Le gaullisme aujourd’hui

Jean-Marie Dedeyan

Le Gaullisme n’est pas une doctrine. Dans l’imagerie populaire, c’est d’abord un fait historique. L’histoire d’un homme et de ses compagnons qui refusent la défaite de 1940, s’opposent au renoncement adopté par le régime de Vichy et décident de combattre. Pour de Gaulle, il s’agit de défendre une certaine idée de la France forgée par des siècles d’histoire, une conception de la souveraineté, un refus de l’asservissement et une volonté farouche de permettre au peuple français de continuer librement à écrire sa propre histoire au lieu de la laisser écrire par d’autres.

Le Gaullisme n’est ni une religion, ni une idéologie. C’est une conception réfléchie et pragmatique de l’action. Cette approche repose à la fois sur des réalités historiques, culturelles, démographiques et géographiques, sur des valeurs philosophiques, sur une prise en compte réfléchie des circonstances et des réalités, et sur une capacité d’application dont les principes demeurent, mais dont la traduction opérationnelle est fonction des circonstances.

Être gaulliste aujourd’hui, ce n’est pas être nostalgique. C’est, au contraire, agir sans renoncer pour maintenir vivante une certaine idée de la France, de l’État, de la Nation, de la République et du Bien public, afin d’éclairer et d’élever la pensée et l’action futures des jeunes générations.

Un peu partout dans le monde, des hommes et des femmes honorent le souvenir du général de Gaulle décédé le 9 novembre 1970 dans sa maison de Colombey-les-Deux-Églises.

Une voix, un nom, une philosophie de l’action

Le 18 juin 1940, lançant son célèbre Appel*, il est d’abord une voix et un nom. Pendant les quatre années de guerre, ce nom et cette voix ont symbolisé l’honneur et l’espérance ; l’honneur du peuple français et l’espoir de sa patrie libérée.

Rappelé en 1958 pour sortir la France et les Français des errements d’une IVe République confrontée à une instabilité chronique et à de nombreuses difficultés politiques, économiques, sociales et diplomatiques, le général de Gaulle a su rénover la République en la dotant d’une constitution et d’un gouvernement dont l’action, sous l’impulsion de Michel Debré d’abord, puis de Georges Pompidou, a largement porté ses fruits.

En une dizaine d’années, la France s’est trouvée régénérée. Malgré l’épreuve de l’Algérie, ses finances ont été assainies, ses banques, son industrie, son agriculture ont fait l’objet de restructurations, son économie a progressé, ses équipements ont été renouvelés et développés, la paix scolaire a été rétablie, sa défense a été modernisée et sa politique extérieure lui a permis d’exercer, sur le fondement de son indépendance, une influence internationale incontestable…

Une conception lucide de la République

La France est donc indépendante et maîtresse de son destin comme elle est maîtresse de ses relations avec les autres états.

La légitimité du général de Gaulle à l’égard de la France et son autorité dans le Monde ont indéniablement contribué à l’efficacité de son gouvernement et de son action politique. Un contrat de confiance entre la Nation et lui avait été forgé dans le malheur et dans l’espérance des années de guerre. Et, à son retour en 1958, ce contrat reposait sur de nouvelles institutions dont il avait esquissé les grandes lignes le 16 juin 1946 à Bayeux et sur une conception lucide de la République :

– La République, c’est la France unie et indivisible, consciente de son destin collectif et dotée d’institutions solides et souples, dont la légitimité repose sur la volonté populaire librement exprimée.

– La République c’est une France dans laquelle la citoyenneté constitue une sphère où chacun est l’égal des autres. Et cette égalité est garantie à la fois par des droits individuels et par un espace public, politique et social : la Nation.

– La République, c’est une France ambitieuse dont le bon état des finances, la compétitivité, la croissance économique, s’ils sont des objectifs premiers, sont aussi des moyens pour bâtir une solidarité sociale équitable, accélérer la mutation des entreprises, organiser la participation des travailleurs dans l’Entreprise, réaliser des projets d’avenir dans l’espace et le fond des océans, mener des programmes de recherche et effectuer des découvertes technologiques ou médicales contribuant au progrès individuel et collectif.

