« Le point de vue soviétique » sur le sommet des Six
Le 19 juillet 1961, commentant une réunion des Six à Bad Godesberg, dans la banlieue de Bonn, Radio Moscou (19h30) qualifie le Marché commun européen de bloc militaire et dénonce le militarisme revanchard de la République fédérale d’Allemagne (RFA). (Rubrique : « Le point de vue soviétique ») – Par Boris Georguiev .
Depuis hier, chers auditeurs, une conférence des dirigeants de six pays ouest-européens, la France, la République fédérale allemande, l’Italie, la Belgique, la Hollande, le Luxembourg, se tient dans la petite ville balnéaire de Bad Godesberg, non loin de Bonn. Ces pays font partie de la Communauté économique européenne ou bien, comme on l’appelle, le Marché commun.
Notre commentateur Boris Georguiev écrit à ce sujet :
Quels sont les objectifs que se posent les participants à la conférence ? Les observateurs soulignent que ces objectifs sont différents. Les petits pays se soucient de protéger leurs intérêts contre les atteintes des deux Etats les plus importants du Marché commun, la France et la République fédérale d’Allemagne.
Le général de Gaulle rêve d’installer encore une marche sur l’escalier conduisant au rétablissement de la grandeur de la France, sur le terrain mouvant de la collaboration franco-ouest-allemande. Quant au chancelier Adenauer, il tient à utiliser la rencontre de Bad Godesberg pour aggraver la situation internationale.
Ce n’est pas pour rien que le chancelier a réservé à cette rencontre ses discours les plus agressifs, du genre de celui qu’il a prononcé au meeting de Dortmund. C’est aujourd’hui qu’Adenauer réclame avec le plus d’insistance de ses partenaires du bloc d’appuyer la position provocatrice et violemment négative de Bonn dans la question du traité de paix allemand.
Il ressort des communications de Geneviève Tabouis dans Paris-Jour, qu’il s’agit à Bad Godesberg de l’appui que les six pays du Marché commun doivent apporter à la politique rigoureuse de la République fédérale d’Allemagne dans la question du traité de paix allemand.
Une question se pose : De quoi donc sont sûrs les participants à la conférence de Bad Godesberg qui sont enclins à faire le même jeu que les militaristes ouest-allemands ? Mais de tout ce que vous voulez, sauf des intérêts du règlement pacifique des problèmes internationaux litigieux qui sont d’une importance vitale pour tous les pays d’Europe.
La politique d’encouragement du militarisme ouest-allemand sous le drapeau de la collaboration et de la solidarité des pays membres du Marché commun, avec la République fédérale d’Allemagne, ne fait pas qu’intensifier la guerre froide, elle met en danger les intérêts du maintien de la paix au centre de l’Europe ainsi que les intérêts nationaux des pays du Marché commun, et en premier lieu de la France.
Il est absolument évident qu’en moins de quatre ans qu’existe le Marché commun, les militaristes ouest-allemands ont rétabli leur puissance militaire et économique. A l’heure actuelle l’industrie lourde de l’Allemagne occidentale livre presque deux fois plus de production que la France.
Aujourd’hui, la République fédérale d’Allemagne vaut plus que tous ses partenaires au Marché commun pris ensemble. Il semblerait que ce fait devrait servir à lui seul d’avertissement suffisant aux participants à la conférence de Bad Godesberg, dont les pays ont par deux fois connus, durant la vie d’une seule génération, l’invasion dévastatrice des hordes des militaristes germaniques. Cependant, à en juger par les communications de la presse, ce sont précisément ces participants à la conférence de Bad Godesberg qui appuient avec le plus de zèle la thèse aventurière du chancelier Adenauer : Restez ferme et aucune négociation. Les participants à la conférence de Bad Godesberg ferment les yeux sur les provocations impudentes des revanchards bônois, tandis que le général de Gaulle invite même à examiner avec le chancelier Adenauer la question de la transformation du Marché commun en une sorte de bloc militaire et politique des Six. C’est précisément l’objectif que poursuit sa proposition de fonder un secrétariat politique des Six permanent, avec la participation de la République fédérale d’Allemagne.
Certes les hommes de Bonn voudraient bien utiliser un tel secrétariat dans leurs propres intérêts. Ceci permettrait à Bonn d’entraîner encore plus la France et les autres pays du Marché commun dans sa politique d’aventure belliciste, qui permettrait à la République fédérale d’Allemagne de fonder, comme l’écrit le journal Combat, une Europe continentale plus ou moins homogène, où l’Allemagne occidentale dominerait. Voilà où mène la politique peu perspicace d’encouragement des militaristes ouest-allemands et d’alliance avec eux.
Mais si l’on s’inspire des intérêts de la paix et non pas des encouragements de Bonn à la préparation d’une revanche, c’est la coopération de tous les pays européens en vue de régler en paix le problème allemand et non pas la création d’un bloc militaire avec la République fédérale d’Allemagne, dirigé contre les Etats pacifiques, qui constitue le problème d’actualité en Europe. C’est précisément ce que veulent obtenir les peuples européens qui n’ont pas encore oublié les horreurs de la deuxième guerre mondiale. La coopération de tous les Etats d’Europe, au nom de la paix et du règlement pacifique avec l’Allemagne, tel est aussi l’objectif du gouvernement soviétique qui propose à ses anciens alliés dans la guerre contre l’Allemagne fasciste de signer déjà dans l’année en cours le traité de paix allemand et de régler sur cette base la question de Berlin-Ouest.
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