Bayrou : un acte de candidature aux accents gaullistes

 

Après un livre (« 2012, Etat d’urgence ») paru fin août, une pré-déclaration de candidature sur TF1 fin novembre, François Bayrou a confirmé sa candidature à la présidentielle, mercredi 7 décembre, dans la chaleur moite de la Maison de la Chimie. Fidèle à l’évangile gaulliste*, le leader du Modem s’est présenté en « candidat libre », déterminé à prendre la tête d’une « majorité du courage ».

 

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Quoi ? Pas d’embouteillage rue St Dominique, pas de foule compacte se pressant contre les grilles du 28, pas de jeunes en tee-shirt «  Bayrou à la Barre », pas de musique, pas un poil d’électricité dans l’air comme aux grands jours ? Le hall de la Maison de la Chimie est quasi vide à 16h30, l’heure prévue pour l’annonce solennelle du candidat centriste François Bayrou, toujours un peu en retard, on le sait, comme l’était François Mitterrand. Ils sont tous au premier étage – ses amis proches, ainsi que les journalistes et photographes, tassés dans une salle prévue pour 200 personnes au plus. On étouffe. Marielle de Sarnez, la grande organisatrice des meetings du Modem, aurait-elle manqué de moyens ? Aurait-elle eu peur de ne pas faire le plein ? N’aurait-elle pas trouvé, dans Paris, une grande halle populaire comme la Halle Freyssinet où François Hollande célébrait voilà six semaines son intronisation de candidat socialiste ?

Mais voici le candidat centriste : costume sombre et cravate bleue, lui aussi (c’est l’uniforme, cette année, des candidats), il apparaît sur fond de ciel bleu allant vers un horizon rouge de soleil couchant en passant par un nuage blanc éclatant de lumière. La voix un peu émue, il nous dit qu’il est « un homme libre ». Il nous dit que «  Nous, France, nous sommes un peuple qui doit tout à son pays » et même, comme  on l’apprenait jadis à l’école, que « France terre des Arts, des Armes et des Lois » (Joachim Du Bellay, précise-t-il). Voilà pourquoi, « lorsque la France va mal, les Français vont  encore plus mal ». Voilà pourquoi, « il faut un choc ». Un choc, « de la lucidité et de la vérité ». Car « c’est une  guerre que nous venons de perdre… Les emplois s’en vont, le pouvoir d’achat s’effondre »… et j’en passe. Les mots « abîme » et « chaos » chers au vieux général de Gaulle dont le fantôme passe en coulisses, ne sont pas prononcés, mais nous n’en sommes pas loin. Pour en sortir, Bayrou propose un « Pacte national », pour « produire en France ».

Nous connaissions déjà la formule, testée lors de précédentes annonces d’annonce de candidature et de nombreuses interviews radio et TV. Elle nous plaît, évidemment : car enfin, pourquoi ne pouvons-nous plus acheter que des machines outils allemandes, des jouets et des tee-shirts made in China, des ordinateurs japonais et des machines à laver italiennes ou allemandes ? Et pourquoi ne pas manger les fruits et légumes de notre terroir, comme le préconise depuis longtemps Ségolène Royal en son Poitou-Charentes ? C’est frappé au coin du bon sens. Sauf que trotte dans ma tête la réplique pas méchante mais ravageuse d’un autre centriste, lui aussi crédité en son temps de 8% des intentions de vote : Jean-Louis Borloo. A l’heure du déjeuner,  comme on l’interrogeait, devant l’Association des Journalistes de la Presse parlementaire, sur le « produire en France », il lâchait : « Ok ! Mais on fait comment, pépère ? » Il sait de quoi il parle, l’ancien ministre de l’Environnement. Il a pondu un rapport sur le sujet en mai. D’où il ressort que des voitures japonaises sont fabriquées en France, que des vêtements made in France sont fabriquées en Asie et en Tunisie, etc, etc. Bref, que rien n’est si simple. Pas étonnant si, sur les marchés de Pau, de Bergerac et de Périgueux, où le Béarnais a déjà testé son slogan, les ménagères hochent la tête… J’en ai entendu certaines qui s’interrogeaient aussi (j’y pense quand le candidat poursuit : « Pas de production sans instruction ») : « Au fait, Bayrou, il n’a pas été ministre de l’Education Nationale ? Et qu’est-ce qu’il a fait  quand il l’était ? »

