La cinquième république, notre bien commun

En 1945, après la Libération, il fallait refaire les institutions de la France. La débâcle, l’armistice, Vichy avaient fait table rase. Allait-on revenir purement et simplement à la Constitution de 1875 ?
Celle-ci n’avait pas épargné à la France l’instabilité ministérielle, source de faiblesse du pouvoir. Elle avait laissé le pays affronter la guerre dans un état d’impréparation totale, malgré les avertissements répétés des meilleurs spécialistes, et notamment du colonel de Gaulle. La première question posée aux Français par le gouvernement de Gaulle, lors du référendum du 21 octobre 1945, fut donc : «Voulez-vous une constitution nouvelle ?» 96% des Français répondirent : oui. 4% seulement marquèrent leur attachement à l’ancienne constitution. La cause était entendue. Qui allait faire la nouvelle constitution ? Une assemblée souveraine, peut-être inexpérimentée, élue encore sous l’empire des passions qui agitaient le pays au lendemain de la Libération ?

 

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En 1945, après la Libération, il fallait refaire les institutions de la France. La débâcle, l’armistice, Vichy avaient fait table rase.

Allait-on revenir purement et simplement à la Constitution de 1875 ?

Celle-ci n’avait pas épargné à la France l’instabilité ministérielle, source de faiblesse du pouvoir.

Elle avait laissé le pays affronter la guerre dans un état d’impréparation totale, malgré les avertissements répétés des meilleurs spécialistes, et notamment du colonel de Gaulle.

La première question posée aux Français par le gouvernement de Gaulle, lors du référendum du 21 octobre 1945, fut donc : «Voulez-vous une constitution nouvelle ?»

96% des Français répondirent : oui. 4% seulement marquèrent leur attachement à l’ancienne constitution. La cause était entendue.

Qui allait faire la nouvelle constitution ? Une assemblée souveraine, peut-être inexpérimentée, élue encore sous l’empire des passions qui agitaient le pays au lendemain de la Libération ? Ou bien le peuple souverain, ayant le dernier mot ? Ce fut l’objet de la deuxième question posée par le gouvernement de Gaulle au référendum : «Voulez-vous que l’Assemblée constituante ait des pouvoirs limités et que le résultat de ses travaux soit soumis à votre approbation populaire ?» 67% des Français répondirent : oui.

Mais l’Assemblée constituante, influencée par le parti communiste, préparait un projet qui concentrait tous les pouvoirs entre les mains d’une assemblée unique. Ce projet fut rejeté par le référendum du 5 mai 1946.

Une seconde Assemblée constituante reprit pour base de discussion le texte élaboré par la première, en le retouchant superficiellement. C’est ce projet qui fut soumis au référendum du 13 octobre 1946.

Les résultats furent les suivants : Pour : 9 297 000, soit 35,3% – Contre : 8 165 000, soit 31%. – Abstentions : 8 520 000, soit 32,4 %.

Le Général ayant quitté le pouvoir le 20 janvier précédent, c’est donc à la minorité de faveur que fut adoptée la Constitution du 27 octobre 1946. Plusieurs de ceux qui avaient voté oui avaient reconnu dès l’abord la nécessité de la réformer.

Les avertissements du général de Gaulle

Le général de Gaulle avait répondu « franchement non »

En effet, il n’avait pas assisté muet à cette évolution. Le 16 juin 1946 à Bayeux, il avait indiqué les lignes essentielles de la constitution telle qu’il la concevait.

Le 27 août, dans une déclaration remise à la presse, il avait critiqué le projet, lui reprochant surtout de ne pas « ménager au gouvernement le maximum d’indépendance et de cohésion, faute desquelles il ne serait rien qu’un organisme divisé contre lui-même ».

Le discours d’Epinal, prononcé au lendemain de l’adoption du projet par l’Assemblée et à la veille du référendum, résume les critiques que le général de Gaulle fit le premier à l’encontre de la nouvelle constitution et qui se révélèrent toutes justifiées à l’expérience :

– impuissance de l’État en face de l’omnipotence et de la division des partis,

– absence de solidarité effective des ministres, due à leur dépendance par rapport aux divers partis,

– position subalterne du gouvernement, dont le chef doit être investi par les partis avant même qu’il soit constitué,

– danger pour l’équilibre financier du pays d’attribuer à l’Assemblée nationale l’initiative des dépenses et de refuser au Conseil de la République la possibilité réelle de s’y opposer,

– faiblesse de l’organisation et des institutions de l’Union française.

