Libre propos : Le mariage “gay” dans la stratégie du chaos

  • par Roland HUREAUX

Et si le projet de mariage dit « gay », quoique porté par les forces se qualifiant elles-mêmes de progressistes, était un projet profondément réactionnaire, une arme parmi d’autres de la guerre mondiale des riches contre les pauvres?

D’abord parce que, au moins dans la version que le gouvernement français a présentée au Parlement, aboutissement de l’idéologie du « genre », il participe à ce long travail de sape commencé il y a au moins quarante ans, tendant à araser les repères qui structurent la vie des peuples. Le mariage, la filiation, la différence homme-femme avaient au moins l’intérêt d’offrir à des gens de toutes les conditions sociales un système de repères : Emmanuel Todd a montré, dans ses études anthropologiques bien connues[1], comment, dans le Midi de la France, les régions à structure familiale forte permettaient au peuple de mieux résister à l’emprise des féodaux ou des notables et développaient l’esprit  social.

Atomiser les peuples

La destruction des repères nationaux passe, elle, par le développement illimité d’ organisations comme l’Union européenne, le libre-échange généralisé, la multiplication des normes mondiales qui s’imposent à la législation des États (les droits des homosexuels en font partie), l’extension de l’ « ingérence humanitaire », la casse des États qui voudraient maintenir une volonté propre forte face au nouvel ordre mondial (Yougoslavie, Irak, Libye) , mais aussi la marchandisation de l’éducation réduite à la formation d’une main d’œuvre immédiatement employable , l’affaiblissement de la culture générale, et du sens de l’histoire (l’ambassade des États-Unis à Paris est chargée de surveiller que les programmes d’histoire français ne soient pas trop nationalistes !) .

Famille, Etat, mais aussi syndicats, école : en promouvant leur destruction, le grand capital international participe, à l’échelle des nations européennes, à la même « stratégie du chaos » que certains experts du Pentagone préconisent pour le Moyen-Orient.

Il est significatif qu’après la destruction de a Yougoslavie par l’OTAN en 1999, un des premiers signes d’allégeance au nouvel ordre européen, conditionnant notamment l’admission de sa candidature à la entrée dans l’Union européenne, que l’on ait demandé à la Serbie ait été d’autoriser la Gay Pride à Belgrade.

Au terme de ce processus : l’individu atomisé des « particules élémentaires » chères à Michel Houellebecq[2] ne connaissant d’autre loi que celle du marché, inapte à toute action collective, grain de sable d’une masse fongible, proie toute désignée pour les entreprises du grand capital international qui exige sans cesse moins de solidarité (la destruction de l’héritage du Conseil national de la Résistance est en France dans l’ « agenda »), moins de protection sociale, moins de droits pour les travailleurs pour qu’ils se défendent dans les Etats, moins de droits pour les Etats pour qu’ils défendent leurs travailleurs dans le marché mondial.

Les partisans les plus déterminés du « mariage pour tous » ne cachent plus que par derrière leur revendication, c’est une abolition pure et simple du mariage qu’ils visent, d’abord parce que, défini pour un « genre » indifférencié, il n’aura plus de sens, ensuite parce qu’à terme, les obligations qui le structurent (solidarité financière, stabilité, fidélité) tendront à se dissoudre[3].

Vers de nouvelles inégalités

La société qui émerge ainsi, loin d’être plus égalitaire, comme on le prétend, sera au contraire une société inégalitaire par excellence.

Cela est déjà posé dans la loi puisque l’adoption pour tous, y compris pour les couples homosexuels, signifiera que certains enfants auront un père et une mère (ce qui était autrefois la norme et qui ne serait plus qu’un cas particulier) tandis que d’autres n’auront droit qu’à deux pères ou deux mères.

Mais ce qui est à présent inscrit dans la loi, se trouve déjà dans la réalité par l’affaiblissement du lien matrimonial dû à la multiplication des divorces, des naissances hors mariages et donc des familles monoparentales.

Les divorces sont, disent les sociologues, plus nombreux dans le peuple que dans les classes supérieures. Peut-être parce que les soucis patrimoniaux le rendent plus difficile chez les riches. Mais aussi parce que pouvoir être élevé par une famille « normale », composée d’un couple homme/femme stable constitue désormais un privilège et que, dans toutes les sociétés, les riches ont tendu à accaparer les privilèges. Selon le principe du cumul des privilèges et des handicaps, mis en évidence par Pierre Bourdieu, ceux qui ont le plus d’argent bénéficient aussi davantage d’une famille stable, ceux qui en ont le moins sont plus vulnérables aux facteurs de dissolution, les difficultés financières n’étant pas le moindre. Cas extrême : la communauté noire des États-Unis, où, les modalités de l’assistance sociale aidant, la famille monoparentale est devenue la règle.

