Lettre à Dominique de Villepin

Choisel Francis – mardi 15 juin 2010

  

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Monsieur le Premier Ministre,

Vous vous apprêtez à lancer votre mouvement politique. Vous voulez bâtir une alternative au

sarkozysme. Et vous ambitionnez qu’elle dépasse votre propre personne, qu’elle ne soit pas seulement « villepiniste », ou même « néo-chiraquienne », mais authentiquement gaulliste.

Vos déclarations et celles de ceux qui vous entourent en font foi. Le site de votre club politique en témoigne également. Vous y situez votre action dans « un esprit de rassemblement inhérent au gaullisme » et vous vous y considérez comme l’incarnation d’« une certaine idée de la France et de ses institutions », cette « certaine idée » de la première page des Mémoires de Guerre, ces institutions qui sont le legs principal, ou du moins le plus consensuel, du fondateur de la Ve République. D’où le choix du 19 juin, le lendemain du 18 ainsi que l’ont souligné tous les commentateurs, comme date de votre congrès fondateur.

À cette démarche, je ne peux que souscrire.
Permettez-moi toutefois de vous rappeler que le gaullisme, comme la Révolution française selon Clemenceau, forme un bloc. Et dans ce bloc, il n’y a pas seulement l’autorité de l’État, la participation, le respect de l’Homme, il y a aussi et peut-être surtout, l’indépendance.
Cette indépendance, spontanément, vous l’incarnez sur la scène politique nationale depuis votre spectaculaire discours au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est cela, et cela seul d’ailleurs, qui fonde dans l’opinion votre légitimité à briguer en 2012 le pouvoir suprême.
Mais l’indépendance gaullienne, ce n’est pas seulement la résistance à l’Amérique, c’est aussi le rejet de l’Europe supranationale. Relisez, dans les Mémoires d’Espoir, le dernier mot du général de Gaulle sur le sujet. Relisez cette page où il dénonce ces partis qui « professent le “supranational”, autrement dit la soumission de la France à une loi qui ne serait pas la sienne », soumission qui prend la forme tantôt de « l’Organisation atlantique qui mettrait la sécurité, par conséquent la politique, de notre pays à la discrétion d’un autre », tantôt de diverses institutions internationales « où nos représentants, sans jamais dire : “Nous voulons”, ne feraient que “plaider le dossier de la France” », tantôt de « l’adhésion à “l’Europe” vue comme une construction dans laquelle des technocrates formant un “exécutif” et des parlementaires s’investissant du législatif – la grande majorité des uns et des autres étant formée d’étrangers – auraient qualité pour régler le sort du peuple français ».

Ne croyez-vous pas que cette Europe que dénonce le général de Gaulle est celle de la Constitution européenne et du traité de Lisbonne, dans laquelle nous vivons hélas aujourd’hui ? Et n’avez-vous pas appelé à voter, en 2005, cette constitution que les Français ont rejetée ? N’avez-vous pas accepté sans sourciller ce traité ?

Pensez-vous aussi que le général de Gaulle eût admis que ce que les Français avaient défait par référendum, à une large majorité, un Président, un Gouvernement et une poignée de parlementaires puisse le refaire malgré eux et sans les consulter ?

Alors, si vraiment vous voulez incarner le gaullisme, il vous faut dénoncer hautement le traité de Lisbonne, son contenu aussi bien que la procédure par laquelle il a été imposé.

Il vous faut clairement annoncer que vous êtes déterminé à ce que la France recouvre sa liberté d’action vis-à-vis de Bruxelles, autrement dit à substituer une Europe gaullienne à l’Europe de Jean Monnet et de Jacques Delors. Les Français, n’en doutez pas, vous suivront…

Vous devez le faire, plutôt que d’appeler, comme récemment, à « une gouvernance européenne plus forte, une Commission plus forte, un Parlement plus fort, pour remettre cette Europe en marche »

Si vous vous y refusez, parce que telles ne sont pas vos convictions ou parce que vous n’avez pas le courage d’une telle rupture, alors, avec regret, je vous dénie le droit de vous réclamer du gaullisme

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