De Gaulle acclamé au Congrès américain en 1960

Quand la France était La FRANCE

Le général de Gaulle effectue une visite triomphale aux États-Unis en avril 1960. Il est reçu par le président américain Dwight Eisenhower. Rue des Archives/Rue des Archives/ Picture Allian

Emmanuel Macron en visite d’État à Washington prononcera le traditionnel discours devant les parlementaires au Capitole. Sera-t-il autant applaudi que le général de Gaulle le 25 avril 1960 ? Réponse mercredi.

Tous les présidents français de la Cinquième République, hormis François Hollande, s’y sont pliés. Le discours devant les deux chambres parlementaires réunies en Congrès fait partie des incontournables des visites d’État aux États-Unis. Invité à célébrer ainsi l’amitié franco-américaine, chacun impose son style. Valéry Giscard d’Estaing en 1976 sera le premier à prononcer son texte en anglais, allocution qualifiée le lendemain par le Washington Post de « compréhensible malgré l’accent ».

En 1960, le général de Gaulle est reçu par le président Dwight Eisenhower. L’accueil est triomphal à Washington comme à New York, San Francisco et La Nouvelle Orléans.

Nous sommes alors en pleine guerre froide et le président français prépare le sommet de Paris du 16 mai qui réunira les « Quatre Grands » (France, USA, URSS, Grande-Bretagne). Ignorant encore que la rencontre internationale avortera en raison de l’affaire de l’avion-espion U2, il lance un appel à la détente devant un parterre de « congressmen » enthousiastes.

Explosion d’enthousiasme au Capitole

Deux visiteurs seulement, de mémoire de « congressman » ont reçu un accueil pareil au Capitole ; Churchill et Mac Arthur.

« Tout le monde se lève ; applaudissements prolongés ; les applaudissements se transforment en ovations ; les ovations durent plusieurs minutes. » Telle serait en langage officiel soviétique la description de l’accueil que reçut le général de Gaulle dans la salle du Congrès. À cette différence près toutefois que les manifestations « parlementaires soviétiques » sont préfabriquées et commandées à l’avance ; ici, la réaction a été une explosion d’enthousiasme et un hommage spontané. Des bravos se mêlaient aux applaudissements et un brouhaha admiratif qui n’était pas tellement différent du bruit qui salue la performance d’un Arthur Rubinstein ou d’un Sugar Ray Robinson. Deux visiteurs seulement, de mémoire de « congressman » ont reçu un accueil pareil au Capitole ; Churchill et Mac Arthur.

La salle rectangulaire de la Chambre des représentants étant la plus vaste, c’est là que le Congrès se réunit en séance commune pour entendre le général de Gaulle.

Une tribune assez basse se dresse sur l’arrière fond, quatre colonnes de marbre flanquant la bannière étoilée. Deux grands portraits dans des cadres dorés constituent l’unique ornement du mur de fond : George Washington à gauche, La Fayette à sa droite -c’est un ‘La Fayette’ sur la fin de sa vie, en 1825 exactement, lorsqu’il effectua le pèlerinage triomphal dans le pays qu’il avait contribué à rendre indépendant.

Les tribunes du public s’étalent garnies bien avant l’ouverture de la séance. À midi vingt, tous les regards se tournent vers celle de gauche ; sénateurs et représentants se lèvent et applaudissent : c’est Mme de Gaulle qui vient d’arriver, escortée par Mme Nixon et par Mme Alphand. La « présidente » porte un ensemble gris fumé et un chapeau de tulle gris feuilleté. Quelques minutes plus tard le speaker Rayburn abat son marteau : le vice-président Nixon effectue son entrée par l’allée centrale à la tête d’un cortège de sénateurs et de représentants. Il va occuper le fauteuil jumeau de celui de M. Rayburn qui lui revient de droit. Troisième entrée : les présidents des commissions annoncés par M. Nixon. La quatrième entrée est celle du corps diplomatique annoncé par le « doorkeeper » c’est-à-dire le « gardien de la porte » du Congrès. Un comité spécialement désigné quitte les lieux pour aller chercher le général de Gaulle à son arrivée de Blair House. Il pénètre dans la salle à midi et demi et monte directement à la tribune. Les applaudissements se prolongent et le général y répond par un geste évasé des deux mains qui est à la fois un remerciement et une invitation à se rasseoir.