– Indivisible et ambitieuse, la France est souveraine ; et la République est garante de cette souveraineté. Ne pas l’affirmer, c’est condamner la France à perdre sa personnalité au profit d’une ou plusieurs autres.

La question a déjà fait l’objet de larges débats, notamment sur la coopération européenne. La conception gaullienne à cet égard considère que l’Europe doit être envisagée non comme un super État qui affaiblirait la Nation, mais comme une union entre états qui s’associent pour coopérer et mener des actions communes dont ils assurent entre eux la définition et l’exécution.

Le général de Gaulle considérait que la coopération entre nations européennes est nécessaire, mais qu’il convient de « faire l’Europe sans défaire la France », en veillant à la défense de nos intérêts ; car ce que la France n’aura pas fait pour elle-même, nul ne le fera à sa place. De surcroît, l’Europe n’est pas la même selon que la France est forte ou faible. La France est donc indépendante et maîtresse de son destin comme elle est maîtresse de ses relations avec les autres états.

Cette indépendance nationale est une exigence d’autant plus nécessaire que le monde est incertain, marqué par l’égoïsme de nombreuses puissances, par des rivalités commerciales accrues, par des déséquilibres démographiques, des tensions idéologiques et des conflits ethniques sur la plupart des continents.

 « Faire l’Europe sans défaire la France« 

L’indépendance de la France, qui repose sur la force nucléaire de dissuasion, ne saurait cependant, en tant que telle, se suffire à elle-même. Elle est la condition de la libre maîtrise de leur destin par les Français sur le plan intérieur ; mais c’est d’elle également que dépend la possibilité pour la France de jouer le rôle qui est le sien sur la scène internationale.

– Patrie des droits de l’homme, la France, sous l’autorité de ceux qui la dirigent, a, ainsi, la double charge de garantir la liberté et la solidarité des Français, et de déployer sa politique extérieure au service de la Paix, du progrès et de la dignité de la personne.

Face aux défis du XXIe siècle, une source d’inspiration pour les décideurs

Cette philosophie de l’action au service du bien public constitue une belle leçon. C’est quand on a la volonté d’ajuster son action à cette haute idée de la France et de sa mission que l’on peut évoquer le nom du général de Gaulle et se réclamer du Gaullisme. Car le Gaullisme est d’autant moins une nostalgie que dans de nombreux domaines de réflexion et d’action il constitue une référence.

Dans la mémoire de chacun, Charles de Gaulle est désormais non seulement l’homme du 18 juin, le fondateur de la Ve République, l’initiateur avec le Chancelier Adenauer du rapprochement franco-allemand, un homme d’État exceptionnel doublé d’un grand écrivain. Mais son message continue aussi à éclairer les réflexions et les décisions politiques, qu’il s’agisse des institutions, de la défense, de la conception des rapports entre les peuples, de la dignité de la personne humaine, de la participation…

Notre époque actuelle n’est pas seulement celle des mutations et des perspectives nouvelles offertes par la coopération européenne, la recherche scientifique, les nouvelles technologies et leurs applications à l’industrie, aux transports, à l’éducation, à la santé, à la communication.

Notre époque est aussi faite de rivalités et de tensions entre nations, entre nations et continents, entre continents et civilisations. Sur une scène désormais mondialisée, elle est le théâtre de compétitions souvent impitoyables : techniques, économiques, ethniques, culturelles, idéologiques, stratégiques…

Or ces compétitions se déroulent dans un environnement international incertain et face à des acteurs imprévisibles, alors que des menaces d’une gravité exceptionnelle modifient sensiblement nos réflexions sur l’avenir.

La pensée et le pragmatisme du général de Gaulle demeurent, dès lors, dans la plupart des situations, une source d’inspiration utile et féconde pour appréhender ces défis tout en veillant à maintenir l’union des Français et à préserver l’autonomie stratégique de la France ; car, pour que la France demeure un grand pays, celle-ci doit demeurer pour les générations présentes et futures une ambition forte et partagée.

