Pour Daniel Garrigue, député villepiniste de la Dordogne…
… 2010 sera l’année de l’alternative politique
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En rupture de ban avec l’UMP, le député de la Dordogne Daniel Garrigue souhaite constituer un pôle de gaullistes sociaux autour de Dominique de Villepin. Il précise les principaux axes qui peuvent porter son projet
« Lorsqu’il a fondé la Vème République, le général de Gaulle poursuivait quatre objectifs principaux :
Assurer l’indépendance de la France par la maîtrise de notre Défense, par l’affirmation de notre politique étrangère, par l’ambition industrielle, et contribuer à bâtir ce qu’il appelait, dès 1964, une « Europe européenne », capable de mettre en valeur nos intérêts vitaux, notamment les enjeux agricoles, mais capable aussi de décider par elle-même.
Rétablir l’équilibre de nos finances publiques, dévastées par le manque de fermeté des gouvernements d’avant 1958.
Affirmer la solidarité entre les Français, et il a toujours tenu fortement à cette idée de solidarité, qui repose sur une conception simple ; il est normal que l’on demande des efforts aux Français, mais la contrepartie de cet effort, ce sont la justice sociale et la justice fiscale.
Enfin, doter la France d’institutions fortes, équilibrées et stables : un Président qui préside, à la fois guide et arbitre, un Premier Ministre qui conduit au quotidien la politique de la nation, un Parlement qui légifère et qui contrôle, l’ensemble étant fondé sur la primauté du suffrage universel, c’est-à-dire la volonté et le choix sans appel du peuple français.
Ces principes, qui sont toujours actuels, fondent le gaullisme et il faut dire qu’ils avaient été, pour l’essentiel, respectés par les majorités et par les présidents qui s’étaient succédés depuis lors, y compris celles et ceux de gauche, au point que certains ont pu parler d’un consensus gaullo-mitterrandien, au moins sur la Défense et sur la politique étrangère.
Or, depuis deux ans, nous nous écartons de plus en plus de ces principes, quand nous ne sommes pas dans leur reniement.
1) Certes, c’est le Président de la République qui a été largement à l’origine du Traité de Lisbonne et qui a contribué efficacement à la riposte face à la crise financière à l’automne 2008, et nous le lui reconnaissons bien volontiers. Mais depuis la fin de la présidence française, que de reculs :
le retour dans le commandement intégré de l’OTAN, qui n’avait pas été annoncé pendant la campagne des présidentielles –on ne nous parlait alors que de Défense européenne- qui ruine la position qui nous permettait de proposer à nos partenaires une démarche commune et qui nous met, de plus en plus souvent, en position de supplétifs des Etats-Unis,
le choix du libéralo-atlantiste José Manuel Barroso comme président de la Commission européenne, alors que nous aurions pu tenter d’imposer un Français plus indépendant et plus régulateur,
la faiblesse des décisions prises au G20 après les rodomontades sur les bonus et sur les paradis fiscaux,
la lenteur de la réaction sur la crise laitière et l’absence de toute proposition pour la suite de la Politique agricole commune, alors que le temps va de plus en plus presser.
2) Le désintérêt pour les finances publiques est apparu dès le départ, puisque l’effort engagé par Dominique de Villepin pour réduire les déficits a été abandonné dès avant la crise financière. Celle-ci justifie certes les déficits, mais elle ne justifie pas la fuite en avant, dont le grand emprunt devient le symbole, et qui laisse se répandre l’idée selon laquelle on peut vivre sans mal avec des déficits sans fin. Cette attitude qui nous sépare peu à peu de nos principaux partenaires est suicidaire car elle ne pourra se résoudre que dans une inflation de longue durée ou dans une politique d’austérité insoutenable, et qu’en attendant, comme l’a souligné l’économiste Paul Fabra, la banalisation des déficits et la manipulation, par les banques et les grandes entreprises, des flux de trésorerie, oppriment la multitude des fournisseurs et des sous-traitants et détruisent toujours plus d’emplois.
3) Cette crise des finances publiques se double d’une véritable crise de la solidarité. Certes, il y a eu l’institution du RSA, et nous la saluons car elle est un progrès par rapport au RMI, mais l’institution et plus encore l’élargissement du bouclier fiscal ont rompu avec ce principe simple qui veut que chacun contribue à l’effort commun en fonction de ses revenus et de ses moyens. Explicable à la limite en période normale comme une sorte d’avance sur la baisse alors annoncée des prélèvements obligatoires, le bouclier fiscal devient injustifiable en période de crise, car la justice et le partage de l’effort deviennent alors les seuls mots d’ordre. Le gouvernement en a conscience, mais au lieu de remettre en cause son dogme, et de faire appel aux prélèvements à caractère général comme l’impôt sur le revenu ou la CSG, il préfère annoncer des taxes à caractère archaïque ou des prélèvements socialement injustes. On ne réussit pas à légiférer sur les bonus, mais après avoir supprimé l’an dernier, la demi-part des veuves, on parle d’élargir le forfait hospitalier et d’imposer les indemnités des accidentés du travail.
L’injustice de ces choix se double du caractère brouillon de leur mise en œuvre : compensation trop limitée de la taxe carbone, surtout pour les ruraux, réforme hâtive et non concertée de la taxe professionnelle, au détriment du rôle économique des intercommunalités, ce que dénonce aujourd’hui avec indignation le maire de Bordeaux et ancien Premier Ministre, Alain Juppé.
4)Enfin, le glissement des institutions vers une « hyperprésidentialisation » auxquels les commentateurs tentent de donner un qualificatif –césarisme démocratique, despotisme inefficace, République du leadership ?-.