Après l’adoption de cette constitution, le général de Gaulle regrettait le choix des Français. « Il est clair que la nation n’a pas, pour la guider, un État dont la cohésion, l’efficience, l’autorité soient à la mesure des problèmes qui se dressent devant elle. ». (De Gaulle, Strasbourg, 7-4-47.) 

 

L’expérience des leaders politiques

 

L’expérience devait démontrer la valeur des prévisions du général de Gaulle. Les plus ardents partisans d’une réforme des institutions devinrent les présidents du Conseil anciens, en fonction et futurs, qui avaient eu l’occasion de mesurer, à un poste de responsabilité, l’impuissance profonde du pouvoir exécutif.

Après quelques années de fonctionnement de la Constitution de 1946, sa réforme devint le leitmotiv de toutes les déclarations ministérielles. Laissons parler leurs auteurs…

clip_image006 E. Faure

« Le 17 juin 1951, le suffrage universel a exprimé sa volonté d’une réforme de la constitution. L’initiative vous appartient, mais je croirais manquer à mon devoir en ne vous rappelant pas l’urgence du problème. Je crois, en conscience, que cette réforme et celle de nos méthodes de travail doivent être pour nous une préoccupation essentielle et conditionnent l’avenir de nos institutions. » (Discours d’investiture du 17.1-1952.)

clip_image008 A. Pinay

Une réforme de la constitution est nécessaire. L’assemblée est saisie de propositions. Le devoir du gouvernement sera de lui rappeler la nécessité, d’agir vite… Il faut doter le gouvernement de l’efficacité sans rien ôter à la République… Il faut mettre un terme à l’instabilité qui désoriente la nation et jette à l’étranger le discrédit sur nos institutions. » (Discours d’investiture du 6-3-1952.)

clip_image010 P.Reynaud

« L’instabilité ministérielle, au point qu’elle a atteint chez nous, est un obstacle au redressement de la France et nous met, vous le savez tous, en état d’infériorité dans le monde… Il est vrai qu’une réforme de la constitution est sur le chantier — et je l’approuve — mais, depuis un an et demi, c’est un fait, elle n’a pas abouti ! Je vous demande de rendre efficace le droit de dissolution. » (Discours d’investiture du 27-5.1953.)

clip_image012 P. Mendès-France

« La répétition des crises politiques n’est que le signe profond du mal dont souffre le pays… Je ne me dissimule pas et je ne vous dissimule pas la difficulté de réaliser des réformes… Je demanderai au parlement, seul juge en la matière, d’examiner très prochainement la réforme constitutionnelle, si souvent annoncée, si souvent promise et si souvent ajournée… » (Discours d’investiture du 3.6-1953.)

clip_image014 G. Bidault

« Le gouvernement de la nation doit être plus fort que les habitudes, même si elles sont consacrées. Le gouvernement de la République doit être plus fort que les intérêts particuliers, même s’ils sont coalisés. Les ministres ne sont pas aux ordres de leur administration, c’est l’inverse. Je demanderai que soit hâtée l’étude du projet de révision constitutionnelle. La nécessité d’une révision n’est plus contestée. ». (Discours d’investiture du 10.6-1955.)

clip_image016 C. Pineau

« Le gouvernement est prêt à faciliter la discussion et la mise à l’ordre du jour de tous projets, y compris ceux qui concerneraient la réforme constitutionnelle. J’estime qu’un régime démocratique ne peut vivre si l’autorité est morcelée entre un nombre considérable de groupements soucieux, à juste titre d’ailleurs, de défendre leurs intérêts particuliers… Je voudrais vous faire part de la volonté du gouvernement de s’attacher à la restauration de l’autorité de l’Etat. ». (Discours d’investiture du 18-2-1955)

clip_image018 G. Mollet

« Le premier problème est celui de la réforme de nos institutions. Pour avoir pris quelque responsabilité dans l’élaboration de l’actuelle constitution, il m’est plus difficile qu’à beaucoup d’entre vous de me montrer sévère à son égard. Je reconnais cependant bien volontiers la nécessité de lui apporter certaines modifications qui s’imposent… » (Discours d’investiture du 31-1-1956.)

