédit lyonnais prendrait le contrôle d’Adidas. Il n’en est pas question. »
L’épisode de la non-exécution du nantissement prend donc, avec le recul, un très fort relief : à l’époque, Bernard Tapie profite d’un traitement étonnamment avantageux – qui sera longuement débattu par la commission d’enquête parlementaire sur le Crédit lyonnais. Et c’est ce traitement étonnamment avantageux qui lui permettra, très longtemps après, de décrocher l’indemnité allouée par le tribunal arbitral. Un coup double donc : une première fois, fin 1992, sous la présidence de François Mitterrand ; une seconde fois en juillet 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Quatrième raison : si la cession d’Adidas a été opaque, c’est par la faute de Tapie lui-même
Le Crédit lyonnais n’ayant pas fait jouer son nantissement, on sait ce qu’il advint alors : Bernard Tapie donne en décembre 1992 au Crédit lyonnais un mandat de vente de ses titres Adidas pour 2,085 milliards de francs.
Or, quelques temps plus tard, c’est sur les modalités de la cession organisée par le Crédit lyonnais que Bernard Tapie va s’appuyer pour prétendre qu’il a été lésé. Dans le tour de table que le Lyonnais met au point, en mars 1993, figurent en effet deux fonds financiers : Omega Venture, dont le siège est à Jersey et qui est contrôlé par la Citibank, et Coatbridge Holdings, dont le siège est aux Îles Vierges britanniques, contrôlé par Argos Soditic, filiale de Warburg.
L’un de ces fonds, au moins, a été dans le passé utilisé par le Crédit lyonnais comme une structure de portage dans le cadre d’une opération financière au profit de la Financière Pinault, l’une des structures de tête de l’industriel François Pinault. Quand il le découvre – ou fait mine de le découvrir –, Bernard Tapie joue à fond de l’argument. Ces deux fonds ne sont-ils pas en fait les faux nez du Crédit lyonnais ? La banque ne s’est-elle donc pas en partie vendue Adidas à elle-même, peut-être en pressentant que la plus-value finale sur Adidas serait beaucoup plus forte ? En clair, à malin, malin et demi : le très rusé Bernard Tapie aurait-il trouvé, en la personne du dirigeant de la SDBO ou en la personne de Jean-Yves Haberer, plus rusé que lui ?
L’histoire, pourtant, est beaucoup plus simple que cela. Et beaucoup moins avantageuse pour Bernard Tapie. On en trouve également mention dans le rapport de Marcel Peronnet : si un montage complexe a été organisé par la banque publique, cela a été non par pour léser Bernard Tapie mais encore une fois, tout au contraire, pour le protéger. Voici en effet ce qu’écrit l’expert (à la page 45) : « La discrétion souhaitée sur ce montage est expliquée par le commentaire de Maîtres Veil et Jourde [les avocats du Crédit lyonnais] : “La banque a dû à l’époque se défendre de l’ensemble de la place qui considérait que ce montage ne s’expliquait que par une complaisance coupable pour M. Bernard Tapie redevenu ministre.” En outre, des précautions particulières ont vraisemblablement été jugées souhaitables dans le contexte de la règle du « ni-ni », interdisant des prises de participations supérieures à 20 % aux sociétés nationalisées (…). »
Cette dernière remarque est particulièrement importante : si le montage a été tortueux, c’est vraisemblablement parce que la règle du « ni-ni » (ni nationalisation ni privatisation) édictée par François Mitterrand au début de son second septennat interdisait au Crédit lyonnais, banque publique, de prendre le contrôle Adidas, ce qui aurait été équivalent à une nationalisation. Et le coup de canif dans la règle aurait été d’autant plus mal venu qu’il serait intervenu par la faute d’un… ministre.
Au demeurant, la preuve n’a jamais été apportée que les deux fonds étaient des faux nez du Crédit lyonnais. C’est du moins ce que fait valoir Jean Peyrelevade, qui prend la succession de Jean-Yves Haberer à la fin de 1993. Comme la cession d’Adidas, en février de la même année, est survenue sous l’ère Haberer, le nouveau PDG veut en avoir le cœur net. Il écrit aux deux PDG de Citibank et de Warburg pour leur demander si, à leur connaissance, leurs fonds auraient pu agir en sous-main dans le cadre de cette opération pour le compte du Crédit lyonnais. Dans les deux cas, la réponse est la même : en aucune façon. Les deux fonds ont agi pour leur propre compte.
Soit dit en passant – mais c’est tout sauf un détail –, si les trois arbitres ont longuement entendu Bernard Tapie avant de rendre leur sentence, ils n’ont pas fait de même avec Jean Peyrelevade, qui pourtant souhaitait apporter son témoignage. L’ancien président du Crédit Lyonnais s’est longuement expliqué sur cet épisode important à l’occasion d’un débat, le 3 juin dernier sur Europe 1 (que l’on peut retrouver ici).
Cinquième raison : c’est Tapie qui a lui-même fixé les conditions financières de la cession
L’autre argument avancé par Bernard Tapie pour prétendre qu’il aurait été floué a trait au prix de cession de 2,085 milliards de francs. Les années suivantes, l’ex-ministre a fait valoir que la valorisation d’Adidas a été quatre à cinq fois supérieure, et que le Crédit lyonnais a donc partiellement empoché une plus-value qui aurait dû lui revenir.