Certes, dans cette dérive qui efface le Premier Ministre et qui subordonne le Parlement, tout n’est pas la faute du Président de la République. Il y a la part du quinquennat. Il y a la part, à mon sens très importante, de la concomitance entre le mandant présidentiel et le mandat de l’Assemblée Nationale, mais il y a aussi la volonté de Nicolas Sarkozy de vouloir intervenir sur tout –sauf sur la crise du lait- et de surfer en permanence sur l’actualité et, plus grave encore, de contrôler tous les contre-pouvoirs ; celui des médias, celui de la Justice, où, sans attendre la suppression annoncée du juge d’instruction, on assiste à une montée en puissance du parquet, avec des enquêtes préliminaires qui s’éternisent et dont on a parfois le sentiment qu’elles sont réglées sur mesure.
J’ai essayé de débattre au sein de l’UMP et quand on m’a fait comprendre que le débat n’était pas possible, j’ai quitté l’UMP, et croyez-moi, je suis certain que d’autres, et non des moindres, ne tarderont pas à suivre la même voie.
Et je suis aujourd’hui conduit à m’opposer de plus en plus souvent –sur les sujets que j’ai évoqués, sur le travail dominical, sur le développement des jeux d’argent- et à rechercher en conséquence les voies d’une alternative, d’une alternative européenne, sociale et républicaine.
Cette alternative, elle doit avoir une ambition, celle de respecter les principes de la Vème République, celle aussi de bâtir –nous célébrions il y a peu le discours de Jacques Chaban-Delmas ce qui reste toujours d’actualité- une Nouvelle Société
Bâtir une Nouvelle Société, c’est se donner de la perspective, au lieu de surfer sur l’actualité et de saturer les médias, c’est ouvrir largement le dialogue, et singulièrement le dialogue social, au lieu d’asséner des vérités toutes faites et de multiplier les promesses qu’ l’on ne tient pas – à Gandrange ou ailleurs-, c’est prendre les vrais problèmes à bras le corps –le chômage, les déficits, le poids de la sphère financière– au lieu de plonger dans les fuites en avant –celle des emprunts ou celle des proclamations sans suite sur les bonus ou sur les paradis fiscaux.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est se donner pour objectif de rétablir la justice fiscale et la justice sociale, d’établir une flexicurité qui donne plus de souplesse aux entreprises face à la mondialisation mais aussi plus de garanties aux salariés, et notamment de corriger par un effort de péréquation, de formation ou de conversion, les différences considérables qui existent, face à la crise et au chômage, entre le salarié d’un grand groupe et celui d’une PME.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est lutter contre d’emprise du monde financier sur l’économie, c’est encourager, dans l’entreprise, l’information, l’association et la participation, c’est remettre en question les instruments destructeurs de nos entreprises tels que le LBO ou la captation des profits exercée par de trop nombreux fonds de pension.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est vouloir l’égalité des chances, en posant une nouvelle fois le problème de la réforme du collège, comme le fit dans le passé, le recteur Capelle, au lieu de la contourner par la réforme de l’école ou du lycée, comme l’a fait Xavier Darcos. C’est donner toute leur place et toute leur reconnaissance à l’enseignement technique et professionnel et aux formations en alternance.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est donner aux médias nationaux et locaux, les moyens de leur indépendance au lieu de les soumettre aux influences et aux dépendances de ceux qui les financent, directement ou indirectement, c’est l’idée d’une politique pénale, expression de la volonté nationale, mais se traduisant à l’égard du parquet par des directives générales et non par des instructions particulières, c’est garantir l’indépendance des juges d’instruction, et c’est engager une politique pénitentiaire fondée autant sur la réinsertion que sur la sanction.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est différencier les solutions qui s’appliquent aux grandes agglomérations et celles qui s’appliquent aux territoires ruraux, c’est reconnaître dans un grand pays tel que la France, le réseau indispensable des villes petites et moyennes, le rôle indispensable du département en milieu rural, c’est admettre l’existence d’un nouveau monde rural, qui est en plein essor démographique, où toutes les générations sont représentées, mais qui a des attentes nouvelles, sur les services –La Poste, bien sûr, mais aussi la garde des jeunes enfants-, sur les réseaux, sur le problème crucial de la présence médicale que l’on ne résoudra que par la régulation-, et qui ne vivra que si nous savons maintenir une agriculture, ce qui suppose que dès maintenant nous formulions des propositions, plus simples peut-être, mais plus proches de la réalité des territoires, pour poursuivre la politique agricole commune.
Bâtir une Nouvelle Société, c’est vouloir une Europe ambitieuse et indépendante, ouverte à toutes les générations, c’est vouloir associer suffisamment en amont les parlements nationaux au processus de codécision, c’est vouloir, dans nos propres institutions, découpler le mandat présidentiel et le mandat de l’Assemblée Nationale, et affirmer la primauté et l’expression fréquente du suffrages universel.
Si nous voulons approfondir ces idées, si nous voulons les défendre, il nous appartient de créer un nouveau pôle gaulliste, républicain social ou républicain, et c’est à cela que nous allons nous employer, au national comme au local, en organisant dès à présent les forums pour la Nouvelle Société. Et si nous voulons proposer une alternative, nous engagerons, dès que nous serons suffisamment forts, le dialogue nécessaire avec ceux qui à droite partagent des idées généreuses, avec les socialistes réformateurs, avec les centristes, avec ceux qui veulent une écologie responsable, pour essayer de bâtir non pas une démarche tactique, mais un projet de fond apportant les réponses qu’attendent aujourd’hui les Françaises et les Français. (…)
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