clip_image020 M. Bourgès-Maunoury

« L’autorité de l’Etat doit être renforcée, les structures de l’Union française adaptées. Si la réforme de la constitution est nécessaire, le problème posé par le mode de scrutin ne peut pas non plus être éludé. » (Discours d’investiture du 12-6-1957.)

 

A ces prises de position, aussi multiples que dépourvues d’effet, devait faire bientôt écho une voix plus haute.

 

Le Chef de l’Etat élève la voix.

 clip_image022Dès son accession à la présidence de la République, M. René Coty mettait en avant la nécessité et l’urgence d’une réforme des institutions :

« En face de la gravité et de la complexité croissantes des problèmes qui, de toutes parts, nous assaillent, qui pourrait nier la nécessité d’affermir dans la continuité l’autorité du gouvernement de la République ? Vous saurez y pourvoir. Sinon, l’Etat serait bientôt en danger, et l’Etat, on l’oublie trop, c’est la République et c’est la Patrie. » (Message au Parlement, 19-1-1954.)

Au contact des responsabilités, il se faisait plus pressant :

« Si malfaisante que soit l’instabilité ministérielle, le pis, c’est encore qu’au cours de leur existence éphémère, les chefs successifs du gouvernement de la France voient sans cesse et à tout propos remises en question, la confiance et l’autorité dont ils ont été investis, et sont, jour après jour, harcelés, harassés, jusqu’à être trop souvent [les mieux doués et les plus robustes n’y ont pas échappé] moralement et physiquement exténués. » (Dunkerque, 15-10-1955.)

Au fur et à mesure que la crise s’aggrave, le chef de l’Etat se fait plus précis :

« Nous constaterons que la France est le pays où le pouvoir exécutif est le plus désarmé en face du pouvoir législatif, alors qu’en raison de la diversité et de la mobilité d’une opinion souvent passionnée, de l’ampleur et de la gravité de nos problèmes, nous aurions plus que d’autres besoin de continuité et d’autorité gouvernementales. » déclare-t-il à Strasbourg le 8 juillet 1957.)

Où cela nous a-t-il conduits ?

Il convient de citer : Indochine, Tunisie. Maroc, Comptoirs de l’Inde perdus ; Algérie menacée ; Union française ébranlée ; la France discréditée à l’étranger et abaissée à l’O.N.U.

Le régime démocratique est mis en péril par la désaffection croissante du peuple. L’économie est déséquilibrée et en perpétuel état d’inflation.

Il faut également noter une position humiliante de dépendance financière à l’égard des Etats-Unis et même de l’Allemagne. Une stagnation sociale caractérisée par l’importance des effectifs du parti communiste qui atteint là son apogée.

Le pays était au bord de la désagrégation et de la guerre civile.

En mai 58, dans un sursaut national, René Coty confie au général de Gaulle et à son gouvernement le soin de rétablir l’ordre républicain et de préparer cette refonte des institutions dont chacun avait proclamé la nécessité, mais que personne n’avait su mener à bien.

L’inefficacité des procédures ordinaires.

On se demande pourquoi, en présence de l’accord quasi unanime des chefs de toutes les grandes formations nationales pour une réforme constitutionnelle, celle-ci n’a jamais pu être réalisée.

Le système a deux fois tenté de se réformer lui-même.

La première réforme constitutionnelle fut mise en chantier, par l’adoption, le 30 novembre 1950, à l’Assemblée nationale, d’une résolution rendant possible la révision de onze articles. L’adoption en dernière lecture des onze articles modifiés n’eut lieu que le 30 novembre 1954.

Il a fallu quatre ans au Parlement pour procéder à des retouches superficielles.

