Henri Guaino sur la droite : « Il n’y a plus d’avenir pour les cartels électoraux et les syndicats d’élus

L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy analyse l’effondrement de la droite aux élections européennes de dimanche. Pour Henri Guaino, Les Républicains qui ont perdu ce 26 mai étaient une coquille vide idéologique.

On l’a appelé pour lui proposer une autopsie de la droite après la performance catastrophique de la liste Les Républicains aux élections européennes de dimanche (8,48%). « Autopsie, c’est le bon mot ! », a souri Henri Guaino. Celui qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy puis député n’est pas étonné de l’effondrement d’un parti dans lequel il ne se reconnaît plus. Pour lui, la droite paie l’abandon du gaullisme originel, qui ne saurait ni se réduire à une ligne strictement conservatrice, ni épouser l’agenda de la bourgeoisie libérale, définitivement passée chez Emmanuel Macron.

Propos recueillis par Louis Hausalter (Marianne)

Comment analysez-vous les 8% de la liste LR ?

Henri Guaino : 8%, c’est l’étiage de ce qu’il reste. C’était déjà un socle sociologique réduit, qui avait perdu des plumes à la présidentielle de 2017, puis aux législatives. Aujourd’hui, c’est la suite logique. La cause profonde est que ce parti a peu à peu perdu son identité.

C’est-à-dire ?

Je viens de republier sur Facebook le discours (voir vidéo ci-après) que j’avais prononcé au conseil national des Républicains en 2016, et je ne retire rien de ce que j’avais dit : le péché originel, c’est l’UMP. Comme le PS à gauche, on a construit un cartel électoral rempli de contradictions. Ça tenait tant que des personnalités fortes masquaient le vide ou que la perspective du pouvoir soudait les ambitions. Mais aujourd’hui, le roi est nu.

Le péché originel, c’est l’UMP. Comme le PS à gauche, on a construit un cartel électoral rempli de contradictions.

Pourquoi les électeurs ont-ils fui ?

Idéologiquement, les centristes et les libéraux sont maintenant chez Macron, ainsi que sociologiquement une bonne partie de la bourgeoisie. C’était la frange juppéiste de LR, voire filloniste au moins sur le plan économique et social. En entrant au gouvernement, Edouard Philippe et Bruno Le Maire ne se sont pas reniés, c’était conforme à leurs idées. De l’autre côté, il y a eu une fuite vers le Front national. Un certain nombre de ceux qui se reconnaissaient dans le RPR, c’est-à-dire une frange plus populaire de l’électorat, se sont progressivement mis à voter Le Pen. Et on ne peut pas les retenir en se contentant de teindre le discours avec un peu de conservatisme sociétal, sans articuler de façon cohérente et audible le discours des valeurs et le discours social.

Le conservatisme, disons, pour simplifier, traditionaliste, est un créneau électoral très étroit. De plus en plus de gens pensent qu’il ne faut pas tout liquider mais ça vaut pour la famille, la morale, mais aussi pour les acquis sociaux du Conseil national de la Résistance. C’était la force du gaullisme d’articuler toutes les dimensions et d’associer l’ordre et le mouvement.

Vous ne gagnez pas une campagne en expliquant seulement que vous êtes à la fois contre Macron et contre Le Pen.

Aujourd’hui, Laurent Wauquiez appelle à des états généraux de la droite, tandis que Valérie Pécresse et Gérard Larcher réclament un élargissement. Qu’en pensez-vous ?

Je reste à distance de ces remous. J’observe simplement que Laurent Wauquiez n’a pas pu ou voulu reconstruire une vraie famille politique cimentée par un socle d’idées partagées. Un appareil politique qui ne s’enracine pas dans une vraie famille de pensée ne peut pas survivre durablement, surtout dans une société en crise, qui se radicalise et qui attend des réponses à son malaise. Il n’y a plus d’avenir pour les cartels électoraux et les syndicats d’élus. Vous ne gagnez pas une campagne en expliquant seulement que vous êtes à la fois contre Macron et contre Le Pen, sans que personne comprenne au nom de quoi vous êtes contre. D’un autre côté, reprendre la stratégie de l’UMP serait une impasse : elle a déjà échoué. Reprocher seulement à la majorité de ne pas aller assez loin dans ses réformes ne ramènera pas beaucoup d’électeurs qui se sont tournés vers En Marche.

Mais l’UMP n’était-elle pas une machine à gagner ?

Non. Les victoires du passé ne lui doivent pas grand-chose. L’idée que l’on ne peut pas gagner si l’union n’est pas réalisée dès le premier tour de la présidentielle n’est pas corroborée par les faits. C’est une légende. Giscard a gagné malgré Chaban en 1974, Chirac malgré Balladur en 1995, Sarkozy malgré Bayrou en 2007.

