L’éternel retour du général de Gaulle
Notre chroniqueur Mathieu Bock-Côté séjourne actuellement en France, d’où il observe l’actualité française d’un œil québécois (journaldemontreal.com)
Il est fréquent de commémorer le dixième, le vingt-cinquième ou le cinquantième anniversaire de la mort d’un grand homme.
Il est plus rare de commémorer le cinquante et unième anniversaire de son départ.
C’est pourtant ce qui est arrivé en France cette semaine, de manière un peu étrange pour l’observateur extérieur, avec la commémoration de la mort du général de Gaulle.
Le 9 novembre, l’ensemble de la classe politique s’est remémoré cet anniversaire.
Commémoration
L’émotion était sincère et forcée.
Sincère, car de Gaulle demeure le dernier grand homme en date de l’histoire de France. Il inspire naturellement le respect. C’était un personnage hors norme.
C’est l’homme de la résistance à l’Allemagne nazie, dès le 18 juin 1940. Alors que son pays semblait pour de bon vaincu, il a décidé de poursuivre la lutte, au nom du caractère sacré de l’indépendance nationale, et convaincu que le IIIe Reich incarnait la plus atroce barbarie sur terre.
C’est l’homme qui en 1958, en revenant au pouvoir, a évité à son pays une possible guerre civile et lui a donné des institutions politiques stables.
C’est l’homme qui, au cœur de la guerre froide, croyait encore au destin des peuples. Nous le savons, au Québec : le 24 juillet 1967, chez nous, au terme de sa traversée du chemin du Roy, il a lancé son magnifique Vive le Québec libre, qui résonne encore dans nos cœurs !
De Gaulle est le plus grand homme politique du dernier siècle. Ajoutons, puisque ce n’est pas un détail, que c’était aussi un grand écrivain.
Mais cette émotion, je l’ai dit, était aussi un peu forcée. Car à quelques mois de l’élection présidentielle d’avril 2022, chacun cherche à s’approprier son héritage.
Les différentes familles politiques à droite le revendiquent et le définissent à leur manière.
Mais la gauche aussi, qui fut longtemps antigaulliste, semble se réconcilier avec son souvenir, quitte à s’en fabriquer une version imaginaire, sans trop de rapports avec la réalité historique.
Ce qu’il est agréable de faire parler les morts en affirmant qu’ils nous donneraient raison s’ils étaient de retour parmi nous !
Chacun se présente finalement comme son véritable héritier.
Mais cette commémoration sincère et forcée n’est pas inutile.
Une nation n’est pas qu’une association d’individus se définissant par leurs besoins économiques et matériels, comme si l’être humain était un ventre sans âme.
Histoire
Une nation a besoin de symboles vers lesquels se tourner pour se donner de la force.
Nous faisons de même, au Québec, avec René Lévesque qui joue un peu, à sa manière, le même rôle que de Gaulle dans notre imaginaire collectif. Chaque famille politique, ici, cherche aussi à s’approprier son souvenir.
Les souverainistes nous incitent à aller jusqu’au bout de son rêve, les autonomistes rappellent son nationalisme pragmatique, capable de compromis, et même les fédéralistes cherchent à nous faire croire que Lévesque serait mal à l’aise avec ce qu’on appelle le nationalisme identitaire (en passant, ils se trompent).
Retenons l’essentiel : le passé, loin d’être une matière morte, anime l’identité des peuples.
Mais quelle cause (s ?) à cette prolifération de politicards gangrenés ?
Je viens de recevoir le N° 53/54 de la revue « Opérationnels » de Murielle Delaporte-Laird dont je tire de l’éditorial ces 3 idées :
– nous sommes dans une période donnant l’impression de désarticulation d’un système global
– où manque de bons repères et points d ‘appui en vue de parfaire une stratégie
– où se constate le paradoxe de la déglobulisation économique post- pandémie et de la globalité des défis de sécurité.
Plus modestement, il me paraît que la notion de délabrement du système de gouvernance des Etats, du nôtre en particulier, relève de la sécurité des systèmes technico humains.
Les vulnérabilités politico-économiques qui en découlent en sont de mon point de vue exacerbées et produisent chez nos compatriotes de plus en plus fréquemment de la déception, de la frustration, du désenchantement, de la colère et chez certains de la haine !
Alors peut-on expliquer ces phénomènes avec un regard « à longue portée » ?
En premier lieu, il faut se rappeler que dans une chaine d’expression de la démocratie le risque de casse vient comme en tout système technique du maillon le plus faible.
C’est donc vers le peuple que nos interrogations doivent s’opérer prioritairement, en s’appuyant sur le constat majeur que par mimétisme naturel notre personnel politique est à l’image d’un peuple de moins en moins éduqué, inculturé, d’une part, et de moins en moins soucieux d’autre part à propulser aux manettes du pays des « avions »
(cf. les taux d’abstentions ainsi que les classements internationaux de l’Education nationale) !
En second lieu, lié au facteur de risque majeur précédent, la montée en puissance des minorités agissantes fait alors verser l’expression démocratique dans les enfers de la schizophrénie comportementale du « en même temps » ou bien encore de la cohabitation sulfureuse.
En troisième lieu, lié aux deux précédents, faute de résultats à la hauteur des attentes de progrès d’un peuple qui aspire au bonheur universel, la défiance vis-à-vis du personnel politique conduit au rejet du politique et à la dénonciation stérile de son ’incompétence.