L’expérience montra vite que ces retouches étaient tout à fait insuffisantes.

Peu avant sa dissolution, la deuxième législature mit en route, à son tour, une procédure de révision qui portait sur la durée des sessions parlementaires, l’initiative des députés en matière de dépenses et la réforme de la motion de confiance.

Au 1er juin 1958, rien n’avait encore abouti. Les textes votés par l’Assemblée nationale et transmis au Conseil de la République étaient d’ailleurs sans commune mesure avec les nécessités d’une véritable réforme.

Il était alors difficile d’espérer qu’un régime se réforme lui-même. Trop d’habitudes ancrées et de considérations personnelles s’y opposent.

Le peuple seul détient le pouvoir constituant.

Il est normal qu’en dernier ressort le peuple se prononce lui-même sur le système appelé à le régir.

La Constitution de 1946, elle-même, prévoyait le référendum en matière constitutionnelle. Mais les assemblées avaient la possibilité d’y échapper en adoptant les nouveaux textes à des majorités qualifiées. Tout le jeu consistait pour elles à essayer d’atteindre ces majorités pour éviter le référendum. Quand les majorités qualifiées ne pouvaient pas être atteintes, on préférait enterrer la réforme.

Devant la menace de guerre civile, le général de Gaulle a accepté de prendre les responsabilités du gouvernement, afin que lui soit donnée mission de préparer une constitution nouvelle. Pour éviter que cette constitution nouvelle s’enlise encore dans les marécages de la procédure parlementaire, le général de Gaulle a obtenu que le projet élaboré par le gouvernement soit soumis directement au peuple.

Suivant une procédure régulière, les assemblées ont voté la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui habilite le gouvernement à établir un projet de loi constitutionnelle sur la base de cinq principes.

1 – Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C’est du suffrage universel, ou des instances élues par lui, que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ;

2 – Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés, de façon que le gouvernement et le parlement assument, chacun pour sa part et sous sa responsabilité, la plénitude de leurs attributions ;

3 – Le gouvernement doit être responsable devant le parlement ;

4 – L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles, telles qu’elles sont définies dans le préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des Droits de l’Homme à laquelle ce préambule se réfère ;

5 – La constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés.

Ces cinq principes ont été intégralement respectés.

Par ailleurs, l’avis d’un Comité consultatif composé de membres désignés par le parlement et par le gouvernement a été recueilli. Le gouvernement du général de Gaulle en a largement tenu compte.

En trois mois, la réforme a été mise au point et approuvé à 80% par référendum le 28 septembre 1958.

Le peuple, Maître de son destin, c’est cela la démocratie.

 

La nouvelle constitution assure l’autorité du président de la République, chef de l’État.

Le président de la République est un arbitre politique. Le Chef de l’Etat nomme le Premier ministre et reçoit sa démission, peut demander à l’assemblée une deuxième lecture d’un texte de loi et au peuple de se prononcer sur un texte de loi, par le référendum, et sur la politique du gouvernement, par de nouvelles élections après dissolution de l’Assemblée nationale.

Le président de la République représente le recours suprême de la nation. A ce titre, il est chef suprême des armées et en cas de péril national, il peut prendre les décisions nécessaires. Il est président de la communauté instituée entre la France et les peuples associés à son destin.

 clip_image024Pour assumer cette vaste responsabilité, il reçoit son autorité du peuple par l’intermédiaire d’un collège électoral élargi, comprenant les membres du parlement, des conseils généraux, des municipalités, et les représentants des peuples d’outre-mer.

Ce collège électoral représente environ 80.000 personnes. Tous les maires de France en font partie. Afin d’assurer une équitable représentation de la population des grandes villes, des « électeurs présidentiels » y seront adjoints aux conseillers généraux et aux conseillers municipaux.[1].

La nouvelle constitution précise la mission du parlement

Conformément à la tradition républicaine, le parlement est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale élue au suffrage universel direct et le Sénat élu au suffrage universel indirect.

Le parlement reçoit une mission précise : il fait seul la loi et il contrôle l’action du gouvernement, responsable devant lui.