Le clivage Macron/Le Pen est-il le plus pertinent ?

Ce n’est pas d’abord un clivage idéologique mais un clivage sociologique. Je crois que dans le contexte actuel, les votes d’adhésion sont très minoritaires. Une partie des gens, des écologistes aux souverainistes et jusqu’au RN, votent contre le système pour des raisons diverses. Et en face, d’autres votent Macron parce qu’ils ont peur du vide et de ceux qui votent contre le système ! On n’est pas encore dans la recomposition, mais toujours dans une décomposition.

En additionnant Glucksmann et Hamon,
vous obtenez plus que le score de LR !

Finalement, ne faut-il pas enterrer le parti LR ?

Ce n’est pas à moi de le dire. Mais ce que je sais, c’est qu’on ne peut pas reconstruire sur les mêmes bases. En politique tout commence par les idées. Cela a l’air d’un truisme mais on n’en tire, me semble-t-il, aucune conséquence. On raisonne toujours en fonction des intérêts électoraux supposés, en allant chercher des bouts de projets et d’électorat, des bouts de clientèles ici et là. Ce bricolage ne peut pas marcher. Pour répondre à la crise que nous traversons, il faut d’abord s’efforcer de la comprendre. Prendre le temps de réfléchir, de se forger une conviction sur ce qui nous arrive n’est pas du temps perdu pour la politique. En revanche, les éléments de langage indéfiniment rabâchés, ce sont à coup sûr des voix en moins.

Mais concrètement, comment rebâtir la droite ?

Ça n’existe pas, la droite. Il y a depuis toujours une multitude de droites. La gauche existe davantage, même si elle est aujourd’hui fracturée. En additionnant Glucksmann et Hamon, vous obtenez plus que le score de LR ! Si l’on exclut Giscard en 1974, c’est le gaullo-bonapartisme qui a toujours gagné. Et le gaullo-bonapartisme ne peut pas être identifié à la droite. Chirac a gagné en 1995 sur la fracture sociale et Sarkozy en convoquant les mânes de Jaurès et de Blum. Même Giscard ne parlait pas de la droite mais du juste milieu. Au fur et à mesure que l’on s’est éloigné de ce positionnement de rassemblement populaire, la base sociologique s’est réduite. On est passé du métro à six heures du soir, selon la formule de Malraux, à la politique des dîners en ville.

 

Ne regardez pas la date affichée sur le pupitre de ce congrès. Ecoutez Henri Guaino et dites-vous que ce texte est d’aujourd’hui… J’adhère totalement à ce discours. Il a 3 ans, mais il est d’une actualité évidente.
AK

13 commentaires sur Henri Guaino sur la droite : « Il n’y a plus d’avenir pour les cartels électoraux et les syndicats d’élus

  1. ils ou elles changent de chemises ou bannières , mais où sont les électeurs leurs électeurs dans tout ça , mais où est le respect ? Une autre fracture plus que sociale , la post démocratie / Bien respectueusement

  2. Constatons simplement pour commencer que le parti républicain n’est plus gaullistes.
    Dès lors il faut le dire il faut l’écrire et dénoncer tout ce qui s’en réclame alors qu’ils ont trahi l’idéal gaullien

  3. Que reste-t-il ?

    Il reste selon les événements, le soupir des jours lointains et celui d’un avenir évanescent.
    C’est le spleen qui peut traverser des esprits en proie à des tempêtes momentanées.
    Une défaite cinglante peut en être la cause. La responsabilité en est soit personnelle, soit collective. C’est à chacun, en son âme et conscience d’entamer une introspection.
    L’amertume qui en découle ne se partage pas forcément. La traversée du désert se fera souvent dans la solitude, sans forcément le soutien d’une famille composée en décomposition, trop occupée à se déchirer et qui refusera une analyse rétrospective et prospective.
    il est même possible qu’elle fuira encore ses responsabilités en utilisant toujours les mêmes recettes vouées à l’échec tout en misant son avenir sur le court-termisme fait de bric et de broc et de compromissions de circonstance propices à des errements nocifs à la patrie déjà connus historiquement.
    Ce n’est pas une stratégie porteuse sur le long terme, en dépit d’autres possibles défaites post-sismiques dans une période proche.

    Dans l’expectative, toute famille politique doit savoir qu’elle joue sa survie. Soit elle prospère sur ce qui lui reste de son noyau dur après une déroute magistrale, soit elle se noie inexorablement.
    Sur ce qu’il reste de son socle, elle doit retrouver son authenticité et démontrer en quoi elle peut être différente des autres pour trouver des solutions originales sans jamais renier ses propres convictions.
    Le temps de la réflexion reste toujours une étape incontournable. Ce n’est pas du temps perdu quand il s’agit de consolider des digues.

