Philippe Seguin et la référence européenne

1288749_6_8cdc_philippe-seguin-devant-une-photo-du-general_548c45fd5c7006d07959d8c78a6e0fe9Alors que l’actualité se focalise sur le Brexit, les leaders politiques y vont, chacun, de leur couplet. C’est l’occasion de rappeler ce que le gaulliste Philippe Seguin pensait de l’Union européenne. Ce texte est une référence dont il faut s’inspirer pour l’Europe de demain.

C’est le discours courageux qui lui aura peut-être coûté l’Elysée. Alors que le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre, nous vous proposons de relire le lumineux plaidoyer que prononça Philippe Seguin devant l’Assemblée Nationale, le 5 mai 1992 contre l’intégration supranationale. »Voilà maintenant trente-cinq ans que le traité de Rome a été signé – disait-il – et que d’Acte unique en règlements, de règlements en directives, de directives en jurisprudence, la construction européenne se fait sans les peuples, qu’elle se fait en catimini, dans le secret des cabinets, dans la pénombre des commissions, dans le clair-obscur des cours de justice. Voilà trente-cinq ans que toute une oligarchie d’experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise les conséquences. » Alors député des Vosges, il s’exprimait dans le cadre d’une exception d’irrecevabilité déposée par lui et plusieurs de ses collègues sur le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht. Il faut aujourd’hui le compter au rang des « grands discours républicains », mais aussi des grands discours européens prononcés devant le Parlement. Une voix qui va cruellement manquer à la France.

Alain Kerhervé


Discours prononcé par M. Philippe Séguin le 5 mai 1992 (exception d’irrecevabilité en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement) Transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne (en vue de l’application du traité de Maastricht) – Cliquez ici pour le format PDF


10 commentaires sur Philippe Seguin et la référence européenne

  1. Delaisse Jean-Paul // 3 juillet 2016 à 11 h 35 min //

    J’oubliais en passant la clairvoyance historique de Ph Seguin, concernant la monnaie unique !
    Encore une évidence, j’allais dire, d’économie primaire, que tous ont soigneusement occulté.
    Comment pouvait-on imaginer un seul instant qu’une monnaie unique pouvait solutionner les problèmes d’Economie de chaque Etat si différent les uns des autres sur ce domaine ?
    Comment pouvait on imaginer un seul instant qu’avoir une monnaie unique permettrais une harmonisation des difficultés économiques locales et périodiques de chacun ? Même Antoine Pinay a du se retourner dans sa tombe…

  2. Delaisse Jean-Paul // 3 juillet 2016 à 11 h 25 min //

    En dehors du fait que les députés soit-disant gaullistes de l’époque (on retombe encore sur les « gaullistes » qui n’en ont repris que l’étiquette avantageuse), le discours gaullien de Ph Seguin met en évidence, d’une part, que « l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! C’est facile à dire ! », et d’autre art, que les gouvernances de l’époque n’ont pas admis l’évidence qu’un fédéralisme d’états n’a jamais existé, parce que c’est une impossibilité de fond.
    Je réitère mon point de vue, en disant que cette « construction » a été beaucoup trop rapide, et jamais été réellement pensé, pesé. Déjà, ce n’était pas très facile à six, et ces gouvernances aveugles n’ont pourtant pas hésité à passer à 12- 15, 28, en intégrant des états n’ayant jamais envisagé une harmonisation de fond, mais avec seulement l’ambition de tirer de jolis marrons du feu, sans en assumer réellement les obligations.
    Ces obligations furent petit à petit annihilées par la technocratie illégitime de Bruxelles, plus attentive à la fabrication des fromages de Hautes Alpes, que la recherche d’un équilibrage raisonné des charges sociales (par exemple…).

  3. Christian MAZARD // 3 juillet 2016 à 9 h 41 min //

    Philippe Seguin a eu raison sans en tirer profit. Son ambition était de servir l’Etat et de servir la France. Ce qu’il dénonçait en 1992 est plus que jamais d’actualité. Philippe Seguin était un européen convaincu attaché à défendre l’ Europe des Nations contre cette Europe économique et pas du tout sociale mise en place pour le plus grand bien des grands patrons au détriments de la démocratie et des citoyens. Le Fédéralisme aujourd’hui ne peut pas marcher car l’ Europe politique et sociale n’existe pas. Les reculs successifs des gouvernants ont débouché sur la mise en place d’une dictature technocratique à la solde du grand capital qui méprise les nations et confisque la démocratie. Ce qui a pour résultat d’attiser les frustrations des peuples et d’exacerber ces nationalismes qui ont par le passé conduit l’Europe vers l’ abîme. Le Brexit est l’occasion de remettre tout à plat. L’heure est venue pour les peuples de reprendre en main leur destin sur la base d’une Europe des Coopérations.

  4. Un passage de ce discours contre Maastricht est d’une actualité brûlante…
    C’est à propos du prétexte tiré par nos élites, s’appuyant aujourd’hui sur le coup de semonce du brexit, comme elle le faisaient hier sur les limitations imposées par le Traité de Nice, pour imposer le TCE puis « Lisbonne », pour proposer plus de fédéralisme afin de sortir du blocage technocratique qui laisse l’UE impuissante, au milieu du gué…
    Quelle fabuleuse vision que celle de P. Séguin et quelle immense expérience que celle qui la lui permit !