Certes, ce n’est pas par l’argent que l’on achète l’équilibre des couples, ce serait même parfois le contraire. Mais, par-delà l’argent, une hiérarchie tendra à s’établir inéluctablement entre ceux qui, de père en fils, se transmettront des valeurs familiales de stabilité et une éducation de qualité – souvent les milieux religieux mais pas toujours -, dont les enfants auront une généalogie, des repères forts non seulement par l’histoire nationale mais aussi par l’histoire familiale, et une sorte de prolétariat affectif qui n’aura rien de tout cela, ceux qui ne seront pas « nés » comme on disait, les malheureux enfants de l’insémination artificielle venant instaurer cette inégalité en norme. Comme l’école, le droit du mariage, affaibli dans la sphère publique, se privatisera !

Ainsi se trouve aboli en Occident, pour le plus grand avantage des forces multinationales qui veulent un peuple atomisé et inerte, l’effort de quinze siècles de christianisme, souvent oppressif certes, mais qui eut pour effet démocratiser, au travers d’une discipline sexuelle aujourd’hui discréditée, ce qui était dans le monde antique le privilège des plus fortunés : avoir une gens, une généalogie, une identité familiale, un père et une mère repérables.

Ainsi se trouve remis au goût du jour le clivage qui était celui de la société antique tardive : une minorité bénéficiant des privilèges de la vie familiale « normale », de la protection du clan, d’une identité déterminée par trois noms (prénom, nom, cognomen) et une masse d’esclaves vivant dans la promiscuité de l’ergastule, séparables au gré des achats et des ventes, pauvres d’argent, pauvres de repères affectifs et moraux, mais surtout pauvres d’identité.

Qui promeut le mariage « gay » ?

Au moment où Warren Buffet proclame que les riches ont gagné la lutte des classes à l’échelon international grâce aux facilités de mouvement que le mondialisme confère aux riches et à leurs avoirs financiers, se profile ainsi une nouvelle fracture sociale entre ceux que la crise de la famille a relativement épargnés et qui ne sont désormais plus qu’une minorité bourgeoise, voire une nouvelle aristocratie, et une masse sans repères livrée aux quatre vents tant du « nouveau désordre amoureux » que du mondialisme.

Le caractère impérialiste de l’entreprise de déstructuration de la famille ne se déduit pas seulement de ses effets. Il se lit aussi au travers des forces qui en donnent l’impulsion. Même si le mariage homosexuel n’a été voté que par une dizaine d’États aux États-Unis, il s’agit des plus riches et des plus évolués ; c’est la classe dominante américaine qui le promeut et ce sont les classes populaires qui résistent, au nom de la Bible ou au nom de la tradition, dans une partie du pays. Mais si au total, la grande puissance résiste plutôt aux évolutions libertaires, l’« administration américaine », elle, les promeut férocement à l’extérieur. Ce n’est pas la première fois que les États-Unis jugent que ce qui est bon pour eux ne l’est pas nécessairement pour le reste du monde : à eux le surarmement, aux autres le désarmement, à eux les déficits gigantesques, aux autres la rigueur, à eux, la moralité néo-évangélique, aux autres l’émancipation des mœurs. A eux surtout la population et aux autres la dépopulation. Dès les années soixante-dix un rapport commandité par Henry Kissinger[4] préconisait, pour « garantir la sécurité des États-Unis », la diminution du nombre de pauvres dans le monde. Comment ? Non par leur enrichissement, mais par leur disparition : par la diminution de la population, partout sauf en Amérique du Nord, promue par l’ONU et l’OMS aux ordres, comme l’a montré Michel Schooyans[5], de leur principal financeur. Avec la décélération de la fécondité dans le monde entier, sauf aux États-Unis, ce programme est en passe d’être réalisé. Ce qui n’empêche pas la fondation Bill Gates d’aller aujourd’hui encore plus loin : au nom de préoccupations se voulant généreuses comme la défense de l’environnement et la santé des peuples, cette institution recherche un vaccin contraceptif propre à réduire à terme la population mondiale (et d’abord celle des pauvres) des neuf dixièmes.

Est-ce par hasard que les droits des homosexuels sont promus au niveau mondial par les mêmes cercles ? Comment ne pas y voir la même logique malthusienne ? Le droit revendiqué à l’adoption homosexuelle n’aboutira évidemment pas à la venue au monde d’innombrables enfants mais, en affaiblissant l’ordre symbolique de la filiation, il déstructurera un peu plus le lien familial au niveau des masses.

