François Fillon : appel de juristes contre un coup d’Etat institutionnel

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En toute indépendance, et pour donner à ses lecteurs un maximum d’informations, gaullisme.fr vous propose le texte ci-dessous. Ainsi, au travers des commentaires, le débat se poursuit, en regrettant bien entendu que cette élection présidentielle ne se déroule pas comme nous en avons eu l’habitude depuis 1965.

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Plusieurs juristes (avocats et professeurs de droit) se sont mobilisés pour rédiger cet appel à propos des manœuvres employées à l’encontre de François Fillon.

Les termes de « coup d’État institutionnel » définissent parfaitement les manœuvres employées à l’encontre de François Fillon, pour tenter de l’empêcher, à tout prix, de concourir à l’élection présidentielle.

Le pouvoir a dévoyé le droit pénal et la procédure pénale pour tenter de détruire la réputation de son principal adversaire ; le but de cette vaste opération étant de favoriser l’élection d’un successeur déjà coopté, faux nez d’une candidature sociale-démocrate ou sociale-libérale qui était d’avance vouée à l’échec.

Le candidat de la droite et du centre était jugé dangereux car il avait déjà recueilli la confiance de plusieurs millions de ses compatriotes lors de primaires irréprochables.

Il fallait donc, pour tenter de le discréditer, lui imputer à délit des faits qui ne tombent manifestement pas sous le coup de la loi. L’allégation d’un « détournement de fonds publics » est contraire aux termes du code pénal et incompatible avec les principes constitutionnels.

Contraire aux termes du Code pénal d’abord : le texte qui définit ce délit, l’article 432-15, ne vise, comme auteurs possibles de celui-ci, qu’une « personne dépositaire de l’autorité publique » ou « chargée d’une mission de service public », qu’un « comptable public » ou un « dépositaire public », qualités que n’a évidemment pas un parlementaire.

Au surplus, il est plus que douteux que les sommes versées à un parlementaire pour organiser son travail de participation au pouvoir législatif et au contrôle du pouvoir exécutif puissent être qualifiés de fonds publics.

Contraire aux principes constitutionnels ensuite : à celui de la séparation des pouvoirs, seul garant du caractère démocratique des institutions et obstacle à la tyrannie. L’indépendance dont dispose le parlementaire, y compris dans la gestion de ses crédits destinés à rémunérer ses collaborateurs, n’est pas un simple caprice. C’est le préalable nécessaire à l’une de ses missions constitutionnelles qu’est le contrôle de l’exécutif. Pour préserver le principe de séparation des pouvoirs, les assemblées disposent, comme elles l’entendent, de leurs crédits de fonctionnement. Incriminer l’emploi discrétionnaire de ces dotations serait s’en prendre à l’exercice de la fonction d’un parlementaire, s’attaquer par là-même au principe constitutionnel de l’indépendance des assemblées parlementaires, corollaire de la séparation des pouvoirs. Pour l’exécutif, prétendre contrôler l’utilisation des dotations d’un parlementaire au moyen d’une procédure pénale enfreint donc ce principe.

Dans le cas de François Fillon, l’atteinte à la Constitution est d’autant plus grave que la procédure pénale est engagée illégalement. En admettant qu’il y ait eu violation du règlement d’une assemblée parlementaire, une enquête n’aurait pu être menée que par le bureau de l’assemblée en cause. C’est bien d’ailleurs la procédure qu’a retenue le Parlement européen pour sanctionner une candidate à l’élection présidentielle française.

À plus forte raison, le pouvoir ne pouvait-il laisser le parquet national financier (PNF) se saisir d’une telle enquête (ou l’y inciter) ? Il saute aux yeux que les faits allégués contre le candidat n’entrent pas dans les chefs de compétence énumérés par l’article 705 du code de procédure pénale (loi du 6 décembre 2013) de ce ministère public : non seulement ces faits ne répondent à la définition d’aucune des infractions mentionnées dans ces chefs de compétence, mais encore nul ne saurait prétendre sérieusement qu’ils présentent « une grande complexité », au sens dudit article.

