Jérôme Cahuzac … suite
- Par Michel Deléan (Médiapart)
En marge de l’affaire de son compte non déclaré, l’ex-ministre du budget socialiste risque maintenant d’être mis en examen pour la fausse déclaration d’intérêt qu’il a rédigée en entrant au gouvernement.
Le parquet de Paris a délivré le 6 août un réquisitoire supplétif aux juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du dossier de Jérôme Cahuzac, selon des informations obtenues par Mediapart. Initialement poursuivi pour « blanchiment de fraude fiscale », en raison de la révélation de l’existence de son compte non déclaré à l’étranger, l’ancien ministre du budget risque maintenant d’être poursuivi à brève échéance pour les omissions de la déclaration d’intérêt qu’il a remplie le 24 mai 2012, lors de son entrée au gouvernement de Jean-Marc Ayrault .
Les juges sont donc saisis d’un délit de « déclaration incomplète ou mensongère de son patrimoine par un membre du gouvernement à la Commission pour la transparence financière de la vie politique », visé par la loi du 14 avril 2011.
Quand il a été nommé ministre du budget, Jérôme Cahuzac s’est en effet abstenu de mentionner l’existence de son compte bancaire à Singapour dans sa déclaration d’intérêt. Il n’a pas non plus évoqué sa société, Cahuzac Conseil, spécialisée dans les conseils aux laboratoires pharmaceutiques, qui existait toujours malgré une activité ultra réduite au cours des dernières années.
Jérôme Cahuzac est désormais visé par de nouvelles poursuites.
La Commission pour la transparence financière de la vie politique a transmis le 29 juillet une dénonciation de la situation de Jérôme Cahuzac au parquet de Paris (un « article 40 », en jargon administratif).
Les ministres ayant rempli une déclaration d’intérêt fausse ou inexacte s’exposent à des sanctions, mais elles sont assez faibles : une amende de 30 000 euros et une peine d’inéligibilité, mais aucune peine de prison, les députés ayant pris soin d’insister sur ce point lors de l’examen du texte, fin 2010.
Il demeure toutefois une légère incertitude juridique sur l’avenir de ces nouvelles poursuites visant Jérôme Cahuzac : certains juristes estiment que la déclaration d’intérêt, remplie sur papier à en-tête du ministère, est un acte imputable personnellement au ministre, et qu’une fausse déclaration constitue un délit commis dans l’exercice de ses fonctions, relevant en conséquence des compétences de la Cour de justice de la République (CJR).
S’ils devaient faire la même analyse, les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire pourraient éventuellement se dessaisir au profit de la CJR. Le parquet a considéré, pour sa part, que le ministre était certes nommé, mais pas encore en fonction au moment où il a rempli ce document officiel. En outre, selon l’analyse du parquet, ce document est en rapport avec le patrimoine personnel de Jérôme Cahuzac, mais pas avec ses activités ministérielles.
Jérôme Cahuzac, contraint de quitter le gouvernement en mars, a été mis en examen le 2 avril pour « blanchiment de fraude fiscale » par les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, après les révélations de Mediapart.
Il a reconnu être titulaire dans une banque à Singapour d’un compte affichant environ 600 000 euros qu’il a depuis décidé de rapatrier. Les enquêteurs pensent que le compte a été ouvert en 1992 dans l’agence UBS de Genève et que les fonds ont été transférés à la fin des années 1990 chez Reyl & Cie, avant d’être déplacés en 2009 à Singapour.
Patricia Cahuzac, épouse de l’ex-ministre du budget, en instance de divorce, a été mise en examen jeudi 29 août pour « fraude fiscale » et « blanchiment de fraude fiscale ». Patricia Cahuzac avait été placée en garde à vue, les 3 et 4 juillet, dans les locaux de la Division nationale d’investigations financières et fiscales (Dniff), avant d’être libérée.
L’affaire Cahuzac a provoqué des annonces précipitées de François Hollande sur la moralisation de la vie publique, puis des débats passionnés à l’Assemblée. La Commission pour la transparence financière de la vie politique, dépourvue de pouvoirs d’enquête, devrait notamment être remplacée par une Haute autorité de la transparence de la vie publique aux pouvoirs renforcés.
À l’avenir, les mensonges, les omissions ou l’absence de réponse seront sanctionnés plus sévèrement : cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour les ministres qui mentiraient, un an et 15 000 euros d’amende pour les élus qui ne suivraient pas les injonctions de la Haute autorité. Les lois plus sévères ne pouvant avoir d’effet rétroactif, ces futures sanctions ne s’appliquent pas au cas personnel de Jérôme Cahuzac.
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