Djihadistes, peine de mort, prisons…

par Laurence Havel

En octobre dernier, la ministre aux armées Florence Parly, disait que « si des djihadistes tombent aux mains des forces syriennes, ils dépendront de la juridiction des forces syriennes. »

Mais le week-end dernier, la ministre de la Justice Nicole Belloubet, disait que : « bien entendu, s’il y avait une question de peine de mort, l’État français interviendrait ».

Que diront alors demain le Premier ministre ou le Président de la République ?

Nicole Belloubet se justifie en précisant : « En tant que ministre de la Justice, je ne peux dire autre chose que mon attachement aux règles du procès équitable ».

Soit. Mais la ministre de la justice ne devrait-elle pas se préoccuper au moins autant des droits fondamentaux des Français ? Qu’en est-il de notre droit à la sécurité face à la menace que représentent ces gens qui ont choisi d’aller tuer pour l’État Islamique ?

Or, que nous disent les spécialistes ?

Le procureur de la République de Paris, François Molins, fait état de 676 Français qui seraient encore présents dans les zones de combats en Syrie ou en Irak. Parmi eux, 295  femmes.

David Thomson, le journaliste qui connait le mieux la sphère djihadiste (pour avoir enquêté pendant des années au cœur de leurs réseaux) affirmait cette semaine au Figarovox : « Il est impossible de s’assurer de la sincérité du repentir d’un djihadiste ».

Ce qui d’ailleurs est le bon sens même : personne, à ce jour, n’a trouvé le moyen de lire dans les pensées, et nous savons que les djihadistes eux-mêmes se vantent de pratiquer la “taqîya” (dissimulation) pour tromper les “mécréants”.

Et David Thompson s’offusque également que l’on présente si souvent les femmes djihadistes comme des victimes. Jusqu’à l’attentat raté des bonbonnes de gaz à Paris en 2016, elles n’étaient pratiquement jamais envoyées en prison à leur retour de Syrie ! Pourtant, David Thomson est très clair : « Il n’y a aucune différence à faire entre un homme et une femme en matière de djihadisme, les niveaux de détermination et de dangerosité sont les mêmes ».

Son constat à propos de la déradicalisation est aussi sans langue de bois, et très inquiétant : « Trois ans après les premiers programmes, si l’on fait le bilan, parmi les trois principales figures médiatiques de la déradicalisation, une a été condamnée pour détournement de fonds publics, un autre est en prison, mis en examen pour viols présumés de patientes et exercice illégal de la médecine, enfin la dernière est largement décrédibilisée, entre autres raisons parce que plusieurs des jeunes femmes passées par son « centre », dont une présentée sur tous les plateaux télé comme modèle de réussite de sa méthode de déradicalisation, sont parties en Syrie. »

D’ailleurs, c’est aussi ce que laisse entendre Naïma Rudloff, qui est avocate générale de la cour d’appel de Paris et chef du service de l’action publique antiterroriste et atteinte à la sûreté de l’État.

« Je ne suis pas certaine que l’on puisse aboutir à un désengagement salafo-djihadiste durant le temps de la détention. Les études menées l’année dernière par le parquet général de Paris ont toutes montré qu’il n’existe pas de radicalisation expresse.
Je ne dirais pas que c’est impossible (de déradicaliser en prison), mais plutôt qu’à ce stade nous n’avons pas trouvé LA solution.
 »

Je lis enfin dans le Parisien que « les détenus radicalisés représentent 2,3 % de la population carcérale en France. Ils seraient environ 1300, auxquels s’ajoutent les 500 personnes condamnées pour des faits de terrorisme liés à l’islam radical ».

La colère récente des gardiens de prison n’était pas un coup de sang sans raison. Tous les jours les surveillants sont confrontés à cette réalité : ils n’ont plus les moyens de faire respecter la discipline carcérale.

Comme l’expliquait il y a quelques jours au Figaro un surveillant travaillant au centre pénitentiaire de Moulins : « Ils ne nous respectent plus car on ne leur fait pas peur. Si on fait une remarque à un détenu dans la cour, il y en a dix qui rappliquent. Et comme vous êtes seul, vous ne pouvez rien faire. »

Et aussi : « Dans la prison, on est livrés à nous-mêmes avec un sifflet, un stylo et un Talkie-Walkie. On n’a même pas un tonfa pour se défendre. »

Désormais, trop souvent, ce sont les gardiens qui ont peur des criminels qu’ils sont censés garder.

Dans ces conditions, comment gérer des détenus ultra-violents, radicalisés, dans des prisons inadaptées et sans moyens concrets pour faire régner l’ordre et pour se défendre ?

