Note aux Américains

au sujet de Bizerte objet d’une plainte tunisienne à l’ONU* – 25 juillet 1961

Après l’accord du 20 mars 1956 par lequel la France a mis un terme au traité du Bardo et reconnu l’indépendance de la Tunisie et avant l’ordre d’évacuation donné par le général de Gaulle aux troupes françaises présentes en Tunisie, exception faite de la base de Bizerte, il fut convenu, le 17 juin 1958, entre les gouvernements de Tunis et de Paris que le régime de la base serait réglé d’un commun accord.

En ce qui concerne la France, la base n’a d’intérêt qu’au point de vue de sa sécurité dans l’actuelle et dangereuse conjoncture internationale. Mais à cet égard, Bizerte peut, du jour au lendemain, prendre une grande importance en raison de sa situation géographique exceptionnelle à l’entrée de la Méditerranée occidentale.

L’occupation, par des forces hostiles ou simplement menaçantes, de ce point stratégique majeur, pourrait avoir de graves conséquences quant à la défense de la France et de l’Occident. C’est pour parer à une telle éventualité que la France, dans toutes les discussions survenues avec la Tunisie et faute qu’aucun accord de défense ait pu être conclu entre les pays, a toujours réservé la possibilité d’utiliser la base aussi longtemps que le danger mondial est ce qu’il est. Toutefois, la France était et demeure disposée à régler avec la Tunisie les conditions dans lesquelles la base serait utilisée pendant cette période dangereuse. Au cours des entretiens que le président de la République tunisienne a eus à Paris le 27 février 1961, avec le président de la République française, celui-ci a nettement précisé la position de la France sans qu’il en soit alors résulté aucune tension dans les rapports. Bien au contraire, tout donnait à penser au gouvernement de Paris que, du côté tunisien, ces rapports étaient désormais engagés dans la voie d’une amicale coopération.

C’est alors que le gouvernement de Tunis, changeant brusquement d’attitude, a prétendu obtenir par la menace, puis par l’agression, que la France renonce à la base et que la date du départ de ses forces soit fixée. En même temps, le gouvernement de Tunis faisait envahir le territoire et attaquer les postes français au Sahara. Mais l’action de force qu’il entreprenait sur les deux théâtres aboutissait pour lui à un double échec.

À présent, le gouvernement tunisien tente d’obtenir par une intervention de l’organisation des Nations unies ce qu’il n’a pu réussir par les armes. Il est nécessaire de faire connaître que la France n’a aucunement l’intention de régler l’affaire suivant une telle procédure. Quelles que puissent être éventuellement la tournure et la conclusion des débats qui s’engagent sur un pareil forum, la France, devant les grands périls que comporte pour elle la menace du conflit mondial, compte tenu des responsabilités qui sont les siennes dans ce domaine, étant donné les engagements conclus naguère entre elle et la Tunisie, eu égard, enfin, à la nécessité d’interdire toute invasion de son territoire au Sahara, entend rester juge de sa propre sécurité.

En fait, comme en droit, la voie qui peut conduire à la solution de cette déplorable affaire est celle des négociations directes que la France continue de proposer à la Tunisie.

* La base française de Bizerte et des postes français du Sahara à la frontière tunisienne ont été assiégés sans succès du 18 au 22 juillet 1961, par des troupes tunisiennes, sans doute encouragées par des éléments du FLN algérien. Les Français ont fini par se dégager partout avec vigueur. La Tunisie a alors porté plainte au Conseil de sécurité de l’ONU qui donnera tort à la France le 25 août suivant.

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