Les gilets jaunes : une crise politique ? Non une crise structurelle, une crise de régime !

Par Jacques Myard

On le sait, mais on a toujours tendance à l’oublier : l’Histoire est sans fin et surtout les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

La crise des gilets jaunes a surpris et étonné nombre d’observateurs et de politiques; toutefois certains dont je suis – désolé pour cette modestie – ont toujours annoncé, sans pour autant avoir de mérites, que la politique de Bruxelles et de la BCE de Francfort nous menait dans une impasse.

Il convient, en effet, d’ouvrir les yeux sur la réalité macro-économique dans laquelle la France doit conduire son économie et sur les contraintes qui en découlent.

UNE CRISE STRUCTURELLE 

La France est dans la zone euro et les Français y sont attachés: j’ai souvent écrit sur cet attachement, soulignant qu’il s’apparente en quelque sorte à un acte de foi, de nature quasi religieuse.

Il est possible que cela change mais il est certain aujourd’hui qu’aucun gouvernement européen ne prendra l’initiative de sortir de la zone euro, ce qui ne signifie pas que la monnaie unique se soit pas aujourd’hui menacée !

Il convient de comprendre ce que signifie une monnaie unique comme l’euro :

– C’est l’impossibilité d’avoir une politique monétaire adaptée à chaque économie nationale dont certaines peuvent connaître une surchauffe, d’autres stagner.

– Le taux externe de la monnaie unique, notamment vis-à-vis du dollar américain, est le résultat essentiellement de l’économie dominante dont les surplus commerciaux tirent l’euro vers le haut, en l’occurrence l’Allemagne. L’euro surévalué est alors un sérieux handicap pour les exportations de la France.

– C’est l’impossibilité de dévaluer pour retrouver de la compétitivité, ce qui est parfois nécessaire même si certains fustigent les dévaluations comme une facilité; dès lors il est jugé préférable de « se serrer la ceinture » et de faire des coupes radicales dans les dépenses, à charge pour le peuple de le comprendre …afin de respecter les fameux 3% de déficit budgétaire.

Cela s’appelle la dévaluation interne, politique que la Grèce, l’Espagne,le Portugal, l’Italie ont été obligés de mettre en oeuvre pour réduire leurs déficits budgétaires et, à un moindre degré, la France.

Le gouvernement Hollande puis Macron ont mis en oeuvre cette dévaluation interne en bloquant les salaires de la fonction publique, en réduisant les allocations familiales, les pensions et les allocations vieillesse, et les investissements.

De plus E. Macron a accru la CSG sur les retraités et enfin augmenté les tarifs sur les carburants avec le succès que l’on connaît …

Cette politique a entraîné une récession économique sans pareille puisque l’Italie au jour d’aujourd’hui n’a toujours pas retrouvé son PIB de 2008 et elle a provoqué des mouvements sociaux importants ainsi que l’arrivée au pouvoir d’une coalition que E. Macron qualifie de populiste.

Propos que les Italiens ont justement appréciés et, avec une ironie cinglante, ils nous promettent de renvoyer Jules César pour mater ces Gaulois réfractaires…vu et lu dans la presse italienne

En décidant d’augmenter le SMIC, de défiscaliser les heures supplémentaires, de supprimer la hausse des carburants – laquelle devait compenser la suppression de la taxe d’habitation -, de supprimer la hausse de de la CSG pour les revenus inférieurs à 2000 €, E. Macron prend le contre-pied de ses choix européens antérieurs et va à Canossa devant la révolte populaire; il  » lâche  » 10 milliards € pour calmer le jeu.

Telle est la réalité : la politique intransigeante de l’Union européenne, qui a l’oeil rivé sur le fameux ratio des 3% du déficit budgétaire, quelles que soient les circonstances, relève de l’idéologie et méconnaît la nécessité d’adapter la voilure lors des tempêtes.

A cela, il faut ajouter l’interdiction pour les Banques Centrales de financer les Etats (Traité de Maastricht), d’où des dettes souveraines colossales et l’atonie complète des investissements !

UNE CRISE POLITIQUE

Certains ministres doivent se sentir légèrement embarrassés à la suite des décisions du Président de la République : l’une a souhaité que l’on rétablisse l’ISF, l’autre a fustigé la hausse du SMIC qui détruit des emplois, et le Premier ministre défend la fiscalité écologique avant d’être désavoué quelques heures après…

Voilà une belle coordination ministérielle qui va laisser des traces …

UNE CRISE DE RÉGIME

Mais le problème majeur révélé par cette crise est la défiance, pour ne pas dire le rejet du Président de la République dont l’image, malgré un acte de contrition et de repentance unique d’un Président de la République, est brisée .

Sa crédibilité est fortement mise à mal et semble irrémédiablement compromise. A travers sa personne, c’est le char de l’Etat qui s’embourbe !