Les constructions de 15 000 places de prison, pourtant promises par Emmanuel Macron pendant sa campagne, tardent à sortir de terre.

La ministre de la Justice promet des augmentations de salaire aux surveillants pour apaiser leur colère, mais rien n’est dit sur les moyens de rendre leur autorité aux personnels pénitentiaires.

Ajoutons qu’en plus, les détenus radicalisés enrôlent les autres et propagent leur idéologie islamiste mortifère partout où ils se trouvent, à moins d’être isolé des autres détenus.

Mais aujourd’hui, les prisons françaises comptent à peu près 15 000 détenus en surnombre par rapport au nombre de places réellement disponibles. Isoler les criminels les plus dangereux est un luxe que l’administration pénitentiaire ne peut se permettre qu’au compte-gouttes.

Alors, avant que la Ministre ne fasse ce genre de déclarations très “généreuses”, ne devrait-elle pas plutôt s’assurer que fonctionnent correctement en France le système judiciaire, le système carcéral, les programmes de déradicalisation … ?

Car aujourd’hui, rien de tout cela ne marche correctement et c’est plus qu’inquiétant.

 

7 commentaires sur Djihadistes, peine de mort, prisons…

  1. Ils ont reniés leur pays, commis des actes terroristes, ont tués, se sont livrés à la barbarie, ont combattus contre nos soldats ou ceux de la coalition et ils faudrait les rapatrier comme s’ils étaient des touristes en mauvaise situation? Non mais je rêve. Les familles des victimes de leurs attentats doivent apprécier. Qu’ils soient jugés sur place et subissent ce qu’ils méritent et tant mieux s’ils n’en réchappent pas. On sera au moins sur de ne pas les revoir sur notre sol. Enfin, étant en guerre, il me semble que pour les traîtres c’est le peloton.

  2. Terrorisme, l’impasse

    Selon l’opinion généralement répandue sur notre sol, la France serait le lieu par excellence d’où règnent la démocratie et les droits de l’homme.
    Pourtant, visiblement, l’enseignement qui y est pratiqué de nos valeurs fondamentales et de notre culture, n’a pas suffi à empêcher de calmer les ardeurs des inconditionnels de la gâchette et des armes blanches, métamorphosés en jouisseurs sadiques au moment de leur passage à l’acte. C’’est à se demander si les références actuelles enseignées ne sont pas tout bonnement rejetées par haine et désamour.
    Partis faire le jihad et pour contribuer à la création d’un grand califat qui se réduit peu à peu comme une peau de chagrin finalement mais qui laisse se répandre au-delà de ses frontières artificielles ses métastases, des hommes et des femmes bourreaux qui échappent pour l’instant à leurs futurs geôliers et à la justice du territoire de leurs méfaits, tentent de fuir comme des lâches la sentence qui les attend, eux si prompts qu’ils étaient à infliger la leur sans aucune forme de procès à l’encontre des récalcitrants qui n’épousaient pas leur idéologie ou qui incarnaient pour eux la personnification du mal absolu.
    Comme le disait il y a peu la ministre des armées : « les djihadistes n’ont pas d’état d’âme et je ne vois pas pourquoi nous en aurions pour eux et tant mieux s’ils périssent au combat ».
    Les plus chanceux qui supplient aujourd’hui nos autorités pour leur réadmission sur le sol français, sont prêts à chantonner « douce France, cher pays de mon enfance » puisque la ministre de la justice tient à leur garantir « un procès équitable » dont le retentissement sera leur récompense suprême de leur bravoure au combat.
    Du coup, la France des droits de l’homme, qui ne condamne plus à mort, redevient fréquentable mais pas encore suffisamment généreuse même si elle offrira le gîte et le couvert.
    Ces héros s’estimeront en effet injustement emprisonnés et tels des prisonniers de guerre, joueront sur la feinte comme les mafieux repentis, pour réduire leur peine d’emprisonnement puis pour semer le désordre sur le lieu de leur détention et à terme commanditer des actions derrière les barreaux. On en voit les premiers effets aujourd’hui et leurs conséquences.
    La déradicalisation qui nous coûte la peau des fesses, est l’œuvre de doux rêveurs douteux, trop bien payés pour de piètres résultats obtenus et qui seront submergés à terme par le nombre de cas à soigner.
    Autant jeter les gros billets par la fenêtre.
    Il n’y a donc rien à attendre d’ un quelconque secours de nos institutions, de nos réformes constitutionnelles comme celle envisagée sur l’indépendance du parquet, de notre politique pénale et carcérale, de notre politique générale tout court, totalement impuissantes à éradiquer un mal trop profond aussi longtemps que ses germes, générateurs de la violence et du terrorisme, ne seront pas traités.
    Éteindre momentanément des incendies avec les moyens du bord est une chose, mettre fin aux incendiaires en est une autre.
    Revendiquer ensuite à tue-tête les droits de l’homme ne suffit plus à protéger des citoyens lorsqu’une minorité agissante et demain majoritaire imposera un autre modèle de société par la force.
    Les lois seront alors rédigées de telle sorte qu’elles légitimeront une force indétrônable pour l’application d’un droit d’une toute autre nature !