Diverses réformes tendent à augmenter l’efficacité du travail parlementaire :

Les députés doivent prendre part personnellement aux votes ; l’Assemblée discute en priorité les projets du gouvernement, l’ordre est introduit dans les débats législatifs ; les sessions du parlement sont plus courtes et mieux adaptées au travail législatif. Le budget doit être voté au plus tard le 1er janvier.

La nouvelle constitution donne au gouvernement les moyens d’agir

Le gouvernement a les moyens d’agir :

Une délimitation nette entre le domaine de la loi et le domaine du règlement permet au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la gestion courante des affaires du pays ;

La réglementation de la motion de censure interdit au parlement de « harceler » le gouvernement

Enfin, un député ou un sénateur ne peut devenir ministre sans renoncer à l’exercice de son mandat parlementaire jusqu’à la fin de la législature.[2]

L’action gouvernementale est contrôlée par le parlement.

Pour que le gouvernement soit amené à démissionner, il faut qu’une motion de censure soit votée par la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale.

La nouvelle constitution institue entre la métropole et les peuples d’outre-mer une communauté fondée sur l’égalité des droits

La communauté entre la métropole et les peuples d’outre-mer est fondée sur la libre détermination des peuples

La politique volontariste du Général en matière de décolonisation a de fait supprimé la majeure partie des articles consacrés à la Communauté

La nouvelle constitution sera respectée

Le Conseil constitutionnel est chargé de veiller à la régularité de l’élection du président de la République, des parlementaires et des opérations de référendum, et au respect de la constitution dans le texte des lois organiques et le règlement des assemblées. Il est consulté en cas de péril national. Depuis 1958, les prérogatives du Conseil Constitutionnel se sont développées et renforcées.

 clip_image026A son adoption en 1958, cette constitution était-elle immuable ? A la lumière de l’expérience, des modifications apparaissent un jour nécessaires. Comme toutes les institutions humaines, une constitution doit pouvoir être adaptée à l’évolution de la société.

Ainsi, une procédure est alors prévue pour une révision éventuelle : elle comporte un droit d’initiative, soit du parlement, soit du pouvoir exécutif.

La parole est alors donnée au peuple, qui est appelé à se prononcer par la voie du référendum. L’obligation démocratique que le général de Gaulle s’était imposée en préconisant le parallélisme des formes (Seul un référendum doit pouvoir modifier ce qu’un référendum a institué) est aujourd’hui abandonnée, notamment par l’instauration du quinquennat.

 

Avec l’instauration de la Ve République disparaissent : – un Président de la République privé de l’autorité indispensable à l’exercice de sa mission ; un Parlement légiférant sur les matières les plus divers et parfois les plus futiles, sans ordre ni méthode, harcelant sans cesse le gouvernement, ; – un Gouvernement menacé à chaque instant dans son existence, renversé par des groupes minoritaires réunis dans des coalitions hétéroclites, désuni parce que ses membres continuent, au sein du gouvernement, à se comporter en mandataires de leurs partis.

Au contraire, cette nouvelle constitution permet : – un Président de la République doté des pouvoirs nécessaires à l’exercice de l’arbitrage national ; – un Parlement légiférant dans les domaines les plus importants et sur toutes les questions intéressant l’ensemble des citoyens, et votant le budget avant le 1er janvier ; – un Gouvernement créé en dehors des combinaisons de groupes, doté des moyens nécessaires à son action, responsable devant le parlement, et formé d’hommes qui renoncent à leur mandat parlementaire, pour se consacrer entièrement à l’exercice de leurs fonctions ministérielles.

Les antigaullistes de l’époque s’acharnent contre le projet de l’homme du 18 juin. Pour eux, « le gouvernement sera trop puissant« . Mais « Quand l’Etat s’abaisse, les féodalités montent. » précisait néanmoins le Président René Coty.

Ce sont toujours les avocats des féodalités qui déclarent trop puissant un exécutif démocratique qui pourra les mettre à la raison.

Dans un monde dur et dangereux, il faut un Etat fort pour que les citoyens demeurent libres.

La vérité est que certains veulent que la démocratie soit faible, parce qu’ils veulent la truquer ou la dévorer. D’autres veulent qu’elle soit assez forte pour résister à ses adversaires et assurer l’avenir du pays.