L’argument, toutefois, n’a aucune valeur juridique. C’est précisément sur ce point que la Cour de cassation a cassé en 2006 l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, estimant que nul ne pouvait se prévaloir de la valeur ultérieure d’une entreprise pour contester une transaction. Car, sinon, cela conduirait à une implosion de toute la vie des affaires.
Mais surtout, cet argument de Bernard Tapie est mensonger, lorsque l’on connaît les circonstances précises de la vente. Quand l’homme d’affaires prend avec sa banque, la SDBO, la décision de vendre sa participation dans Adidas, il est pressé. Dans une lettre d’engagement et une lettre de mandat, en date du 16 décembre 1992, Bernard Tapie Finance (BTF) prend l’engagement irrévocable de « vendre au plus tard le 15 février 1993 à toutes sociétés désignées par la SDBO, et à première demande de SDBO, la totalité de ses parts de capital » dans Adidas. Dans ce mandat confié par BTF à la SDBO plusieurs points retiennent l’attention. D’abord le calendrier. « Au plus tard le 15 février » : au travers de cette exigence, on comprend que Bernard Tapie est effectivement pressé et concède à sa banque deux petits mois – ce qui est ridiculement court – pour boucler l’opération, pourtant complexe. En clair, celle-ci doit impérativement être bouclée un bon mois avant les élections législatives.
Cette question de date est la seule exigence qui transparaît dans le mandat confié à la SDBO. Pour le reste, la SDBO peut faire ce qu’elle veut, choisir les investisseurs de son choix, « solliciter un ou plusieurs acquéreurs », leur « offrir les parts en vente ». Même le prix de cession apparaît comme une question subalterne. Dans le mandat, il n’est en effet nullement précisé que BTF attend de la SDBO qu’elle vende ses parts dans Adidas au meilleur prix possible, sous réserve d’un prix plancher. Non ! Il est seulement indiqué que le prix de cession des 55 % du capital d’Adidas contrôlé par Bernard Tapie « sera égal » à 2,085 milliards de francs.
Dans son rapport (voir à partir de la page 48), Marcel Peronnet se montre particulièrement intrigué par ces conditions de vente, qui semblent « exclure toute éventualité d’une négociation plus favorable ».
Plus loin, l’expert-comptable se montre encore plus perplexe. Car dans un avis financier paru dans la presse, le 28 décembre 1992, Bernard Tapie fait une large publicité au mandat qu’il a confié à sa banque, dans les termes suivants : « Bernard Tapie Finance SA a chargé la Société de Banque occidentale de rechercher un ou plusieurs acquéreur(s) pour ces parts, et de faire tous ses efforts pour que cet engagement soit dénoué au plus tard le 15 février 1993… Le prix de vente de ces parts [dans Adidas] en vertu de cet engagement est de 2.085.000 francs. » L’expert-comptable en reste donc pantois et le laisse transparaître dans son rapport : « La publication de ces informations, alors qu’à cette date, aucun accord n’avait encore été conclu avec un acquéreur éventuel, paraît surprenante, car de nature à handicaper un processus de négociation. » Comment Bernard Tapie peut-il espérer vendre au mieux ses parts dans Adidas s’il annonce à toute la communauté financière qu’il veut aller vite et s’il abat toutes ses cartes sur la table avant toute négociation financière ? Dans la vie des affaires, le procédé est de fait peu banal.
Avec le recul, cette précision ne manque pas d’intérêt. Pourquoi le tribunal arbitral a-t-il donc accordé en 2008 un dédommagement aussi spectaculaire à Bernard Tapie ? Quand on sait que l’intéressé a été aussi peu regardant sur le mandat de vente confié à la SDBO et n’a pas concédé plus de temps à sa banque pour tenter d’obtenir un meilleur prix, la sentence apparaît d’autant plus stupéfiante.
À la lumière de ces rappels factuels, on comprend mieux pourquoi, après la décision de 2006 de la Cour de cassation, Bernard Tapie craignait de perdre sa confrontation judiciaire avec l’ex-Crédit lyonnais, et pourquoi Nicolas Sarkozy a choisi de recourir à un arbitrage privé.
Mais ces rappels n’ont pas qu’un simple intérêt historique pour comprendre la genèse du scandale. Ils risquent aussi d’avoir un jour prochain une très forte actualité. Car si un recours à une révision contre l’arbitrage devait aboutir, la justice serait amenée une nouvelle fois à se prononcer sur le différend entre Bernard Tapie et sa banque. Au risque pour l’homme d’affaires qu’elle en vienne à juger qu’il n’y a pas eu de dommages du tout.
Influence, compromission, corruption à tous les étages et petits arrangements entre amis donnent un bien mauvais exemple pour exiger du peuple civisme et efforts . Plus c’est « gros » plus ça peut passer . N’est-ce pas le mis en cause qui, alors qu’il était Ministre, prônait que tout irait mieux dans les banlieues en installant des buts de foot ou des panneaux de basket ? Cahuzac de ce point de vue était un petit joueur ! Et comme le rappelait non sans cynisme P. Balkany « Dans le 92 si l’on devait écarter des responsabilités les politiques qui ont été condamnés par la justice…il n’y aurait plus personne » ! Circulez ,les « enfants » s’amusent car la République est bonne mère !