La justice nécessite du temps.
Etre ministre n'est pas un jeu !
Christian Saint-Palais, président de l’association des avocats pénalistes, réagit aux propos de la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes.
La secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa est critiquée pour avoir publiquement réagi aux propos de l’avocat de Jonathann Daval, qui a reconnu avoir tué sa compagne Alexia.
L’Express a interviewé Christian Saint-Palais, président de l’association des avocats pénalistes.
Marlène Schiappa est au cœur d’une polémique pour avoir commenté les propos de l’avocat de Jonathann Daval. Êtes-vous choqué ?
Christian Saint-Palais : Oui, elle porte une appréciation sur un axe de défense dans une affaire particulière. Un membre du gouvernement doit s’abstenir d’un tel commentaire qui est perçu comme une immixtion dans une affaire en cours par les acteurs de la vie judiciaire. Nous ne voulons pas que des gens qui ont des fonctions institutionnelles se prononcent publiquement sur une affaire. Il est important que les ministres préservent l’image de sérénité qui doit s’attacher au traitement des affaires judiciaires.
Marlène Schiappa assure ne pas être rentrée dans une affaire judiciaire mais lutter contre la banalisation des violences conjugales…
Incontestablement, elle réagit à un propos d’un avocat et donc à la défense d’un mis en cause. C’est une réaction trop rapide, à chaud, comme au café du commerce. Il est évident qu’elle peut parler de la question des violences conjugales. Mais elle n’a pas à porter de commentaires publics sur une affaire en cours. Par le moment qu’elle a choisi pour s’exprimer, elle donne l’image d’une ministre qui intervient dans le cours d’une affaire judiciaire. Ce n’est pas acceptable. Cela a créé une énorme émotion dans la communauté judiciaire.
L’entourage de Marlène Schiappa fait valoir que, vue la terminologie utilisée par l’avocat, une absence de réaction de sa part lui aurait été reproché.
Je n’exclus pas qu’en effet, certains le lui auraient reproché. Des associations mènent des combats tout à fait légitimes et pensent qu’au nom de ce combat, il faudrait bousculer toutes les règles. Mais non. Quand on est ministre, il faut accepter les critiques et rappeler les principes. Sinon, c’est céder à une pression qui n’est pas légitime.
Mais l’intervention des politiques dans les affaires sont fréquentes. Encore récemment, Emmanuel Macron a par exemple réagi à l’agression d’un jeune juif à Sarcelles alors que si l’antisémitisme est soupçonné, les circonstances de cette agression restent encore à établir.
Toutes ces réactions sur la qualification juridique et l’imputabilité des actes sont malvenues. La justice nécessite du temps. Cela étant, ce que l’on reproche à Marlène Schiappa, c’est de réagir à la position de la défense, pas à la mort de la jeune femme. Un gouvernement peut tout à fait s’associer à l’émotion créée par un crime.
Cher Edmond,
Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le constat qu’il n’existe que deux pouvoirs : l’exécutif et le législative, le judiciaire n’étant qu’une autorité. A partir de là, deux possibilités.
Soit, on maintient les choses en l’état et, dans ce cas, comme vous le dites, l’autorité judiciaire est soumise à l’éxécutif (qui nomme les juges) mais aussi, dans une certaine mesure, au législatif (qui, comme son nom l’indique, fixe le cadre légal). Dans ces conditions, on ne saurait parler d’indépendance.
Soit on crée un véritable pouvoir judiciaire et dans ce cas les magistrats doivent être élus.
Les deux points de vue me semblent légitimes. Mais, que l’on adopte l’un ou l’autre, il faut aller au bout de la logique (ce que vous faites parfaitement).
Bien amicalement à vous, cher Compagnon.
cher Jean Dominique Gladieu: les Procureurs sont élus aux Etats Unis et sont tributaires de leur électorat. Une étude historique de cette façon de désigner le Ministère Public permet de voir, par exemple, que dans certains Etats du Sud la Justice a été ségrégationniste bien après les lois sur les droits civiques des Afro-américains. Je ne suis pas enclin à soutenir votre proposition. En France, nous avons deux pouvoirs: pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Il n’y a pas de pouvoir judiciaire seulement une autorité judiciaire qui justement tire sa légitimité du fait d’être nommé par le pouvoir exécutif. Je ne veux pas d’une république des Juges.
Cher Edmond Romano,
Concernant le Parquet, on pourrait imaginer (toujours selon mon idée fixe d’élection des magistrats par le peuple) que le Parquet, au lieu d’être inféodé au Ministère de la Justice, soit composé d’Accusateurs Publics élus n’ayant de comptes à rendre qu’au Peuple.