« Cette constitution n’est pas démocratique » répètent, aujourd’hui encore, ceux pour qui les jeux parlementaires sont autant de délices politiciens. Mais Il ne faut pas confondre la démocratie avec désordre et impuissance.

En fait, la constitution innove sur trois points dans un sens plus démocratique que la précédente : elle élargit le collège électoral du président de la République [en 1962, il y aura l’instauration du suffrage universel] ; elle permet au peuple de participer à la confection des lois par la voie du référendum ; elle prévoit pour tous les partis l’obligation de se conformer aux principes démocratiques.

« Cette constitution n’est pas républicaine s’époumonent d’autres 

Il ne faut pas confondre la République avec une poignée de partisans qui veulent la coloniser et la monopoliser.

En fait, la constitution établit tous les pouvoirs sur le fondement du suffrage universel. Elle renforce la séparation des pouvoirs. Elle organise un nouveau système de garantie des libertés individuelles. Elle s’inscrit ainsi, plus que la précédente, dans la tradition républicaine.

« Cette constitution est antiparlementaire  » répètent, aujourd’hui encore, ceux pour qui les jeux parlementaires sont autant de friandises. Mai Il ne faut pas confondre le régime parlementaire avec le régime d’assemblée.

En fait, le parlement conserve ses deux prérogatives : il fait les lois et contrôle l’action du gouvernement.

Notons qu’aux Etats-Unis, le Congrès ne peut pas renverser le gouvernement. C’est un régime présidentiel.

« Cette constitution est faite pour le général de Gaulle » regrettent les revanchards de la France vichyste. 

clip_image028Elle est certes inspirée par la critique judicieuse de la Constitution de 1946, faite dix ans à l’avance par le général de Gaulle, mais la constitution n’est faite ni pour un homme ni pour un parti : elle est faite pour un peuple, qui choisira lui-même ses représentants.

Quant au général de Gaulle, il a démontré qu’il mettait la force des institutions au service de la patrie et non de sa personne. (Voir référendum du 27 avril 1969)

« La crainte d’un conflit entre Le président et le premier ministre « 

Or, le président de la République ne gouverne pas ; il est placé au-dessus de l’exécutif comme du législatif. Non seulement il ne provoque pas de conflits, niais il a pour mission de les arbitrer. Sa présence est donc de nature, non à créer des heurts, mais à les éviter. Bien entendu, ceci nécessite des prérogatives présidentielles et gouvernementales respectées par tous ; ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, le Président de la République jouant au Premier ministre, lequel n’est rien d’autre qu’un « proche collaborateur » du locataire de l’Elysée.

L’autorité du chef de l’État et la nouvelle réglementation de la motion de censure mettent le gouvernement à l’abri d’une instabilité qui était la maladie chronique de la 4e République.

Mais aucun texte ne crée automatiquement la stabilité du pouvoir : celle-ci ne peut résulter que de l’effort de tous les citoyens pour créer un large accord entre eux.

Malgré les dernières tentatives de Nicolas Sarkozy de les saborder, notons que depuis plus de cinquante ans les institutions de la 5e République durent et structurent la vie politique de notre Nation.

Mais attention ! Il convient de tirer la sonnette d’alarme. A trop les modifier, notre constitution risque de ressembler à la précédente comme le précisait Michel Debré, premier chef de gouvernement de la 5e République en 1990 :

« Cette constitution forme un tout et c’est pourquoi toute modification, sous prétexte de toilettage, ne peut que préoccuper ceux qui souhaitent que la France soit gouvernée« 

 

Alain KERHERVE

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[1] L’instauration du suffrage universel pour l’élection du Président de la République fera l’Object, en 1962, d’un référendum.

[2] Cette disposition importante garantit la solidarité gouvernementale, donc la stabilité de l’exécutif. Cette disposition centrale de la constitution a été supprimée par la réforme constitutionnelle (décision du Congrès et non pas un référendum) initiée et voulue par Nicolas Sarkozy. Lire aussi Combattre pour la défense de notre constitution

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