Euro : le changement d’avis d’un prix Nobel* d’économie

Il y a six mois, j’avais fait un papier pour recenser les prix Nobel* d’économie critiques de la monnaie unique. J’en avais recensé huit et un commentateur avait ajouté Hayek, lauréat en 1974. Christopher Pissarides, qui a été distingué en 2010, revient sur les raisons de son changement d’opinion.

L’Europe, victime de l’euro

C’est le message qu’a délivré jeudi Christopher Pissarides, professeur à la prestigieuse London School of Economics. De manière intéressante, contrairement à Paul Krugman et Joseph Stiglitz, sceptiques de la première heure, l’économiste a affirmé que « à l’époque, l’euro semblait être une bonne idée. Mais cela s’est retourné (contre ses créateurs). Cela pénalise la croissance et la création d’emplois et divise l’Europe. La situation actuelle est intenable ». Il a appelé à un démontage ordonné de la monnaie unique ou à des mesures destinées à promouvoir la croissance et l’emploi.

L’économiste a dénoncé « une génération perdue de jeunes gens éduqués » du fait de la monnaie unique. Il avait déjà soutenu en juin dernier que « si l’Espagne veut se sauver, elle doit revenir à la peseta ». Dans Atlantico, Nicolas Goetzmann revient sur la prise de parole de Christopher Pissarides et souligne également que les années de crise éloignent de plus en plus les peuples de cette mauvaise européenne. Aujourd’hui, il n’y a plus que 45% des peuples européens qui sont favorables à l’Union Européenne (contre 60% en 2012), ce qui promet de très bons résultats pour les partis qui lui sont opposés.

Le démontage de l’euro : la seule politique raisonnable

Mais ce qui est encore plus intéressant ici, c’est de rappeler à quel point le débat est biaisé dans la plupart des médias. S’opposer à la monnaie unique est souvent caricaturé comme un réflexe nationaliste, d’arrière-garde, du passé, qui serait totalement déraisonnable. Les bataillons de moins en moins fournis de ses défenseurs promettent toutes sortes de malheurs qui ressemblent aux sept plaies d’Egypte, comme ils le faisaient en 2010 quand nous évoquions cette issue pour la Grèce. Mais le temps a parlé : c’est le fait de maintenir la monnaie unique qui provoque une catastrophe.

Car toutes les horreurs qu’ils annonçaient se sont passées en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande, ou à Chypre. Comment imaginer décemment aujourd’hui que ces pays se porteraient plus mal s’ils étaient sortis de l’euro ? Et plus le temps passe, plus les preuves s’accumulent, plus les économistes renommés deviennent critiques à l’égard de cette expérience hasardeuse et artificielle de l’unification monétaire de la zone euro. Mais plus nos dirigeants européens refusent de regarder la réalité en face, préférant torturer les peuples pour essayer de sauver le veau d’or auquel ils ont lié leur destin.

Aujourd’hui, il n’y a qu’une politique raisonnable : démonter la monnaie unique, revenir à des monnaies nationales et, si possible, garder l’euro comme monnaie commune, de réserve et éventuellement d’échange. Ce sont les défenseurs de la monnaie unique qui sont déraisonnables, comme le montre la réalité.

Laurent Pinsolle


* : prix de la banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, seul « prix Nobel » qui ne vient pas du testament de ce dernier, mais qui est décerné selon les mêmes règles


3 commentaires sur Euro : le changement d’avis d’un prix Nobel* d’économie

  1. Gilles Le Dorner (Bourges) // 7 mars 2014 à 8 h 52 min //

    Yalta en pire . En suite de cette Europe . Nous prennent-ils , quidams et nations , pour des pions imbéciles ? L’ affrontement sournois n’ a pas cessé , les alliances d’ intérêts changent de costumes et de monnaies , voilà tout . Des blocs , des matières premières et l’empire des argentiers . Le Non à l’intervention de 2003 en Irak et peut-être à d’ autres pourrissements , l’ Europe vieux continent (ô combien et quand la Russie parlait français) et la France vieux pays , l’ axe Chirac-Merckel-Poutine face aux activistes faucons méthodistes , oubliés . Nous revoici en position plus transparente , hélas plus sombre aussi , variation biaisée sur Koutousov attendant de pied ferme l’ empire . Chacun fourbit ses armes L’ inertie du maître de Russie , la chape de plomb sur la Syrie , le statu quo de l’avant et l’après Genève 2 . Le mutisme sur l’ Iran ou Gaza . Le partage en sous-main dans le sang des armes de l’ Afrique . Cette Europe jouant la vierge effarouchée de ces manques de démocratie , suivant sans doute les incantations de quelque philosophe-prophète , feignant l’ étonnement de découvrir en Crimée une base géostratégique , si prompte à l’ aide financière financée par nos impôts et deniers comme au devoir d’ ingérence idéologique sans attendre le verdict des urnes d’ un pays en sa souveraineté , préparant en coup bas sans doute et réplique , une nouvelle fois et très prudemment et après les élections européennes et les temps des débats et des votes , l’ extension de cette Europe à la Turquie base de l’ Otan . Cette Europe , une espérance ? Non , un masque , une sinistre mascarade , un calque de l’ Atlantique à l’ Otan . Pendant ce temps et depuis l’autre côté d’ un mur , la Chine tisse sa toile deçà delà , force tranquille couvant ses intérêts mais sans intérêt de trop d’ embrasement , monnayant nos dettes , reprenant la maxime , rivière trop pure n’ amasse pas de poisson . Les Etats ne sont-ils que des monstres froids ?

  2. Hélas , cher Michel Castelin, c’est l’histoire, toujours renouvelée, des tribus gauloises…

  3. CASTELIN Michel // 15 décembre 2013 à 13 h 12 min //

    En phase, à ceci près :

    pourquoi dire encore qu’il faut essayer de garder l’euro comme monnaie commune. Toujours cette forme de demi-mesure, de peur d’effrayer l’électorat.
    Il faut TOUT dire, TOUT de suite.

    Certains le font certains comme par exemple, M. Asselineau …

    L’euro c’est non !
    Point.
    Et vous-même en exposez très bien les raisons. Donc allez au bout du raisonnement.

    mais , bon dieu ! parlez-vous, parlez d’une seule voix, travaillez ensemble … !

    vous devisez en ordre dispersé …
    vous serez, nous serons, laminés …

    regardez, écoutez ce qu’il se passe autour de vous (autour de nous) :
    1-la radio ‘europe 1′ a embauché depuis quelque temps un nouvel éditorialiste : KohnBendit ! (vers 07h45 , je crois) .
    En somme le cinquantenaire de ’68’ a déjà commencé !
    Le même coup du Centenaire 14-18 en nov 2013 !

    2-le rapport sur ‘l’intégration inclusive’ ?
    C’est ‘ l’agit-prop’ soixante-huitarde érigée en mode de gouvernement !

    Et les partisans de la souveraineté du Peuple Français et de l’indépendance de la France en sont à se snober …

    Echec assuré.
    CASTELIN Michel

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