C’est encore au prix d’une double erreur que le président de la République se retranche derrière l’indépendance de la justice. D’abord, les officiers du ministère public ne sont pas « la justice », la Cour européenne des droits de l’homme leur dénie l’appartenance à l’autorité judiciaire. Ensuite, ils ne sont pas statutairement indépendants du gouvernement, mais subordonnés au ministre de la Justice.

Il y a pire. Le bras armé du pouvoir, en l’espèce, est ce parquet national financier. Il est un organe d’exception au sens technique du terme, un organe à compétence dérogatoire au droit commun, limitativement définie. Faut-il rappeler sa genèse, à savoir le refus du pouvoir de se conformer au fonctionnement régulier du ministère public, faute d’avoir réussi à museler un procureur général de la Cour de Paris trop indocile à ses yeux (il est loin le temps où les tenants de ce pouvoir socialiste remettaient en cause le caractère exceptionnel de certaines juridictions, comme les cours d’assises spéciales en matière de terrorisme, sans parler de la Cour de sûreté de l’État) ?

Dès le début de l’enquête visant François Fillon, le parquet national financier s’est comme ingénié à justifier la suspicion légitimement née de cette origine : la précipitation avec laquelle l’enquête a été ouverte, sans même le respect d’un délai suffisant pour lire à tête reposée le Canard enchaîné laisse perplexe ; surtout, la publication dans Le Monde par deux « journalistes » familiers du président de la République, de son secrétaire général etc., des procès-verbaux de l’enquête à peine sont-ils clos, au mépris de secret de l’enquête, démontre irréfutablement une collusion entre les officiers du ministère public ou leurs délégataires et ces « investigateurs ». Le même journal combat d’ailleurs les moyens de défense constitutionnels invoqués par la défense de François Fillon en faisant appel à un civiliste

Dans leur acharnement, ceux qui ont ourdi cette machination ont pourtant négligé ou sous-estimé un risque : celui d’une action engagée contre l’État, en application de l’article L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire, en réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice au cas de faute lourde. En effet, il ne se discute pas que la violation du secret de l’enquête ou de l’instruction en matière pénale constitue un fonctionnement défectueux du service public de la justice et que le rôle actif ou passif du parquet dans cette violation caractérise une faute lourde.

Il reste que la tentative de déstabilisation et de disqualification du candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle est sans précédent par sa violence et par l’implication ouverte de l’État.

Sans doute dans le passé d’autres candidats ont-ils été visés par des attaques venant pour la plupart des mêmes journaux : affaire Markovic, diamants de Bokassa, affaire Clearstream. Mais jamais le pouvoir en place n’avait orchestré la campagne avec une pareille impudence.

Au-delà du seul piétinement de la présomption d’innocence, principe dont s’enivrent constamment les zélateurs de l’actuel pouvoir, pour refuser d’endiguer la délinquance ordinaire, ce sont tous les principes essentiels d’un État démocratique qui sont bafoués.

Au-delà de la défense du candidat François Fillon, aucun juriste ne peut cautionner ce dévoiement voulu et partisan des institutions, préalable à un « coup d’État permanent ». Ni la magistrature, ni la police n’ont vocation à servir de supplétifs à un pouvoir moribond.

C’est pourquoi les juristes signataires de cet appel entendent alerter leurs compatriotes sur cette forfaiture et ses dangers pour la démocratie. Ce n’est pas une poignée de substituts militants trop zélés qui feront obstacle aux millions de Français qui ont déjà choisi démocratiquement François Fillon comme candidat de la droite et du centre. Nous n’acceptons pas un coup d’État institutionnel, au profit de l’héritier désigné par le pouvoir.

Philippe FONTANA
Avocat au barreau de Paris

André DECOCQ
Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Geoffroy de VRIES
Avocat au barreau de Paris

Yves MAYAUD
Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Serge GUINCHARD
Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas, ancien recteur

Pauline CORLAY
Professeur agrégé des facultés de droit, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Guillaume DRAGO
Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II

Guillaume MASSE
Avocat au barreau de Paris

Jean-Luc ELHOUEISS
Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences

Georges BONET
Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Raymonde VATINET
Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas

Anne-Marie LE POURHIET
Professeur de droit public à l’université Rennes-I

Bernard de FROMENT
Avocat au barreau de Paris

8 commentaires sur François Fillon : appel de juristes contre un coup d’Etat institutionnel

