Le président et les pyromanes

«Le pire n’est point arrivé tant qu’on peut dire : “Ceci est le pire. ” » Ces jours-ci, la diplomatie française fait penser à ce vers du Roi Lear. À l’issue du quinquennat de M. François Hollande, on croyait avoir atteint le fond (1) ; quelques-uns prédisaient même un sursaut d’orgueil. Après tout, dès lors que les États-Unis affichaient leur souverain mépris envers les capitales européennes et leur désir de se dégager des obligations du traité de l’Alliance atlantique, pourquoi ne pas en profiter pour quitter l’OTAN (lire « Un donjon d’un autre âge »),renoncer à la politique de sanctions contre Moscou et imaginer la coopération européenne « de l’Atlantique à l’Oural » dont rêvait le général Charles de Gaulle il y a soixante ans ? Enfin libre de la tutelle américaine — et adulte !

En entérinant l’autoproclamation de M. Juan Guaidó comme chef de l’État vénézuélien par intérim au prétexte d’une vacance de la présidence qui n’existe que dans son imagination, Paris s’est au contraire mis une nouvelle fois à la remorque de la Maison Blanche et a donné son aval à une tentative de coup d’État. La situation au Venezuela est dramatique : inflation galopante, sous-alimentation, prévarication, sanctions, violences (2). Elle l’est aussi parce qu’une solution politique se heurte désormais au sentiment que quiconque se dresse contre le pouvoir, ou perd le pouvoir, risque d’échouer derrière des barreaux. Comment les dirigeants vénézuéliens n’auraient-ils pas à l’esprit le cas de l’ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, interdit de candidature à une élection présidentielle qu’il aurait probablement remportée et condamné à vingt-cinq ans de prison ?

La décision de la France enfreint la règle qui voulait que Paris reconnaisse des États, pas des régimes. Elle conduit également M. Emmanuel Macron à encourager la politique incendiaire des États-Unis, qui, derrière le Venezuela, vise aussi Cuba et le Nicaragua. Car la proclamation de M. Guaidó a été inspirée par les pyromanes les plus dangereux de l’administration Trump, tels MM. John Bolton et Elliott Abrams (lire « Le retour du “secrétaire d’État aux sales guerres” »). Nul n’ignore au demeurant que le vice-président américain Michael Pence a informé M. Guaidó que les États-Unis le reconnaîtraient… la veille du jour où il s’est proclamé chef de l’État (3).

Le 24 janvier dernier, M. Macron a exigé « la restauration de la démocratie au Venezuela ». Quatre jours plus tard, il arrivait l’âme légère au Caire, bien décidé à vendre quelques armes supplémentaires au président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, auteur d’un coup d’État rapidement suivi par l’incarcération de soixante mille opposants politiques et par la condamnation à mort de son prédécesseur librement élu. En matière de politique étrangère qui se prétend vertueuse, le pire est-il encore à venir ?

Serge Halimi

(1) Lire Dominique de Villepin, « “La France gesticule… mais ne dit rien” », Le Monde diplomatique, décembre 2014.

(2) Lire Renaud Lambert, « Venezuela, les raisons du chaos », et Temir Porras Ponceleón, « Pour sortir de l’impasse au Venezuela », Le Monde diplomatique,respectivement décembre 2016 et novembre 2018.

(3Cf. Jessica Donati, Vivian Salama et Ian Talley, « Trump sees Maduro move as first shot in wider battle », The Wall Street Journal, New York, 30 janvier 2019.

Source : « Le Monde Diplomatique« 

5 commentaires sur Le président et les pyromanes

  1. Ce qui arrive à la France , c’est qu’elle élue un vrai néolibéral fanatique , et qui jette à la poubelle toute la politique etrangere de lafrance que ces predecesseur ont eu la sagesse de conserver dans ces grandes lignes … LUI PAR CONTRE ,il est a se demander si avec son mimétisme des anglo-saxon , n’a pas oublié qu’il est le chef de l’état de la France !!! cela ressort de partout de son organisation de sa protection à l’Élisée ( le hors cadre et le hors norme Benlala) les dépenses inconsidérés alloué a Me Macron ? SON COMPORTEMENT CAVALIER AVEC LE POUVOIR LEGISLATIF ? SON 2CRASEMENT TOTAL DES CORPS INTERMEDIARES , son intrusion apeine dissimulé , dans les nominationet les décison de la justice . SES AMPUTATIONS TOUT AZIMUT DES AIDES SOCIALES ; BREF IL S4EST COMPORTE COMME UN GAMIN SANS LIMITE SANS RESPECT DE CE QUE SONT LES RÈGLES DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE EN franc E /// START- UP FRANCE
    et il ne veut changer de cap !!! résultat il a soulevé un mouvement de colère et de rejet comme la France n’en A pas connu depuis 1789 !!! et gare à la suite car il est incapable de comprendre ce qui se passe dans le pays et traite les insurgés de PIRE …

  2. Reconnaître les états et non les régimes est un des principes de la diplomatie auquel il n’y a pas lieu d’y déroger quoique nous pensions du régime et pouvoir du Président légitime élu du Venezuela.

  3.  » En matière de politique étrangère qui se prétend vertueuse, le pire est-il encore à venir ? » Oui Monsieur Serge HALIMI la médiocratie actuellement au pouvoir en France sous la baguette du « chérubin du palais à la moquette neuve » nous conduira dans la tourmente !

  4. Laurent Bouger // 27 février 2019 à 18 h 24 min //

    C’est vrai. C’est aussi tentant de vouloir bousculer le tyran. Maduro ici, Castro ou Ortega là… Les américains, qui veillent sur leurs intérêts sont parfois bien inspirés. Suis-je emporté par mon anticommunisme ? Peut être… Macron à la remorque des USA, ce ne serait pas la première fois… Pendant ce temps, la tête de liste de la « droite » aux élections européennes, le falot Bellamy, adoubé par le cynique Wauquiez, déclare préférer Macron à Le Pen et Juncker à Orbàn ! Tout va bien donc… J’attends encore les arguments des gaullistes orthodoxes qui m’expliqueraient que voter RN, même par défaut serait une erreur voire une faute morale, pour un gaulliste en 2019…

  5. Nous étions au bord du gouffre et nous avons fait un grand pas en avant..

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