Le même intérêt – teinté de fort scepticisme – accueille son couplet, déjà rituel aussi, sur 1958 : quand la France « quémandait ses fins de mois à Washington » et quand De Gaulle arriva et redressa le pays en trois ans en lançant de grands projets industriels… Bayrou se comparerait-il à « l’homme du 18 Juin » ? Aurait-il une baguette magique ? Non, convient-il. Au moins promet-il, lui qui ne « fera pas de promesses », de ne laisser le pouvoir à « aucun pouvoir financier ». On voudrait le croire…

Mais voici que Bayrou insiste : « La clé du monde à venir, c’est l’instruction, de la maternelle au Collège de France… » Pas seulement, dit-il, pour « produire », mais (je résume) pour former des « esprits libres ». Voici qu’il nous annonce : « Je ne parlerai pas à chaque catégorie, comme on donne à chaque âne son picotin, je ne parlerai pas aux vieux comme à des personnes âgées, mais comme à des citoyens, je  ne parlerai pas aux jeunes comme à des étudiants ou des chômeurs, mais comme à des citoyens responsables… Aux paysans, aux ouvriers seuls et vulnérables, auxquels personne ne parle plus vraiment, je m’adresserai comme à des citoyens à part entière… » Il leur dit – et il nous dit – que nous sommes grands. Ca fait longtemps qu’on ne nous avait pas parlé comme ça, depuis De Gaulle. D’autres avaient essayé, comme Guaino pour Sarkozy, mais chaque fois, la fin du discours contredisait le début, la volonté de montrer du doigt – les patrons voyous, les salariés qui ne travaillent pas assez, les assistés fraudeurs, les immigrés, etc – l’emportait sur celle de rassembler.

Cette brèche ouverte, cette bouffée d’air apportée, Bayrou peut se présenter enfin, avec « tout ce que la vie [lui] a donné » : des parents paysans et lettrés, une famille « rigolote »  et même – sans rire !- des « Pyrénées bleues » ! Pour quelques minutes au moins, on oublie la  question : « Comment on fait, pépère ? », on veut  croire que les Pyrénées sont bleues. Et que nous sommes tous des citoyens,  égaux en droit, fraternels  et capables de renverser le sens de l’Histoire. Et, en tout cas, de résister aux agences de notation.

Christine Clerc – Marianne

 

* Pour cette prochaine élection présidentielle, la plupart des candidats, par leurs écrits, discours, ou plus simplement leurs comportements, mettent en avant une hypothétique approche gaulliste.
Comme si, en 2012, le seul candidat en mesure de “sauver” la France, était le Général. Il demeure bien la seule référence pour les Français. Mais attention, le gaullisme ne se saucissonne pas au gré des besoins.
Il est un tout qu’il convient de respecter, et notamment la souveraineté de la Nation et la prise en compte des décisions du peuple quant il est consulté (CF référendum de 2005 et traité de Lisbonne)