Depuis qu’Obama est président, les agences américaines d’aide au développement se servent, sans la moindre retenue, de la pression financière pour obliger les États les plus vulnérables à adopter le mariage et l’adoption homosexuels : des pays comme la Jamaïque, la Dominique, le Barbade, qui se situent dans l’« arrière-cour » de la grande puissance sont particulièrement exposés à ces pressions impitoyables. Mais le reste du monde est aussi dans le collimateur. La France ne subit certes pas de pressions financières même si la commission européenne s’inquiète régulièrement des progrès des droits des « LGBT » dans les États membres de l’Union européenne , mais ses grands organes de presse, dont les dirigeants sont souvent membres de la Trilatérale, du CFP[6] ou du Club de Bilderberg, ainsi transformés en agents d’influence, exercent une pression quasi-unanime sur l’opinion pour qu’elle admette la législation décidée par les grands lobbies transnationaux.

Sans doute une certaine tradition de gauche, tout en rejetant le libéralisme, continue-t-elle à voir d’un bon œil la dimension libertaire qu’il porte aujourd’hui avec lui, comme si les deux étaient séparables. Que les syndicats les plus à gauche[7] envisagent de manifester pour le mariage homosexuel, témoigne pourtant de ce qu’il faut bien appeler un aveuglement qui serait risible s’il portait sur un sujet moins grave. Mais cela n’aura qu’un temps. Plus que jamais les rapports de force mondiaux et les logiques stratégiques des grands acteurs apparaissent à nu. Que les forces dominantes prennent le risque de diviser gravement la société française (tout en la détournant des véritables enjeux économiques et sociaux liés à la crise) au moment où elles mettent le Proche-Orient, à commencer par la Syrie, au nom du même progressisme « droit de l’hommiste », à feu et à sang, participe de la même stratégie de déconstruction systématique. Que le pouvoir social-démocrate français soit, dans l’un et l’autre cas, le serviteur zélé de cette stratégie ne saurait nous étonner.

En disant non au projet Hollande de « mariage (faussement) pour tous », la France retrouvera sa vocation naturelle de puissance anti-impérialiste. Un exemple de résistance qui pourrait être contagieux. Et c’est bien ce qui, dans l’immense machine mondiale à laminer les peuples, fait peur à beaucoup.


[1] Emmanuel Todd, L’Invention de la France, Paris, Éditions Pluriel-Hachette, 1981 ; L’Invention de l’Europe, Paris, Seuil, coll. « L’Histoire immédiate », 1990

[2] Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, Flammarion, 1998

[3] Cela est apparu notamment lors de la discussion en commission du Sénat de la proposition de loi n°745 du 27 août 2012 visant à l’ouverture du mariage aux personnes du même sexe et à l’ordonnancement des conditions de la parentalité, émanée du groupe écologiste

[4] Implications de la croissance de la population mondiale pour les intérêts des Etats-Unis et pour leurs intérêts outre-mer (cité in D. Muntford, The life and death of NNSSM, North Carolina 1994.)

[5] Michel Schooyans, Le crash démographique, Fayard, 1999

[6] Council for Foreign policy

[7] SUD, par exemple

7 commentaires sur Libre propos : Le mariage “gay” dans la stratégie du chaos

  1. les inquiétudes concernant le mariage gay me paraissent très exagérées. Il ne s’agit que d’un leurre pour détourner l’attention des problèmes essentiels, et on voit que ça marche. S’il y avait un referendum je ne voterais même pas.

    Pour ceux que ça intéresse : http://reveilcommuniste.over-blog.fr/article-hypoyhese-sur-la-fonction-contre-revolutionnaire-de-l-homophobie-114369400.html

  2. Intéressant, mais incomplet , me semble-t-il. Simplement je crois que nous avons affaire à des « Possédés » au sens dostoïevskien du terme, des démons, légion au sens évangélique, qui n’ont qu’un but, celui réduire l’homme à ses passions et d e l’empêcher d’exercer sa liberté , d’exercer sa conscience spirituelle, de le réduire à « l’omnitude », au gros animal.
    Dostoïevski observe au 19 siècle rôle délétère des salons de la haute société qui accueille en son sein les nihilistes. ; Aujourd’hui ce rôle est joué par les médias, qui tentent de modeler l’opinion suivant des lobbies organisées, toujours ces « salonneux » qui veulent parce qu’il sont dénués d’amour , nous imposer , au nom du politiquement correct, de fait un modèle culturel héritée en droite ligne de L’Amérique puritaine, celle qui interdisait, il ya peu, l’alcool ou les baisers trop appuyés au cinéma et qui aujourd’hui par un modèle inversé de ce même puritanisme nous impose cette destruction du mariage, devenant vite haineux au sens propre si nous observons Act-up par exemple.
    Notre combat contre ce projet, n’est pas seulement politique, Antigone contre Créon, culturel, notre culture européenne contre ce laminoir, il est aussi eschatologique et peut réveiller les consciences.