    René Floureux 3.02.2018

  3. Hommes ou femmes terroristes, ils se sont fait prendre et voudraient maintenant choisir le mieux offrant du meilleur sort pour eux ? Bientôt si on ne stoppe pas les divagations intellectuelles de nos chefs ou élites nous allons peut-être devoir faire la guerre pour aller les libérer des mains de celles et ceux qui ont mis la main dessus ? Cul par dessus tête comme on dirait à la foire du coin!

  4. GENTY Jean Claude // 1 février 2018 à 20 h 33 min //

    Ces gens sont des combattants volontaires d’une cause terroriste, même habillée de religion. Aussi, bien qu’ils soient des « Français de papier », ce sont des mercenaires d’une cause non française. Alors, trève de jérémiades et de postures! ils sont ou seront jugés par leurs adversaires, loin de notre trop clémente (ou idiote et naîve) France et seront ou non condamnés à mort. Leur sort me laisse indifférent, de la même indifférence qu’ils ont eue pour la vie des gens qu’ils ont tués de si ignoble façon!!!

  5. Edmond Romano // 1 février 2018 à 16 h 16 min //

    Cher monsieur Tarride: « Je ne pleurerai pas si des terroristes subissent un sort fatal, mais je reste totalement opposé à la peine de mort car je n’admets pas qu’une Justice humaine donc faillible prononce une peine irréversible » dites-vous. Je suis, moi aussi, opposé à la peine de mort. Mais, lorsque ces gens sont partis combattre en Syrie ou en Irak, ils savaient que la peine de mort était en vigueur dans ces Etats, ils ont donc pris un risque à eux de l’assumer. De plus, sur le terrain « leurs tribunaux » appliquaient la peine de mort pour leurs opposants: ils en reconnaissent donc la légitimité. Pour les Français partis faire le Djihad, ils ont applaudi quand des attentats ont été commis sur notre sol fauchant la vie de victimes innocentes. Pourquoi la France qu’ils haïssent devrait-elle négocier leur retour?

  6. Vaste problème comme aurait dit le Général sur un autre sujet. Il manque de gardiens de prisons, et de prisons mais cela c’est de la dépense publique ce qui est très mal vu depuis 30 ans notamment Monsieur Bruno Le Maire qui a déclaré que la France avait une « addiction à la dépense publique ». Je pense que ce dernier a une addiction à la connerie puisque c’est lorsqu’il était ministre de l’agriculture sous Sarkozy qu’il a été supprimé 600 inspecteurs sanitaires ( merci Lactalis) et déréglementé la filière laitière dont nos agriculteurs souffrent et meurent.
    A propos des djihadistes capturés en Syrie et Irak nous devons les laisser entre les mains des autorités locales pour subir le châtiment de leurs actions. Quant à ceux qui rentrent, hommes ou femmes, ils ne doivent pas bénéficier de notre indulgence.

  7. Cher Ami

    Je reprendrai la plume pour évoquer le très grâce problème des prisons, mais je voudrais aujourd’hui me limiter à la question des djihadistes en instance de jugement en Syrie ou en Irak.

    La position de Madame le Garde des Sceaux est d’une naïveté consternante. Elle entend intervenir si des personnes sont condamnées à mort pour leur appartenance au terrorisme. Tout le monde sait qu’il sera alors trop tard et qu’aucun Etat au monde n’accepte de renvoyer des personnes condamnées par sa Justice vers un pays qui ne pratique pas la peine prononcée.
    En d’autres termes, ou ces personnes seront exécutées, ou leur rapatriement coûtera un maximum.
    C’est avant toute décision de Justice qu’il faut négocier, pas après.
    Je ne pleurerai pas si des terroristes subissent un sort fatal, mais je reste totalement opposé à la peine de mort car je n’admets pas qu’une Justice humaine donc faillible prononce une peine irréversible.

    Etienne Tarride

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