Alain Kerhervé – Gaullisme.fr

3 commentaires sur Bayrou : un acte de candidature aux accents gaullistes

  1. Tout à fait d’accord avec Pourcel ; Bayrou est très honnête, mais il croit en l’Europe et je n’y ai jamais cru.

  2. On confond souvent, volontairement, gaullisme et gaullien.
    Bayrou est-il gaulliste? Assurément non. Il est un partisan constant (on peut lui reconnapitre cette qualité) de l’europe fédérale, c’est à dire un Etat supra national organisée autour de régions, copié collé des länder allemands ce qui suppose la suppression des Etats au sens institutionnel. Cette Europe, c’est celle que les américains appellent de leur voeux depuis plus de 50 ans : c’est l’outil pour eux leur permettant de neutraliser les nations, notamment la France, et d’avoir un seul interlocuteur dirigé par des europhiles atlantistes sélectionnés et triés sur le volet. Quoiqu’on en dise, les transferts de souveraineté s’inscrivent très logiquement dans cette perspective à laquelle adhère Bayrou. A partir de là, il apparaît stupide de qualifier Bayoru de gaulliste : il lui manque quasiment tout : la primauté à la France, la primauté au peuple (même si il tend à le flatter beaucoup) et le goût pour le référendum, la primauté de l’Etat-nation et de l’intérêt général sur l’initiative privée, l’organisation de la nation sur un modèle d’activités réparties entre secteur public puissant prenant en charge des missions de service public (Ecole, transport, énergie, eaux…) ou d’intérêt général (Industrie de la Défense) et un secteur privé en charge des activités concurrentielles s’exerçant dans un cadre régulé par l’Etat, une volonté de rayonnement culturel, économique et militaire de la France à l’étranger via des systèmes de coopération internationale et non l’intégration ou plutôt la désintégration européenne.
    Bayrou est-il gaullien? Être gaullien, c’est une posture. C’est la posture de l’homme qui se pose en recours dans les ciconstances difficiles parce qu’il refuse ce que les autres acceptent, la défaite, le déclin. De Gaulle avait une haute idée de la France, il s’en suivait une posture non partisane, au dessus des clivages et plus encore des partis politiques dont il avait observé tant sous la III ° que sous la IV° qu’ils ne servaient que leurs intérêts, et de la manière la moins élégante…Être gaullien implique donc des circonstances et un caractère de probité, de force morale et une volonté de remettre en cause l’existant (pensons à la IV° qu’il remplaça par la V° parce que cela était nécessaire) Bref, être Gaullien c’est une posture de courage au service d’une idée que l’on se fait de la France et de son peuple. Quoique Bayrou soit sans doute un honnête homme, je ne vois pas en quoi il pourrait être qualifié de gaullien : Il n’a rien prouvé à la différence de De Gaulle au même âge. On peut être seul, comme le fut de Gaulle, ça ne fait pas de vous un homme au dessus des partis; on peut revendiquer l’union nationale, en rêver même, ça ne permet pas de considérer que cette union fait de vous un gaullien dès lors qu’il s’agirait de l’union de partis qui se défient depuis 50 ans des peuples. La crise actuelle sur laquelle, il y aurait beaucoup à dire, n’est pas la second guerre mondiale, elle n’est pas la crise de 58, c’est une crise révélant l’échec par incohérence d’un projet utopiste : comment-as-t-on pu ouvrir nos frontières au monde et transférer le pouvoir monétaire à une banque centrale indépendante avec des structures économiques, fiscales et sociales différentes d’un pays à un autre? En Clair, ceux qui parlent de faillite agitent le chiffon rouge : en réalité, il faudrait simplement nationaliser les banques disposant d’engagements pourris, monétiser la dette par tirage de monnaie papier , rétablir le contrôle de la circulation des capitaux, respécialiser les banques de manière à orienter l’allocation de l’épargne…etc. Bayrou est-il prêt à faire cela, en a t-il le courage? Un homme gaullien se défie de l’élite dont il sait qu’elle tend par nature à maintenir et fructifier ses privilèges au détriment du plus grand nombre. De Gaulle le fit à deux reprises relevant la France à chaque fois. N’est pas gaullien qui veut! N’est pas gaulliste qui veut! Vive la France.

  3. BOBET francois // 8 décembre 2011 à 22 h 09 min //

    Tout à fait d’accord avec l’additif de Mr Kerhervé
    Quelles que soient les qualités de François Bayrou, qui sont incontestables, voire meme un courage politique certain,un chantre du fédéralisme européen ne saurait se réclamer de la pensée gaulliste!
    Si je voulais faire un peu de provocation, à quand l’esperanto et le volapuk intégré?

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