    Le gros aléa du moment, c’est la crise économique avec son chômage de masse qui perdurent dans notre pays et qui provoquent l’éclatement de notre société qui se radicalise, s’invective et qui n’hésite plus à passer à l’acte violent comme si c’était une chose normale ancrée dans nos moeurs. Ce n’est pas la seule explication…
    Les laissés -pour -compte sont désemparés et livrés à eux-mêmes. Abandonnés, ils se jettent alors dans les bras des nouveaux consolateurs opportunistes. Quelle sera l’étape suivante si le marasme persiste après l’usage de toutes les options possibles et inimaginables ?
    il reste toujours le fond des choses, une source inépuisable. Pour l’exploiter, il faudra bien renouer avec les fondamentaux laissés à l’abandon. Ainsi, l’intérêt général avant le clientélisme, la liberté plutôt que l’asservissement, le pays avant les partis, le recours intellectuel et moral face à l’effondrement moral qui est un naufrage pour la France, la souveraineté et l’indépendance comme rempart à l’inféodation et la subordination dans de nombreux domaines tels que: économiques, militaires, sociaux, environnementaux, financiers, aussi longtemps que des partenaires feront l’impasse sur des coopérations équilibrées et librement consenties. La liste n’est pas exhaustive.
    C’est toute la société dans toutes ses composantes qui doit faire bloc dans un seul élan. Pour ce faire, il faut un fédérateur.
    Le Conseil National des Républicains de 2016 dont se réfère A.Guaino nous rappelle un autre CNR d’après-guerre lorsque vint le moment de la reconstruction de la France.
    On en est pas très loin !

    Rf 2.6.2019

  4. Jacques Payen // 2 juin 2019 à 10 h 08 min //

    Parfaitement en accord avec votre observation du 31 mai, M. Kerhervé. Le potentiel humain et intellectuel existe pour reconstituer une force gaulliste.

  5. « il pourrait, il devrait avoir un parti Gaulliste. » Pour quoi faire….tous ces politicards n’ont aucune ambition pour le PEUPLE….contrairement à la fibre incarnée par le Gl de Gaulle. « le chérubin du palais » , Henri Guaino, JPC, Ségolène, Nathalie et les autres ….même formatage intellectuel….MOI,MOI,MOI et rien de rien pour donner au peuple une envie d’aboutir sur les chemins du Progrès ENSEMBLE et pour TOUTES et TOUS !!!!!

  6. Complètement d’accord avec Denis
    Natacha Polony oui

  7. Il ne faut pas régler les « comptes » de cette façon. Si vous écoutez Guaino, si vous le liez, vous ne pouvez pas dire que son gaullisme n’est pas sincère. Si nous avions une dizaine de personnes de son niveau (par exemple Natacha Polony…) il pourrait, il devrait avoir un parti Gaulliste.

  8. Henri Guaino serait donc ainsi l’incarnation unique du gaullisme.
    Moi ceci, moi cela, le « yo soy » mieux que tout le monde.
    Il fut le conseiller de Sarkozy et que n’a t’il pas empêché ce dernier de réintégrer L’OTAN ? Que ne l’a t’il pas dissuadé de renoncer au traité de Lisbonne ? Ou bien encore de ne pas créer le chaos en Lybie ?
    Au nom précisément de l’idéal gaulliste dont il se prévaut sans vergogne devant une assemblée de droite médusée qui ne l’a visiblement pas entendu et qui en 2019 est en plein déclin et prête à se dissoudre par manque de chefs dignes de ce nom !
    Guaino est un beau parleur qui en reste perpétuellement aux paroles mais reconnaissons lui le mérite, de par son inaction, et à contrario de ses pairs de ne pas faire l’exact contraire de ce qu’il dit !

  9. On peut penser le contraire. H.G a essayé de « gaulliser » les discours de Sarkozy. Aujourd’hui il est libre et son discours est totalement gaulliste.

  10. Henri Guaino sur la droite : « Il n’y a plus d’avenir pour les cartels électoraux et les syndicats d’élus 3 Et les « CONS à la fois »…pour tous ces sinistrés intellectuels précoces entretenus par des pourvoyeurs d’idées creuses. La France menée par le bout du nez par les sbires du « Chérubin du palais » dont la porte parole n’est autre qu’une venue d’ailleurs mais profiteuse à souhait de la République….nous remet en mémoire ce que le Gl assumait comme verdict : » La France des veaux » !!!!!!!

  11. je ne puis qu’être parfaitement en accord avec GUAINO. LR écartelé existe encore national

  12. Mr Guaino a contribué à cette dislocation du Gaullisme en faisant des discours Gaullistes à Sarkozy qui menais ensuite une politique contraire!

  13. La droite façon LR n’a plus d’espace politique parce que Macron avec Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérard Darmanain fait la politique que ladite droite voulait faire sans oser la faire.

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