Un index péremptoire

« Américains, sachez-le ! Dans la grande partie qui s’engage, rien ne compte davantage pour la France que la raison, la résolution, l’amitié du grand peuple des U.S.A. Je suis venu vous le dire. » Général de Gaulle

Les ovations les plus nourries marquèrent le passage relatif au désarmement nucléaire. Ceux qui écoutaient parler de Gaulle, ayant le texte français sous les yeux, purent constater une fois de plus que les seules modifications qu’il y apportait étaient des améliorations de style et une recherche du mot juste ou de l’emplacement exact. Vers la fin, par exemple, énumérant les participants de la conférence au sommet, le texte plaçait le nom de Macmillan immédiatement après celui d’Eisenhower. À la tribune, de Gaulle rétrograda le premier ministre britannique au profit de Khrouchtchev. Les Américains s’aperçurent avec plaisir que le président de la République avait prononcé à la perfection les noms propres américains, y compris celui de Mac Arthur, assurément le plus difficile. Les derniers mots que de Gaulle prononça, en élevant la voix et en les marquant d’un Index péremptoire, produisirent une impression profonde : « Américains, sachez-le ! Dans la grande partie qui s’engage, rien ne compte davantage pour la France que la raison, la résolution, l’amitié du grand peuple des U.S.A. Je suis venu vous le dire. »

Ovations en série

Rayburn prononce en quelques mots un éloge personnel du général de Gaulle, haché d’applaudissements. « La France, dit-il notamment, est un grand pays, fier et libre. Et elle restera libre aussi longtemps qu’elle demeurera sous la conduite du général de Gaulle. »

Le discours fut coupé cinq fois d’applaudissements avant l’ovation finale.

Nouvelle ovation qui se prolonge jusqu’au moment où le général, se tournant vers M. Rayburn, dit : « Monsieur le speaker. » De Gaulle a le texte de son discours posé sur le pupitre de la tribune. Il ne s’y référera qu’une seule fois, après avoir approché ses lunettes de ses yeux. À deux reprises, il tourna les pages, mais comme ce qu’il disait ne coïncidait pas avec l’endroit où la page devait être tournée, il s’agissait plutôt d’un geste de pure forme. Les sénateurs et représentants pouvaient tous suivre sur la traduction anglaise qui leur avait été distribuée à l’avance. La plupart d’entre eux le faisaient, ce qui, au Congrès, constitue un signe évident d’intérêt. Le discours fut coupé cinq fois d’applaudissements avant l’ovation finale.

Tout le monde fit face à l’allée centrale pendant que le général, tout de gris vêtu, se dirigeait vers la sortie. Tête nue, sous le soleil encore plus torride qu’hier et avant-hier, de Gaulle s’installa dans sa voiture découverte, à la droite de Mme de Gaulle et regagna Blair House sous les acclamations.

De nombreux touristes — il y en a toujours aux abords du Capitole — étaient accourus voir ce qui se passait Ils purent apercevoir la longue voiture noire battant fanion tricolore à croix de Lorraine et drapeau américain, et, assis dedans, un homme grisonnant, très droit qui les saluait de la main. On s’étonna que, sous un soleil aussi implacable, de Gaulle soit resté tête nue.

Par Nicolas Châtelain et Léo Sauvage
Article paru dans Le Figaro du 26 avril 1960


 

1 commentaire sur De Gaulle acclamé au Congrès américain en 1960

  1. Flamant rose // 26 avril 2018 à 15 h 17 min //

    En 1960, le voyage aux États-Unis a été un passage d’un tournée puisque de Gaulle s’est rendu au Canada, aux États-Unis, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe. Il a rencontré son ami Eisenhower qui, depuis leur précédente rencontre était devenu président des États-Unis. A ceux qui s’étonnaient d’une telle débauche d’énergie que demandait cette tournée et la fatigue que cela pouvait engendrer, le Général a eu une de ces répliques dont il était coutumier, je le cite « je ne suis pas un cheval de cirque ».

    C’est à San Francisco que le Général a abordé les questions de liberté je le cite «  les peuples de la terres doivent avoir le droit de disposer d’eux mêmes. On ne peut être responsable si on n’est pas libre » et d’ajouter «  Pour l’ordre du monde nous voulons que les peuples soient libérés ».

    Ce discours sur la liberté avait pour but, en autre, de préparer un sommet mondial qui sera annulé suite à la capture par les soviétiques d’un avion U2 américain. Cet incident permettra d’ailleurs au général de Gaulle de faire part de sa solidarité avec les États-Unis puisqu’il dit à Eisenhower à propose de Khroutchev je cite « Quoiqu’il fasse, nous serons avec vous jusqu’au bout « . 

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