Le rôle du Ministère de la Justice serait alors purement administratif.
Cette proposition ne va certes pas dans l’air du temps mais toute réflexion visant à accroitre le pouvoir populaire est toujours la bienvenue.
Indépendance de la Justice: les magistrats du siège (ceux qui jugent) sont indépendants en ce sens où ils ne peuvent (en théorie) pas recevoir d’instructions. Les Magistrats du Ministère Public ou du Parquet ont eux un lien hiérarchique avec le Ministère de la Justice. Faut-il rompre ce lien? Nous risquerions alors de voir disparaître une unité pénale qui serait néfaste. Si le Ministre de la Justice ne peut plus donner d’instructions chacun dans son coin pourra décider pour son propre Parquet.
Ce qui m’inquiète plus c’est la politisation de certains magistrats et l’absence de sanctions? Certains se souviennent du « mur des cons » où un syndicat avait affiché les photos de personnalités politiques en écrivant sur le tableau d’affichage le fameux mur des cons. Aucune sanction n’a été prise, il y avait pourtant un délit: celui d’injures publiques.
Bien évidemment, je rejoins les commentaires faits ici sur cette affaire.
Toutefois, la question de « l’indépendance » de la justice est posée. Actuellement, les magistrats sont nommés par l’autorité judiciaire elle-même « chapeautée » par le Ministre de la Justice. Dans ces conditions, « l’indépendance » n’est-elle pas illusoire ?
Pour garantir une véritable séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, ne faudrait-il pas que les juges soient élus ?
» Un politique ne commente pas les affaires judiciaires. » surtout lorsqu’elles sont à l’instruction !
Mais voilà, cela les démangent de paraitre sur les médias et ils sont incapables de se taire en attendant que justice soit rendue.
Les politiques, en l’occurrence Madame Schiappa et son défenseur Monsieur Dupont Aignan n’ont à s’ingérer dans le milieu de la Justice et dans la procédure, si doués et diplômés, nous ne devrions pas faire ce rappel » la séparation des pouvoirs ».
Je pense que le Premier Ministre et la Garde des Sceaux, auraient dû inviter Madame Schiappa à passer sous silence ses propos dans un domaine hors de sa compétence ministérielle ainsi que de l’inviter à descendre de son petit nuage….
L’impatience d’en finir se heurte toujours au temps
Le temps de la justice est hors du temps réel au regard de celui du politique, de l’opinion publique, des victimes, des détenus, des familles.
La Justice fixe son calendrier judiciaire en fonction du temps nécessaire à l’instruction. Elle a besoin aussi de sérénité.
Elle peut donc donner le sentiment dans certains cas d’être expéditive, laxiste, et dans d’autres cas d’être très lente à prononcer enfin la sentence tant attendue qui reste toujours susceptible d’un recours qui impliquera à son tour de nouveaux délais d’attente. Une bonne justice rendue et de qualité est parfois à ce prix.
On peut comprendre dès lors, que le temps nécessaire qu’elle s’accorde heurte les impatiences, les passions et aussi bien sûr le droit à réparation.
Il n’y a pas lieu également de s’étonner que la Justice française ait été maintes fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses lenteurs.
Sur un autre point : la qualification des faits, le cumul de qualifications voire la requalification des faits, relèvent du juge et non pas d’une ministre voire d’un Président de la République qui doit rester le garant de l’indépendance de la justice et maître d’une certaine retenue par rapport à des faits précis qui par ailleurs doivent être vérifiés.
Il y a aussi le principe de la séparation des pouvoirs qui doit être respecté.
Les acteurs de la justice à un moment donné sont le juge, les jurés, l’avocat de la défense et de la partie civile et l’avocat général pour faire simple, sans la moindre immixtion de la sphère politique.
La Secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui défend la cause des femmes battues, est méritante.
Cependant il eut été préférable pour mieux défendre cette cause, que Madame Schiappa dénonce en premier lieu le manque de moyens de l’institution judiciaire et qu’elle apporte ses solutions afin qu’il soit remédié et dans des délais très courts au malheureux sort des victimes qui méritent un traitement rapide de leur situation.
René Floureux 4.02.2018
La Schiappa a perdu une occasion de se taire. Ce qui ne lui ferait pas de mal. Un politique ne commente pas les affaires judiciaires.
A ce sujet il faut lire les bonnes chroniques du site « Vu du Droit » l’égide de Maître Régis de Castelnau.