Certes, le pire n’est jamais certain et selon les mots pleins de sagesse de Chateaubriand à Madame Récamier :

 » Je ne ferai jamais entrer les malheurs de mon pays au nombre de mes espérances. »

Mais Emmanuel Macron doit se garder d’oublier, dans le calme précaire revenu, la résolution qu’il a prise pendant la tempête de changer son action, car la tempête risque de gronder encore plus fort s’il n’y a pas un changement radical de politique économique; loin, très loin de l’idéologie de Bruxelles !

A suivre !

Jacques MYARDMembre Honoraire du Parlement,
Maire de Maisons-Laffitte.
Président du Cercle Nation et République

5 commentaires sur Les gilets jaunes : une crise politique ? Non une crise structurelle, une crise de régime !

  1. Jupiter a fait illusion durant 18 mois.Pourtant la crise actuelle n’ est pas imputable au seul roi Macron.
    D’ autres éléments interviennent dans cette chienlit.
    Une Europe gérée par un traité de Maastricht qui nous impose un diktat économique dont nous ne pouvons nous libérer
    Un capitalisme financier qui oublie les hommes
    Des médias ou des réseaux sociaux aux mains de groupes financiers mondialisés qui oublient de payer l’ impot grace à l’ optimisation fiscale
    La question est simple, comment redonner le pouvoir aux peuples dans leurs diversités et leurs différences ?

  2. Jupiter a fait illusion durant 18 mois. Pourtant la crise actuelle n’ est pas imputable au seul roi Macron, sourd au cri du peuple dans son palais élyséen.
    D’ autres éléments interviennent dans cette chienlit.
    L’ Europe uniquement économique et libérale loin des peuples qui la composent.
    Le traité de Maastricht nous impose un diktat économique dont nous ne pouvons nous libérer.
    Le capitalisme financier géré par des algorithmes qui oublient les humains.
    Il est aussi certainement très difficile d’ etre le président d’ un pays endetté, dépendant d’ un systéme bancaire aux antipodes d’ un capitalisme à visage humain.

    A qui profite en premier lieu la crise des gilets jaunes à entre autres Facebook et BFM tv, ils gérent heure par heure le déroulement des événements et se délectent sournoisement des excès de violence des samedis hexagonaux. Le propriétaire de BFM tv est aussi patron du groupe Next radio tv et RMC. Facebook est une multinationale qui minimise ses déclarations de revenus et se sert de l’ optimisation fiscale pour éviter de payer l’ impot.
    La question est simple, comment redonner le pouvoir aux peuples dans leurs diversités et leurs différences?
    Je voudrais juste terminer par un propos du Général De Gaulle.
    Mon devoir social demeure.Sans doute le malaise des ames qui résulte d’ une civilisation dominée par la matiére ne saurait étre guérie par quelque régime que ce soit. Tout au moins pourrait- il étre un jour adouci par un changement de condition morale qui fasse de l’ homme un responsable au lieu d’ étre un instrument.
    D’ autre part pour que les inévitables inégalités, mutations, prélèvements que comporte une économie moderne apparaissent aux yeux de tous comme réguliers et justifiés il faudrait une organisation ou chacun serait un sociétaire en méme temps qu’ un employé

  3. Jacques Payen // 13 décembre 2018 à 12 h 22 min //

    Mr Myard, il n’est pas correct de parler de « la politique intransigeante de l’Union européenne ».
    L’Union européenne, au travers de la Commission, ne fait qu’appliquer les Traités que NOS gouvernements ont signés en notre nom et parfois dans notre dos, depuis l’Acte unique de 1986, la plupart du temps avec la complicité de prétendus gaullistes (Chirac, Juppé, Toubon, Balladur, Sarkozy etc).

    Nous nous sommes volontairement ficelés. Notre horizon est verrouillé.

    Aucune réorientation sérieuse ne pourra être engagée dans notre pays sans une remise en cause radicale des Traités.

    Tout le reste est foutaise, comme les « mesures » annoncées par Macron, dont on s’apercevra bien vite qu’elles apportent un simple répit au gouvernement sans rien changer au fond.

    Relisons le discours de Philippe Seguin de mai 1992 contre le traité de Maastricht. Il est prophétique !
    Appauvrissement, déclassement, fragmentation de la société, déficit démocratique, tyrannie de la finance et de la technocratie: tout est annoncé !

  4. Il faut en convenir Mr Myard, l’actuel locataire du château n’est pas très brillant !

  5. C’est devant toutes ces injustices accumulées, cette difficulté à vivre simplement de ses revenus, que cette colère s’est formée. Cela ne date cependant pas d’hizr, cela fait plus de quarante ans que nos élites et dirigeants s de tous bords se gavent et vivent comme des princes.
    Avec Macron, on avait pensé un temps que ça changerait, qu’il y aurait un vrai dégagisme… penses tu ! Ils sont tous rentrés, qui par la fenêtre, qui par la cheminée… ils sont tous là ! Et nous devons nous serrer la ceinture.

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