  3. remarquable analyse

  4. Bravo et merci, cher Roland Hureaux, pour cette analyse impeccable allant au fond des choses, et dénonçant les racines idéologiques de la valetaille « socialiste » au service du Nouvel Ordre Mondial.
    La tâche des gens lucides et raisonnables comme vous, comme moi, comme tous ceux qui ont compris les vrais enjeux, – et grâce à Internet ils sont de plus en plus nombreux mais hélas dispersés dans le spectre partisan, – est d’offrir au suffrage universel déboussolé une alternative politique crédible.
    Cela suppose, forts de notre boussole « gaulliste », source vive d’inspiration, de se servir de la force que représente l’électorat du FN enfin mis au service d’un projet efficace, alliée aux forces plus faibles mais assurées idéologiquement des « souverainistes », des républicains de gauche… et de ce qu’il y a de sain nationalement à l’UMP, car cela existe pourvu que les braves gens, – non la sotte bourgeoisie d’argent indécrottable, – reviennent de l’affreux enfermement de leurs dirigeants actuels, détestable engeance.
    Droite des valeurs et gauche du travail, vaste projet !
    Un J.-P. Chevènement aurait pu l’incarner mais il n’a pas su dépasser ses préjugés « socialistes ». Un N. Dupont-Aignant l’aurait pu aussi, mais François Asselineau a mis à jour l’ambiguïté sans doute irrémédiable de son projet profond – anti-européisme de façade et pregnance d’une soumission à l’atlantisme. Quant au FN, la même critique et la même suspicion – et d’autres – peuvent lui être opposées à une échelle bien plus grande – dont témoigne évidemment son effroyable silence sur ce qui se passe réellement en Syrie – et là encore Asselineau nous a mis en garde… Alors comment progresser ?
    En attendant, la tâche des intellectuels comme vous est d’essayer de passer le mur médiatique pour écrire et parler avec le talent et la clarté d’exposition qui sont vôtres, dans les médias du Système, pour mobiliser ce qui peut l’être de l’opinion publique. Le 13 janvier prochain, nous nous compterons et il faut espérer que le million de participants sera dépassé. Mais ce ne sera qu’un début et le N.O.M. reviendra à la charge. D’autre combats, durs, nous attendent.
    Bonne année 2013 aux insoumis !
    JK

  5. Et imaginons, contre toute attente, par maladresse et jusqu’au-boutisme, que le projet de loi sur le mariage gay ne passe pas. Déflagration dans les médias, commentaires à n’en plus finir. Les homos crieraient à l’homophobie, le gouvernement à la trahison, les flash mob et les kiss in se multiplieraient aux portes des églises, manifs, contre manifs, appels au calme et aux forces de l’ordre, le spectacle jouerait les prolongations, premier avantage. Deuxième avantage, le communautarisme sexuel, meurtri dans sa chair, plus victime que jamais pourrait s’enfermer dans son malheur et pleurer les chaudes larmes du justicier incompris, il est toujours satisfaisant de s’apitoyer sur soi-même. Troisième enfin, le sujet pourrait resservir tel quel au moment opportun et lancer un nouveau cycle de reportages, micros-trottoirs, articles, tweets… Devant tant de si bonnes raisons, on se demande si effectivement ça n’est pas possible.

  6. Magnifique article, anaylse très juste et profonde. Ce n’est pas pour rien que M. Blankfein, PDG de Goldman Sachs, soutient la prétendue « mariage equality »!

    https://www.youtube.com/watch?v=cSv5bXC2ANg

    RV le 13 janvier!

  7. Je fais la même analyse.
    Ajouter que ce mariage homo ne sera élu que par les classes « bobos » et quelques originaux des classes populaires, pour ce qui est de l’hyperclasse, elle garde des mœurs très conservatrices et l’homosexualité éventuelle s’y vivra sans tabou ni mariage (lire l’excellent travail des scoiologues des riches, les Pinçon-Charlot).
    Pour les croyants – catholiques ou musulmans en particulier -, leur foi risque de les écarter de la possibilité de réussir des études dans une école et une université où l’on met au programme des théories contraires à leurs valeurs (gender par exemple).

    (Je suis choqué que mon syndicat, Solidaires, soutienne cette réforme contre les peuples.)

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  1. Le mariage “gay” dans la stratégie du chaos | Le blog qui ose critiquer les dérives du féminisme!

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