  1. Jean-Dominique GLADIEU // 3 mars 2017 à 10 h 45 min //

    Je ne sais pas ce que vous pensez, mes amis, de l’affaire Fillon mais, moi, je me gratte la tête :
    1) l’affaire est lancée par « Le Canard Enchainé »,
    2) or qui peuvent être les informateurs du « Canard » sinon des gens bien introduits, autrement dit des policiers, des magistrats ou des membres de l’administration fiscale ?
    3) auquel cas, il y a eu « fuites » !
    4) dans ces conditions, y-a-t-il une enquête diligentée pour déterminer les auteur(e)s des dites-fuites (lesquelles constituent a priori un délit) ?
    5) en supposant (cela reste à démontrer) que les « révélations » du « Canard » soient exactes, les faits remonteraient à plusieurs années et ne sont dévoilés, comme par hasard, qu’aujourd’hui … en pleine campagne présidentielle !
    6) toujours en supposant que les accusations portées contre François Fillon soient avérées (ce qui, répétons-le reste à établir), cela laisserait supposer que la justice, la police, l’administration, etc. étaient au courant (puisque les « fuites » vers le « Canard » partent de ces sources)et que rien n’a était pendant belle lurette …
    7) c’est à dire que ces services auraient fait preuve de complicité (toujours dans l’hypothèse encore à démontrer de la « culpabilité » de François Fillon) !
    8) à ce jour, François Fillon n’est toujours pas mis en examen, il est convoqué chez le juge d’instruction le 15 mars mais on ne sait pas quelle sera l’issue de cet audition …
    9) ce qui n’empêche pas notre chère presse « démocratique » de décréter d’ores et déjà la culpabilité de François Fillon au mépris de la présomption d’innocence …
    10) … mépris de la présomption d’innocence qui constitue un délit. Ce qui (selon mon modeste et ridicule avis) est un scandaleux laxisme car cela devrait (à mon sens) entrer dans la catégorie des crimes. Il me semble, en effet, particulièrement grave de porter des accusations contre quelqu’un alors qu’on a aucune légitimité pour le faire. Seuls devraient en avoir le droit ceux qui sont mandatés pour cela par le peuple (ce qui soit dit en passant reviendrait à revoir de fond en comble l’organisation de la « justice » mais c’est une autre histoire !).
    11) pour en revenir à notre affaire, puisqu’une certaine presse se permet de porter atteinte à la présomption d’innocence de François Fillon, tout ce « beau monde » devrait en bonne logique se retrouver au tribunal …
    12) quant aux « amis » politiques de François Fillon qui le lâchent les uns après les autres, comment ne pas penser qu’avec des tels « amis » le pauvre n’a plus besoin d’ennemis pour l’abattre !
    13) je précise, enfin, que je suis en total désaccord avec le programme politique de François Fillon et que c’est précisément pour cela que je souhaiterais un vrai débat politique autour des projets des uns et des autres …
    14) débat que le montage en épingle de cette affaire empêche d’avoir !
    EN CONCLUSION, TOUT CECI NE DONNE PAS ENVIE D’AIMER LA DEMOCRATIE !

  2. A Edmond Romano…..vous ne contredisez pas le fait que nos élu(e)s sont rétribué(e)s sur des fonds publics. C’est déjà une bonne chose qui permet de s’intéresser de ce qu’ils font avec l’argent puisé dans les caisses de l’Etat.
    Quand au mélange des genres public-privé vous n’en soufflez mot alors qu’à mon sens (et de quelques autres)c’est bien par là que naissent toutes ces histoires qui ont comme conséquence de jeter la suspicion sur les élu(e)s et de surcharger d’activités le PNF.