Jean-Marie Dedeyan
Vice-président de la
Fondation Charles de Gaulle


* Article paru le 15 juin 2010 sur Gaullisme.fr

8 commentaires sur Le gaullisme aujourd’hui

  1. Le Général De Gaulle a été le meilleur Président de la République que j’ai connu à ce jour.

  2. Nous y sommes …à la quadrature du cercle, version politicards de tous bords….faire avec les autres ,mais, si de préférence en gardant sa totale liberté de faire comme on le souhaite !!!!
    « le chérubin du palais » est certainement l’orfèvre de cette INEPTIE ouvertement exposée ce dernier week-end de « parade » ! !!!!!

  3. Flamant rose // 12 novembre 2018 à 19 h 29 min //

    Le rassemblement des gaullistes ne peut s’accomplir que sur une base commune établie en référence : – à la philosophie humaniste qu’a inspiré toute l’action du général de Gaulle. – à sa doctrine ou, pour ceux qui contestent le terme, à ses grands desseins. – au style enfin, car cette philosophie et cette doctrine imposent un certain style d’action.

    Une philosophie
    C’est en son nom que depuis l’origine du gaullisme, depuis le 18 juin 1940, tant d’hommes, venus d’horizons si différents, ont livré le même combat. C’est le combat pour l’homme que de Gaulle a d’abord engagé contre un ennemi dont l’inspiration reposait sur un mépris total de l’homme. La pensée du général fut inspirée, que ce soit au niveau politique ou au niveau sociologique, par la nécessité de sauvegarder l’individu face à la masse, l’homme face à la machine. C’est le combat disait-il de l’esprit contre la matière.
    Si l’on cherche à définir aujourd’hui le gaullisme, je suis tenté de dire, dit Nungesser, qu’il est essentiellement « un effort pour adapter la société moderne aux impératifs de l’humanisme ». tel est bien le sens de la phrase gravée dans le granit du mémorial de Colombey : « il n’y a qu’une querelle qui vaille, celle de l’homme. »

    Une doctrine
    Nungesser dit qu’un certain nombre de ses amis contestent l’emploi du mot doctrine. Pourtant quand on rapproche la définition du Larousse de celle que le Général donnait lui-même du gaullisme, il semble que l’on puisse vraiment parler de doctrine. « Ensemble de notions qui constituent un système politique » dit le dictionnaire. « Système de pensée, de volonté et d’action » disait le général de Gaulle qui, lui même, n’avait pas hésité à parler de sa propre doctrine.
    Mais « doctrine » ne veut pas dire catéchisme figé, dont nous devrions rabâcher indéfiniment les préceptes. Au rythme où va le monde, il convient, comme de Gaulle l’aurait fait lui même, d’adapter, d’actualiser, d’extrapoler.

    Un style
    Livrer ce combat pour l’homme, servir les idées forces qui en résultent, c’est également s’imposer un style de pensée et d’action, fait du dépassement des problèmes du quotidien. C’est s’obliger à une hauteur de vue qui conduit à inscrire l’action dans une tactique, elle-même fondée sur une stratégie globale et à long terme. Certes, le général fut un « génial pragmatique », mais ce réalisme de l’action était au service de principes, clairement définis et jamais remis en cause;
    Le gaullisme d’aujourd’hui comme celui de demain est fort des potentialités du gaullisme d’hier. Nungesser disait que de Gaulle était révolutionnaire parce qu’il remettait en cause les structures et les errements de notre société, en appelant à livrer le « combat pour l’homme ». ce combat est éternel, toute l’histoire du monde le prouve.

  4. Mémoire d’automne

    Etre gaulliste n’empêche pas d’être un nostalgique qui emploie des mots tels que : souvenir, mort, voix, nom, patrie, France, histoire de France.
    Et la nostalgie n’empêche pas, quel que soit le moment, l’action et l’adaptation à un nouvel environnement qui peut être parfois très hostile.
    L’action de chacun d’entre nous, c’est à chaque instant, le refus du renoncement, de la défaite, une résistance, un combat permanent en toutes circonstances contre toutes formes d’asservissement et d’exploitation
    en puisant dans toutes nos ressources physiques et intellectuelles.
    C’était hier, c’est aujourd’hui, ce sera demain.
    Aussi, viser toujours haut et se tenir droit pareil à un vieux chêne, c’est pour le moins avoir l’attitude et l’aptitude nécessaires pour prendre la hauteur suffisante afin de conserver les coudées franches.
    Cependant, un seul chêne ne suffit pas toujours pour qu’il soit en mesure de propager sur un périmètre donné sa grandeur. Il a besoin d’unir ses semblables pour résister aux assauts des forces déchaînées liguées contre lui.