    « Pourtant, j’en conviens volontiers, ce qu’on nous propose aujourd’hui ce n’est pas le fédéralisme au sens où on l’entend quand on parle des Etats-Unis ou du Canada. C’est bien pire, parce que c’est un fédéralisme au rabais! On ferait vraiment beaucoup d’honneur au traité en affirmant, sans autre précaution, qu’il est d’essence fédérale. Il ne comporte même pas, en effet ce serait, après tout, un moindre mal les garanties du fédéralisme.
    Car le pouvoir qu’on enlève au peuple, aucun autre peuple ni aucune réunion de peuples n’en hérite. Ce sont des technocrates désignés et contrôlés encore moins démocratiquement qu’auparavant qui en bénéficient et le déficit démocratique, tare originelle de la construction européenne, s’en trouve aggravé.
    Dans ces conditions, un véritable fédéralisme, avec son Gouvernement, son Sénat, sa Chambre des représentants, pourrait demain apparaître comme un progrès, sous prétexte qu’il serait alors le seul moyen de sortir de l’ornière technocratique dans laquelle nous nous serions davantage encore embourbés.
    C’est la raison pour laquelle je suis d’autant plus résolument opposé à cette solution d’un fédéralisme bancal qu’elle serait fatalement le prélude à un vrai et pur fédéralisme. »

    N’en doutons pas, c’est bel et bien la tournure que prennent les choses et pour nos gouvernants, le seul échappatoire au marasme européen sera une fois de plus « davantage d’Europe », « le grand saut fédéral », dont pas plus que les Américains (qu’y n’y verront que le renforcement d’une entité concurrente…) que les peuples d’Europe, dont certains comme les Allemands, peu partageurs…, ne veulent…

  5. Dubost Viviane // 1 juillet 2016 à 0 h 48 min //

    Je rends hommage à Monsieur Philippe SEGUIN qui avait bien compris, avant nous, comment fonctionne ce gigantesque appareil administratif. Je m’en rends compte à mes dépens depuis de nombreuses années mais encore plus aujourd’hui. Quand les adultes souffrent, quand les enfants sont en danger et que des spécialistes appellent à l’aide, la seule réponse est le silence. C’est ainsi que des drames, des catastrophes se produisent car personne n’a daigné porter assistance à mes compatriotes et aux enfants en danger. Monsieur Philippe SEGUIN avait très bien pressenti les événements.

  6. Philippe Séguin avait raison déjà il y a 25 ans, mais que n’avait on dit à l’époque, sur son manque de clairvoyance, de solidarité, de rétrograde, etc…

  7. Henri Guaino a largement participé à la rédaction de ce mémorable et prémonitoire discours.

    Il est consternant de se souvenir que plus de la moitié ( 68 sur 126)des députés RPR, parti à l’époque,encore prétendument gaulliste, n’ont pas voté la motion d’irrecevabilité défendue par P.Seguin, ouvrant ainsi la voie au processus de ratification du Traité de Maastricht. Certains sévissent encore et toujours aujourd’hui chez LR !

    On reste confondu devant la lucidité prémonitoire des affirmations du tandem Séguin-Guaino. Citons entre autres :

    «le refus de dévaluation se paie du blocage de l’investissement et de l’explosion du chômage», notre chômage chronique et la destruction de plus de 20% de notre potentiel industriel en son la tragique illustration !
    «l’aliénation de notre politique monétaire entraîne l’impossibilité de conduire une politique autonome»,
    «la normalisation de la politique économique française implique à très court terme la révision à la baisse de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un obstacle rédhibitoire, tant pour l’harmonisation que pour la fameuse convergence des économies»,
    «dès lors que dans un territoire donné il n’existe qu’une seule monnaie, les écarts quelque peu significatifs de vie entre les régions qui le composent deviennent vite insupportables»

    Michel Debré qui prit position pour le Non, résuma d’une phrase ce moment crucial pour notre pays:
    « Aux accords de Maastricht, Laval aurait dit oui, de Gaulle aurait dit non. »
    (M.Debré. Mémoires T5, page 221)

  8. Edmond Romano, // 30 juin 2016 à 15 h 12 min //

    Oui, Philippe Seguin a été l’un des plus ardents opposants au Traité de Maastricht avec Charles Pasqua. Ces deux Gaullistes incontestables ont défendu à cette époque le « non » de façon acharnée. Toutefois, il faut bien remarqué qu’ensuite aucun des deux n’a prêché pour la sortie de l’euro. Pourquoi? Avaient-ils changé d’avis? Je ne le pense pas. Mais en gaullistes et grands démocrates qu’ils étaient, ils ont accepté le résultat du Référendum. Ils n’ont pas remis en cause la parole internationale de la France. Certains devraient s’en inspirer et ce dans les deux camps. J’entends par là ceux qui aujourd’hui ne pense qu’à sortir de la zone euro et ceux qui ont rayé d’un trait de plume la volonté populaire en reniant le résultat de Référendum de 2005.

  9. Même Henri Guaino est encore loin des analyses justes, fondées et prémonitoires de Philippe Seguin de l’époque de son discours contre Maastricht.

  10. JEAN-PAUL DELAISSE // 30 juin 2016 à 11 h 26 min //

    Et même ce grand gaulliste clairvoyant n’a pas réussi à l’époque à secouer la fourmilière….quel malheur !!!
    Je diffuse un maximum ce texte – avec la référence bien sûr !

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