Les électeurs ont boudé, mais les urnes ont parlé

La forte abstention de ce premier tour des législatives est significative. Mais elle n’atténue pas la portée du vote, qui marque la domination du PS sur la gauche, celle de l’UMP sur la droite et le centre, tandis que le Front national réalise une performance moyenne tout en préservant ses chances de rentrer au Parlement.

957797-1132506

La campagne a été triste, la soirée électorale aura été sans relief. Pourtant les enseignements de ce premier tour sont multiples.

Ils sont d’abord d’ordre institutionnel. La faiblissime participation, inférieure de 3 points à celle du premier tour des législatives de 2007, l’abstention la plus forte de toute l’histoire de la Vème république, montre que la réforme introduite par Lionel Jospin s’avère calamiteuse pour les institutions. Il faudrait à l’évidence changer les règles, soit en groupant les scrutins présidentiel et législatif, soit en faisant, à l’instar du système américain, des élections législatives à mi-mandat. Mais il y a peu de chance qu’un parti à vocation majoritaire revienne sur l’inversion du calendrier électoral tant elle favorise le président qui vient d’être élu. En outre, aucune des deux solutions n’est satisfaisante : le scrutin regroupé de la présidentielle et des législatives renforcerait la présidentialisation du régime; à l’inverse, des législatives à mi-mandat réduiraient considérablement la marge de maoeuvre du président, qui agirait sous la menace d’un scrutin-sanction à échéance rapprochée.

Deuxième constat, le PS a de bonnes chances de dominer assez largement la majorité présidentielle. Le parti du président, quand bien même il n’obtiendrait pas la majorité à lui seul, est certain de dominer sans partage dans son camp. Le scrutin confirme d’abord le recul très net d’Europe-Ecologie Les Verts. Obtenir 5% des voix alors qu’une soixantaine de circonscriptions leur a été offerte par Martine Aubry, n’est certes pas une bonne performance et Cécile Duflot se fiche du monde en se félicitant de la progression de sa formation politique… Cette fois-ci, l’alibi du vote présidentiel qui serait défavorable aux écologistes ne fonctionne pas. Il reste à comprendre les raisons de l’échec d’EELV. L’écologie paraît-elle hors de saison à des électeurs polarisés par la crise ? Ou bien les écologistes français sont-ils de piètres défenseurs de l’écologie ? Ou encore faut-il mettre en cause la tactique adoptée par Eva Joly et le gauchissement du discours de son parti ?

L’autre partenaire du PS ne ressort pas non plus grandi par le scrutin. Nationalement, le Front de gauche est en net recul avec moins de 7% contre 11% au premier tour. Et surtout, l’élection du Pas-de-Calais marque un échec profond de sa tactique contre le Front national, Marine Le Pen ayant réalisé un score nettement supérieur à celui annoncé par les instituts de sondage. Mélenchon a d’abord commis l’erreur de croire qu’il pouvait jouer un troisième tour à Henin-Beaumont, ce qui ne lui a pas permis de conforter le Front de gauche dans le reste du pays. Il a ensuite mené une campagne à spectacle, devenant le candidat des médias dans un coin de France qui ne les porte pas dans son cœur. Il a, enfin, soigneusement évité d’argumenter pour convaincre ses électeurs, se satisfaisant « d’une propagande anti-fasciste à l’ancienne ».

Troisième constat, l’UMP n’est pas en déroute. Elle améliore même le score du Président sortant avec 34,7% des voix. Sans doute le parti présidentiel a-t-il profité à la fois de la dynamique de Sarkozy entre le premier et le second tour, et du soulagement de ceux des électeurs de droite qui avaient été choqués par la radicalisation du discours des sarkozystes et de leur chef. Bref, la stratégie Buisson a toutes les chances d’être poursuivie.

Enfin, le Front national résiste à cette bipolarisation même si sa performance est moyenne. Ses représentants se sont félicités, sur les plateaux de télévision, de leur bond en avant par rapport aux législatives de 2007. Mais s’il ne représente pas une perte de plus de la moitié des suffrages comme en 2007, le recul du FN par rapport à la présidentielle est tout de même de 3,5 points et se situe en retrait par rapport aux prévisions des instituts de sondage. Sans doute que l’abstention massive n’est pas étrangère à cette contre-performance relative, atténuée par les chances de victoire de Marine Le Pen et de sa nièce Marion dans le Vaucluse.

Tout se passe comme si la crise économique, tout en renforçant la défiance à l’égard du politique, conduit les électeurs à renforcer chacun des partis dominants, le PS au sein de la gauche, et l’UMP à droite. Le centre, les écologistes et le Front de gauche apparaissent comme les grands perdants de ce scrutin. Il reste à savoir si la France est entrée dans la tri-polarisation, le Front National redevenant l’arbitre des élégances, ou si le principe du cordon sanitaire contre lui, en vigueur depuis 1988, va continuer à s’appliquer.

Philippe Cohen – Marianne

1 commentaire sur Les électeurs ont boudé, mais les urnes ont parlé

  1. Allons, allons pourquoi ne pas mettre en cause la MTO……
    Les français et les françaises sont des profiteurs nés !!
    Alors lorsqu’il n’y a pas grand chose de pratico-pratique à glâner….pourquoi feraîent-il du zèle éléctoral ?
    Vous verrez ,dès le mois de Septembre, ils seront beaucoup plus nombreux à se presser devant les caisses qui attribuent des aides financières et des subventions.
    La France des profiteurs de l’ilôt de confort s’est exprimée…..le PS avec 22,6% des inscrits est le cheval gagnant !!!!
    Quant à la suppression du cumul des mandats ,les naïfs y auront cru !!!!!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*