Ces trois facteurs de base, ci avant exprimés feront tache d’huile et conduiront à de nouveaux désordres que Murielle Delaporte-laird qualifie de désarticulation du système global.
Face à ce péril, à ces risques, à ce stade de notre réflexion, on pourrait penser que les plus éduqués, les mieux formés aux « choses d’en haut », les plus aptes pour entrainer le peuple sur les voies de l’excellence civique feraient le nécessaire pour redresser la situation de crise politique.
Que nenni, et, paradoxalement, à l’image du p’tit chef actuellement en poste, nos responsables politiques optent pour la conduite le nez sur le guidon des égos nombrilistiques surdimensionnés en évitant soigneusement tout ce qui relèverait de nécessaires études de cas approfondies et autres programmes de Prévention des risques.
Ce faisant, l’auto-entretien des phénomènes de défiance croit et embellit sur tout le spectre de l’offre politique.
Donner l’exemple, faire preuve d’exemplarité dans sa conduite personnelle comme gages de sérieux envoyé au peuple sont désormais rangés dans l’armoire aux souvenirs d’un Gl de Gaulle pleuré régulièrement à chaudes larmes de crocodile sur tout l’échiquier en mal de faire oublier cinquante années de dérapages politicards –
Jérôme Cahuzac, Bernard Tapie, DSK, François Hollande Sarkosy, Fillon et de bien d’autres élus condamnés par la justice mais jamais atteints par la honte d’avoir été de mauvais exemples sont hélas de mauvais conseils. Le manque de repères que met en avant Mireille Delaporte -Laird sonne à cet égard totalement vrai.
Dans tout système technique la communication entre les différents étages qui le compose apparaît on ne peut plus clairement comme le fer de lance à la compréhension des mécanismes d’éventuelles défaillances.
Le système démocratique ne peut échapper à cette réglé. Comment donc donner à lire, à voir, à penser, à réfléchir, à s’instruire au plus grand nombre si donc nos gouvernants s’emploient à délivrer des messages de plus en plus flous, de plus en plus abstraits, de plus en plus complexes voire de plus en plus contradictoires ? (cf. crise sanitaire COVID19).
Au lendemain de la seconde guerre mondiale la prolifération des moyens techniques de communication, l’irruption de nouveaux médias grâce au maillage de la téléphonie mobile et de l’informatique vont ainsi jouer un rôle prépondérant dans la confusion existentielle enregistrée globalement sur toute la planète par tous les peuples tournés vers un espace qui leur passe au-dessus de la tête !!!
La révolution numérique en marche ne fait qu’accentuer ce phénomène de lutte des classes, de mise à l’écart des moins instruits, de manipulations neuronales exacerbées par des entreprises sans foi ni loi, et l’appel aux plus critiques à aller voir ailleurs si le monde est meilleur.
Dans ces conditions techniques de communication mal contrôlées, nul doute que les « politicards » les plus habiles trouvent ainsi matière à assouvir leur désir de domination.
Ainsi donc, faute d’y voir clair les citoyens se détourneront un peu plus des sources d’information qui finissent par saturer leur espace vital.
Dans ces conditions ainsi posées où heurts et malheurs en politique vont de pair, la France balance entre le « ce n’est pas facile » et le génie qui lui est reconnu.
Nous vivons une époque moderne et malgré les tumultes politico-médiatiques des « faisant fonction », il n’en reste pas moins vrai que le citoyen « de guerre lasse », comme disait un certain colonel des années 1950, le français de base est on ne peut plus confirmé dans sa fonction de concitoyen.
Renouer avec l’excellence politique ne s’improvise pas et il faudra certainement de longues années d’effort pour donner au plus grand nombre le goût de vivre au pays des Lumières !
Bien respectueusement JC BAERT Producteur de bouteille à la mer
Mathieu Bock-Cote parle d’émotion sincère et forcée.
En fait, en ces temps de campagne électorale, l’émotion semble plus forcée que sincère. Il y a des voix à prendre …
Pleurer le Gl de Gaulle de gauche à droite de l’échiquier politique est un signe de regrets éternels de celles et ceux qui, à l’époque actuelle, n’ont aucune idée ni volonté des moyens à mettre en oeuvre pour sortir la France de la médiocratie politicarde envahissante et se réfugient dans le pseudo fétischisme à bas prix des lamentations de circonstance. La question soulevée par cette déferlante « processionnaire » est de savoir QUI fera du Gl de Gaulle son modèle, adoptera ses méthodes de gouvernance ,mobilisera des troupes et fera sienne la Grandeur de la France avant la grandeur de son nombril !!!!
Sans porter atteinte au respect que l’on porte à Bock Côté, brillant éditorialiste et homme de conviction, on eut aimé qu’un journaliste, un Chroniqueur Français, fût capable d’écrire aussi bien, aussi synthétiquement ces quelques mots qui disent l’essentiel. Au passage, il y eut des Gaullistes de gauche, comme par exemple Alain Savary, officier de la navale, FNFL, qui joua un joli rôle à Saint Pierre. Parmi ces politicards présents à cette commémoration, très peu peuvent être assimilés à des Gaullistes et la plupart seraient plutôt des anti-thèses de ce Gaullisme défenseur de notre Nation, notre souveraineté.