  3. Edmond Romano // 22 février 2017 à 17 h 25 min //

    BAERTJC: il semblerait, d’après vos propos, que vous venez, tout récemment, d’apprendre comment fonctionne les Assemblées parlementaires en France. Oui, nos députés sont rétribués avec de l’argent qui provient de nos impôts mais il serait démagogique de vouloir que cet argent vienne d’ailleurs car c’est tout simplement impossible. Ils ont, il est vrai, une indemnité de frais de représentation et il n’ont pas à justifier de son emploi: préfèreriez-vous qu’ils dépendent de telle ou telle société privée qui exercerait de fait une pression sur l’élu? Enfin, concernant les attachés parlementaires: oui ils ont une enveloppe fixe qu’ils utilisent selon leur gré et ce afin qu’au fil des alternances les députés de l’opposition aient les mêmes moyens que ceux de la majorité.
    Sont-ils bien payés? Oui par rapport à certaines professions non par rapport à d’autres. Sont-ils trop payés? Non car si l’on veut éviter la corruption mieux vaut avoir des Parlementaires qui aient un niveau de vie suffisant.
    Il est de bon ton de taper sur la classe politique, sur les élus nationaux et locaux mais que serait la démocratie sans eux? Enfin, si leur place est aussi enviable chaque français peut se présenter aux suffrages de ses concitoyens mais pour se faire encore faut-il une certaine dose d’abnégation.

  4. A Delaisse JP…ôtez-nous d’un doute…toutes les indemnités des parlementaires sont puisées dans des fonds publics, n’est ce pas ?
    Pour compléter un député dispose également d’un crédit affecté à la rémunération de collaborateurs (aussi appelés assistants parlementaires ou attachés parlementaires) qu’il recrute, et dont les effectifs varient de 1 à 5. Son montant mensuel est de 9618 euros. Cette somme est donc par nature affectable. Le député entrepreneur a aussi le choix de faire la gestion des charges (CSG, Sécu ,Retraite, etc.) liées à ces emplois en direct ou bien de passer par la gestion du bureau de l’Assemblée qui administrera pour lui.Enfin le député dispose d’une indemnité dite de représentation d’environ 5840€ qu’il peut c’est vrai dans ce cas utiliser sans justificatif.

  5. Edmond Romano // 21 février 2017 à 19 h 59 min //

    ben oui le droit ne compte pas! Que l’on veuille tuer politiquement Fillon ne compte pas: seule compte la haine de certains! Mais, les électeurs ne se tromperont pas. François Fillon est le prochain Président de la République

  6. Delaisse Jean-Paul // 21 février 2017 à 19 h 26 min //

    Dites moi sans hésiter si je me trompe, mais enfin, à l’évidence depuis des décennies, chaque parlementaire ou sénateur dispose d’une enveloppe, certes versée par l’Assemblée (ou le Sénat) dont il lui appartient d’en disposer à sa guise pour le bon déroulement administratif de son mandat.
    Cela équivaut « bêtement » à ce que dans le privé, on appellerai « prime exceptionnelle d’équipement ».
    Soit, ces fonds ont été utilisé pour favoriser des membres de la famille, et c’est en fait ce qu’on reproche à F. Fillon. Mais, soyons honnêtes ! si votre employeur vous accorde une prime de cet ordre, franchement, ne feriez-vous pas la même démarche de « favoritisme » ?
    Donc cet acharnement continue à me hérisser au plus haut point, même si je ne suis pas spécialement de son avis politiquement parlant, mais la situation où nous sommes, si NDA n’arrive pas à ses objectifs, F. Fillon me semble être la moins mauvaise solution.
    Ce document co-signé par ces personnes, qui au moins semblent savoir de quoi elles parlent, me semble quand même bien fixer les idées que l’on doit se faire sur cette « affaire de démolition ».

  7. Et voilà ce qui arrive avec le mélanges des genres. Activités d’élu en parallèle avec des activités professionnels privées, cumul des mandats et des postes, contrat de travail de droit privé financé sur des fonds publics, représentations officielles où se mêlent acteurs privés et acteurs publics,etc,etc.?..il serait temps que les juristes proposent des « barrières » d’étanchéité pour éviter ce mélanges des genres de la « société d’économie mixte » que la France entretient et qui est à l’origine de toutes ces affaires et conduit à ce climat de suspicion permanent.

  8. Oui.
    Ces belles et fortes subtilités juridiques n’enlèvent rien au fond, qui est et demeure politique.
    Un élu (qui prétend en plus laver plus blanc que blanc !) peut-il se sucrer à ce point, tout en déclarant 1/ l’Etat est en faillite, 2/ si vous m’élisez il y aura une purge drastique ?

    L’électorat fera payer à M. Fillon son inconsistance et son indécence. Qui, de lucide, peut s’en étonner ?

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