    Quand on évoque et non sans nostalgie l’appel du 18 juin 1940, car la France d’aujourd’hui ne peut pas être dissociée de son histoire, alors on ne peut s’empêcher d’évoquer non sans nostalgie également le message codé de Radio Londres de 1944 qui annonçait le débarquement et qui faisait référence à une France littéraire portée par Paul Verlaine dans « Chanson d automne » de 1866 je cite : « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone ».

    Verlaine était un nostalgique quand il poursuivait ainsi : « Je me souviens des jours anciens et je pleure ». De Gaulle certainement aussi !

    Un 9 novembre 1970, ce grand général libérateur appuyé par une France combattante aidée par des alliés s’en allait « au vent mauvais » qui l’emportait, « pareil à la feuille morte ».

    En ce jour du 11 novembre, de l’Arc de Triomphe jusqu’aux monuments aux morts érigés dans les coins les plus reculés de notre terre française, nos morts de 14-18 sont particulièrement honorés.
    « Ô triste, triste était leur âme » parfois à cause d’une femme…

    Alors en méditant sur ce qu’est ou n’est pas le gaullisme, ou ce qu’il doit être ou ne pas être pour défendre une certaine idée de la France, l’orphelin se demande si le grand vide qui manque aujourd’hui à la France pour qu’elle soit aimée et respectée, n’est pas finalement un romantisme qui manque profondément à ce pays car la mère patrie c’est comme une femme, elle a besoin d’être admirée, aimée, considérée et pas simplement assignée à servir de sillons pour enfanter, consoler puis au final pleurer ses enfants morts après le chant du départ.

    RF 11.11 2018

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  6. bonjour,
    quel bonheur et quel espoir de lire ce type d’article qui met en exergue les idées et valeurs portées par le gaullisme.
    un article qui rappelle par ex qu’un gaulliste peut être un européen convaincu même si nous souhaitons une autre Europe.
    seulement qui pour aujourd’hui pour porter ce message?
    j’ai cru un temps que NDA pouvait lancer le débat mais il s’est fourvoyé.. il est donc hors jeu. Chevènement, tjs une référence pour moi mais il ne peut plus incarner l’avenir… alors qui? quand j’entend les aubert, ciotti… nous dire qu’ils sont gaullistes, perso je ne peux m’empêcher de désespérer de revoir bientôt un vrai leader gaulliste droit, charismatique, non raciste, laic, soucieux de la france sans être nationaliste…Monsieur Séguin vous me manquez

  7. DELECOURT Jean-Louis // 10 novembre 2018 à 16 h 45 min //

    Très bon article, synthétique quoiqu’un peu complaisant sur les déviations subies par Charles de Gaulle, notamment sur la Participation; je crois que l’on peu parler d’une philosophie politique,à l’appui d’un système de volonté, de réflexion et d’action.
    N.B. merci de prévenir le site gaullisme.fr que je ne reçois, depuis plusieurs mois que les titres, sans les textes….

  8. le gaullisme aujourd’hui existe encore mais, la plupart de ceux qui se disent gaulliste ne le pratique pas… CITEZ les grands hommes politiques aujourd’hui, aucun n’a connu de Gaulle, il n’a connu que le nom … de même Madame de Gaulle n’avait pas de cabinet ?? elle n’appauvrissait pas la FRANCE, entourée de copains, gardes du corps dépensière et inutile. Certains ont même plusieurs femmes ou compagnes sur le dos des contribuables… DE GAULLE est mon exemple, mais pas ESTROSI et tant d’autres ?

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