Après Woerth, feu sur Kouchner au Monde et à l’Assemblée
- Régis Soubrouillard – Marianne
En publiant une tribune signée d’Hubert Védrine et Alain Juppé ainsi qu’une longue interview de l’écrivain et ancien ambassadeur du Sénégal, récemment débarqué, Jean-Christophe Rufin, le journal Le Monde s’est fait le porte-voix de la crise que traverse le Ministère des affaires étrangères. Un contexte budgétaire difficile et un ministre écarté des processus de décision, le quai d’Orsay traverse une zone de turbulences
Un budget serré comme jamais, des diplomates qui font la grimace et un secrétaire d’Etat à la francophonie qui pose sa démission sur fond de polémique sans être remplacé. Le quai d’Orsay a perdu la main sur la diplomatie française et en cas de remaniement, Bernard Kouchner pourrait bien faire partie de la charrette. L’Elysée a d’autres chats à fouetter, ces temps-ci, certes, mais le temps est à l’orage au dessus du ministère et la Sarkozie prend l’eau de toutes parts.
La Françafrique toujours à l’ordre du jour
Dans le même journal, Jean-Christophe Rufin, l’ancien ambassadeur du Sénégal, récemment débarqué, livre une charge beaucoup plus politique à l’encontre du ministre et dénonce le retour à des pratiques douteuses. Kouchner en prend pour son grade. L’écrivain évoque un ministère « sinistré » dans lequel le ministre a complètement perdu la main : « ces dernières années, un mode de gouvernance particulier s’est construit : les affaires africaines les plus sensibles sont tranchées par Claude Guéant qui n’a aucune connaissance particulière de l’Afrique ».
Les coups pleuvent. Jean-Christophe Rufin dénonce également l’influence des réseaux parallèles. Le retour à la Françafrique ? Pas tout à fait. « Les années 2007-2010 ont vu se reconstituer tous les vieux travers de la relation franco-africaine » confirme l’ancien diplomate. A ceci près que ces réseaux sont « construits à l’inverse des réseaux Foccart qui existaient au temps du général de Gaulle. Jacques Foccart avait ses défauts mais on ne pouvait lui dénier le sens de l’Etat. Ses réseaux occultes étaient censés servir les intérêts de la France. Aujourd’hui, il s’agit de réseaux de lobbying qui cherchent à faire valoir les intérêts de tel ou tel régime africain auprès des autorités françaises ». Rufin cite notamment le cas de l’avocat Robert Bourqi, intermédiaire privilégié de l’Elysée.
Il décrit par le menu les dérives de cette politique tout en duplicité : « D’un côté, il y a un Quai d’Orsay qui sert de vitrine à la fois “people” et morale et, de l’autre, une realpolitik faite par-derrière et par d’autres ». Le départ d’Alain Joyandet ce week-end, du poste de secrétaire d’Etat à la Coopération confirme cet état de fait. La relation entre la France et l’Afrique devait être la principale occupation d’Alain Joyandet. Il n’a pas été remplacé. La symbolique est forte.
La diplomatie revisitée par les Shadocks
Rufin décrit enfin des scènes surréalistes, un ministère des affaires étrangères investi par les Shadocks : « M. Kouchner a réorganisé le ministère à la manière d’une organisation non gouvernementale (ONG). Il a créé une “direction de la mondialisation” au titre ronflant, qui laisse entendre que la France peut régler les problèmes du monde. Mais quand vous pénétrez dans les bureaux, vous découvrez deux personnes sans aucun moyen, supposées lutter par exemple contre le réchauffement climatique ! ».
Un constat dont la virulence n’a pas plu au ministre des affaires étrangères qui dans un premier temps a préféré ignorer la charge de son ancien « copain », sensible comme lui aux causes humanitaires: « De qui parlez vous ? Ah ! l’homme que j’avais nommé, qui n’était pas ambassadeur, et qui n’est pas content que je ne lui téléphone pas alors qu’il a demandé lui-même à partir ».
Sur le fond, Kouchner récuse tout affaiblissement du Quai d’Orsay : « qu’il y ait des influences contradictoires, je le sais. Lui aussi et c’est pour ça que je me réjouissais de travailler avec lui ».
Le règlement de comptes a continué à l’assemblée nationale, après une question de Jean Glavany au ministre affaires étrangères, Bernard Kouchner a salué « l’action de cet ambassadeur à Dakar. Mais cela ne lui permet pas d’avoir un droit ni de regard sur les nominations ni de critiques sur un successeur» avant de souhaiter qu’il « ne s’étouffe pas de haine ». Tout en diplomatie
Laisser un commentaire